L’armée sri-lankaise est-elle venue à bout de la guérilla tamoule ?
Sa puissance militaire est finie. Les Tigres ont perdu beaucoup d’hommes, de chefs, son système de communication a été détruit. L’organisation a indéniablement les reins brisés. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle ne réapparaîtra pas sous d’autres formes. Le leader des Tigres, Velupillai Prabhakaran, serait encore en vie puisqu’il a été vu il y a quinze jours dans la zone sous contrôle tamoul. Il a d’ailleurs confié la direction des opérations à son fils et au chef des services spéciaux. La guérilla dispose également de militants et de cellules dormantes dans tout le pays. Elle avait des stocks d’armes importants à Puthukkudiyiruppu (nord) qu’elle a rapatriés avec elle dans son dernier bastion. Elle pourrait être capable d’organiser des attentats, comme elle l’a démontré le 10 mars en ciblant plusieurs ministres dans le sud du pays.
Comment Colombo est-il parvenu à affaiblir en quelques mois l’une des guérillas les plus puissantes au monde, qui la tenait en échec depuis plus de vingt ans ?
Il y a d’abord eu la défection de Karuna, le numéro 2 des Tigres, qui a rejoint les forces sri-lankaises en 2004. Ensuite, l’armée s’est professionnalisée depuis l’arrivée, en 2005, d’un faucon à la présidence [Mahinda Rajapakse, ndlr]. Colombo a acheté des vedettes rapides. Le pouvoir a repris le contrôle de la mer dans le nord et l’est de l’île. En 2007 et 2008, les forces sri-lankaises ont coulé une dizaine de cargos qui acheminaient des munitions et organisaient les trafics d’armes, source de financement non négligeable pour les Tigres. Dans le même temps, l’armée s’est procuré du matériel militaire en Chine, au Pakistan, en Israël, a intensifié son renseignement militaire et le recrutement. Elle peut aligner 200 000 soldats, paramilitaires, marines, etc. face aux 20 000 Tigres estimés il y a quelques mois.
Que recherche le pouvoir sri-lankais qui, depuis janvier, dit avoir lancé une « offensive finale » ?
L’armée veut sectionner la bande côtière où sont acculés les Tigres tamouls et 100 000 civils pour rejoindre la mer. Elle entend rayer les Tigres de la carte politique et militaire du pays pour ne pas avoir à négocier l’après-guerre avec eux. Et c’est beaucoup moins invraisemblable que cela l’était il y a un an.
Comment expliquer l’inaction de la communauté internationale depuis janvier ?
Elle tient au fait que la guérilla des Tigres ne bénéficie d’aucun soutien puisqu’elle figure, à juste titre, sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne. Il me semble que seules les pressions économiques, du Fonds monétaire international par exemple, seraient susceptibles d’infléchir aujourd’hui la politique de Colombo.