Dimanche 17 mai, l’armée sri lankaise a affirmé avoir évacué l’ensemble des civils qui restaient piégés dans la zone de combats qu’elle mène contre les Tigres Tamouls. Les séparatistes tamouls réfugiés sur une bande de terre d’environs 1km2 ont de leur côté admis leur défaite militaire et ont rendu les armes. Aucune organisation humanitaire, aucun journaliste n’étant habilités à rester sur place, il est absolument impossible de confirmer ces informations. C’est peut être la fin d’une offensive extrêmement meurtrière, qui dure depuis plusieurs mois et durant laquelle le gouvernement, dans sa guerre « contre le terrorisme » n’a pas fait grand cas des civils piégés entre les tirs croisés de l’armée et des Tigres de Libération de l’Eelam tamoule. L’armée n’a pas hésité depuis le début des opérations à bombarder les hôpitaux, les écoles et même la zone de sureté qu’elle a elle même délimitée. Plusieurs milliers de civils sont morts depuis le début de l’année et on compte au moins 17000 blessés.
Malgré des violations répétées des conventions internationales et la multiplication des crimes de guerre, le régime Rajapaksa ne s’est jamais senti menacé par la « communauté internationale ». Aucune initiative diplomatique n’a réussi à obtenir du gouvernement un cessez-le-feu qui aurait permis de venir en aide aux milliers de blessés et civils piégés dans la zone de combat où il n’y a rien à manger, pas de médicaments et pas d’abris pour se protéger. L’ONU a bien redouté « un bain de sang » mais s’est contenté d’appeler le gouvernement à la « retenue ». Son porte-parole a déclaré « nous sommes soulagés d’apprendre que tous les civils sont sortis de la zone des combats » reprenant à son compte les informations gouvernementales malgré le manque total d’objectivité.
L’hypocrisie n’a pas de limites. Ainsi dans un communiqué, le conseil de sécurité de l’ONU condamnait fermement les LTTE pour leurs actes de terrorisme et leur demandait de se rendre alors qu’il n’exprimait que « des inquiétudes » concernant l’utilisation d’artillerie lourde par l’armée sri-lankaise dans une zone où se concentrent les civils tamouls. Le porte parole du département d’État, Ian Kelly s’est dit « profondément inquiets, le nombre des victimes civiles a atteint un niveau inacceptable". On aimerait connaître le nombre de victimes civiles acceptable par la communauté internationale !
Au sein du conseil de sécurité de l’ONU, la Russie et la Chine ont bloqué toute action possible.
Pour la Russie, la guerre sri-lankaise est une affaire interne que le gouvernement doit résoudre comme bon lui semble. On n’est pas étonné du manque de compassion de la part d’un pays qui n’a pas hésité à tuer 300 civils à Beslan dans sa « guerre contre les terroristes Tchétchènes ».
La Chine défend le principe partagé par les pays asiatiques de « non ingérence » dans les « affaires internes » des pays voisins. Ce faisant, Pékin renforce ses intérêts économiques et politiques dans la région. Grand énergivore, la Chine cherche depuis plusieurs années à développer des infrastructures portuaires et routières dans les pays voisins comme le Pakistan, le Bangladesh et la Birmanie, lui permettant d’acheminer en toute sécurité le pétrole en provenance du moyen orient. Ainsi depuis 2007, la Chine s’emploie à la construction d’un port en eau profonde dans le sud du Sri Lanka à Hambantota.
Cet engagement de la Chine dans le sud de l’Asie contrarie son rival dans la région, l’Inde. Le Sri Lanka fait partie de la « zone d’influence » de l’Inde qui entend bien préserver ses intérêts géostratégiques et économiques. Par exemple, après l’offensive gouvernementale de Muttur contre les LTTE en 2006, l’armée sri-lankaise a détruit les maisons de la région de Sampoor et évacué ses habitants (en majorité tamouls) pour faire place à la construction par les indiens d’une centrale thermique. New Delhi ne tient pas à contrarier Colombo et se satisferait bien d’un pays pacifié quelque soit le prix à payer en terme de vies humaines.
Ces prises de positions de la « communauté internationale » font bien peu de cas d’un « dégât collatéral » supplémentaire. La guerre contre la rébellion tamoule dans le nord de l’île s’est faite en mettant en place un régime autocratique et dictatorial qui a lancé ses escadrons de la mort contre les voix dissonantes et réprimé les journalistes indépendants (intimidations, enlèvements, détentions arbitraires, assassinats).
Aucune stabilité politique ne verra le jour dans le pays tant que les droits inaliénables des minorités ne sont pas reconnus et que les libertés démocratiques de toutes et tous, indépendamment de leur appartenance ethnique, sont supprimées.