L’histoire du mouvement socialiste chypriote est marquée par l’hégémonie du communisme « officiel » rattaché à l’URSS. Cela est toujours vrai dans la République de Chypre (sud, reconnue par l’ensemble des Etats, sauf la Turquie, et membre de l’UE) où AKEL (Parti Progressiste des Travailleurs, nouveau nom du PC Chypriote en 1941) maintient une position hégémonique sur la gauche. Dans la République de Turquie de Chypre du Nord (fondée après la partition de 1974), la quasi totalité des organisations de la gauche en sont également issus mais le paysage est plus complexe.
République de Chypre (nord, hellénique) : Une vie politique marquée par l’importance de deux partis. DISY pour la droite et donc son principal adversaire AKEL, dont le candidat, Christofias, a remporté les présidentielles de 2008 (Chypre est donc le seul pays dirigé par un parti issu du mouvement communiste à la suite d’élections pluralistes).
S’il existe une gauche radicale chypriote (essentiellement marquée par les courants trotskystes britanniques anglais), elle est divisée et ultraminoritaire, incapable d’avoir la moindre visibilité à la gauche d’AKEL. Il semble possible de situer plusieurs organisations telles que Workers’ Democracy (rattaché à l’ISG), Socialist Initiative dont semble faire parti CWI Cyprus (rattaché au Socialist Party). Enfin une mouvance qui trouve ses origines dans la Quatrième Internationale/Secrétariat Unifié (dont la LCR était membre en France), ont dans le cadre de la formation « Socialistes pour la Réunification » participé à un rapprochement politique avec des partis libéraux (notamment les Démocrates unifiés composé de libéraux et d’anciens membres d’AKEL , DU est membre de l’ADLR, la fédération européenne à laquelle participe le Modem) au nom de la lutte contre le nationalisme qui a abouti à la formation de la liste Chypre européenne pour les Européennes à partir de 2004… [1]. Il est possible d’être extrêmement dubitatif sur l’opportunité d’une alliance avec une formation libérale au nom de la lutte contre le chauvinisme chypriote-hellène. Cette tentative n’eut pas les résultats électoraux escomptés.
La faiblesse de la gauche radicale chypriote-hellène a pu être visible lors du 1ermai 2009, le premier à être fêté en commun depuis 50 ans. En l’absence d’AKEL, les organisations du sud étaient quasiment invisibles.
Au nord, à la RTCN occupée militairement par l’armée turque et dont le niveau de vie s’il est plus élevé que celle de la Turquie est plus faible que celui de Chypre sud. La RTCN est un Etat artificiel sous assistance économique de la Turquie. La situation est ici plus compliquée. Le principal parti situé à gauche, le CTP-BG (Parti Républicain Turc-Forces Unies) est issu des sections chypriotes turques d’AKEL, est désormais social-libéral. Le CTP a gouverné le pays pendant les 5 dernières années allié au petit parti ÖRP (Parti de la Liberté et de la Réforme) qui, malgré son nom qui fleure « bon » le centrisme et l’image modérée qu’elle se donne entretient des relations poussées avec l’AKP (au pouvoir en Turquie) et les ultranationalistes de Turquie du MHP (Parti du Mouvement Nationaliste) et des Foyers de l’Ideal à Chypre. Le président nord-chypriote M.A.Talat est issu du CTP-BG. Cependant, l’absence d’avancée tangible pour le règlement de la question nord-chypriote, l’échec du plan Annan de réunification (malgré le vote majoritaire du nord chypriote turc), les nombreux scandales pour corruption et le soutien très visible au secteur du jeu et à une certaine économie (les complexes de prostitution prospèrent et se multiplient à la sortie de Nicosie nord) ont entraîné l’échec du gouvernement sortant en 2009 et la victoire du parti de droite UBP qui a la majorité absolue au parlement.
A la gauche parlementaire, il existe également le TDP (Parti de la Démocratie sociale) issu d’une tradition « social-démocrate » qui a déjà passé des alliances avec les partis de droite.
A la gauche radicale, il existe plusieurs partis et organisations plus visibles que leurs homologues du sud mais dont les relations ont soufferts des élections de 2009.
Le BKP (Parti de Chypre unifié), issu d’une scission de gauche du CTP, qui se veut plus ou moins l’alter-ego d’AKEL au nord (avec une importance nettement plus faible mais sans volonté d’alliance gouvernementale avec les sociaux libéraux du CTP) a participé aux élections en formant la « Coalition du Jasmin » avec le milieu gravitant autour du quotidien « chypriotiste » (opposé à l’occupation militaire turque) de gauche Afrika. Cette coalition a eu 2,3% des voix.
Le KSP (Parti socialiste chypriote), issu de l’ « Opposition révolutionnaire » au sein du communisme chypriote, se caractérise par son identité stalinienne revendiquée, son sectarisme et des traits tels que l’homophobie (le KSP était opposé à la participation à l’Initiative contre l’Homophobie au 1er mai pour la première fois cette année mais, heureusement, il n’a pas eu gain de cause). Le KSP, incapable de constituer des listes, a présenté des « candidats indépendants » avec le mot d’ordre de gouvernement antiimpérialiste. Les résultats de ses candidats ont été extrêmement faibles.
Le YKP (Parti de la Nouvelle Chypre), également issu d’une scission de gauche du CTP, qui devrait participer à la conférence anticapitaliste méditerranéenne qui va être organisée à Marseille par le NPA, a boycotté les élections en raison de l’occupation militaire turque de la RTCN.
Le centre culturel Baraka, issu de l’expérience Halk-Der regroupant les militants révolutionnaires venus des différents courants actifs en Turquie des années 70 ainsi que des trotskystes et qui devrait également à la conférence méditerranéenne, a appelé à voter pour la Coalition Jasmin sans la soutenir politiquement. Elle a également critiqué la position de boycott des élections du YKP avec une argumentation marxiste-révolutionnaire portant notamment sur le caractère inapproprié de la stratégie du boycott aux élections.
Les débats au sujet des élections entre Baraka/YKP/Coalition Jasmin (qui reprochait également le boycott au YKP mais sur une base plus électoraliste) ont été très virulentes et ont entamé les relations entre ces organisations.
Il est donc question d’unité les anticapitalistes du nord et du sud mais également parmi les organisations des deux entités. Cela semble aussi nécessaire que difficile… Les organisations européennes ne peuvent que faciliter une évolution vers unité sur des bases anticapitalistes, démocratiques et internationalistes mais personne ne fera cette unité à la place des militants de Chypre.