Comment expliquer le score élevé (16,28 %) des listes d’Europe Ecologie le 7 juin ?
Daniel Boy – Avec la crise, on aurait pu imaginer un effondrement du vote écologiste, en considérant que les questions économiques et sociales allaient dominer le débat. Finalement, le vote vert s’est maintenu en Europe et, en France, on a assisté à une vague verte. Depuis 2007, plusieurs éléments de contexte favorisent le vote écologiste. Le thème du réchauffement climatique, scandé presque quotidiennement, a créé les conditions d’une légitimation politique du discours écologique.
L’entreprise tentée par Nicolas Hulot et son Alliance pour la planète au moment de l’élection présidentielle de 2007 a marqué le début d’une réelle prise en main de cet enjeu par les environnementalistes. Conséquence : les Verts ont perdu leur monopole sur l’écologie politique. Les élections européennes sont généralement favorables aux écologistes, en particulier depuis les 10 % de la liste Waechter en 1989. Cette fois, ils ont bénéficié de la mauvaise image dont pâtit le Parti socialiste. On sait depuis les années 1980 qu’il existe un effet de balance entre l’électorat des Verts et celui du PS. Des électeurs passent facilement de l’un à l’autre.
La figure de Daniel Cohn-Bendit a largement dominé la campagne.
Il est d’abord l’acteur qui a permis ce rassemblement. Grâce à ses talents de négociateur, il est parvenu à réunir les Verts et leurs concurrents environnementalistes, José Bové et les amis de Nicolas Hulot. Sa capacité à recourir à un langage familier, loin de la langue de bois, a payé. Pendant la campagne, Daniel Cohn-Bendit a incontestablement donné le « la » mais derrière lui, il y avait aussi des gens de talent. Je pense notamment à Michèle Rivasi dont la liste a recueilli 18 % des voix dans le Sud-Est.
Quel débouché les écologistes peuvent-ils espérer ?
Pour faire élire des députés à l’Assemblée nationale, ils doivent passer une alliance. Celle-ci ne peut se nouer qu’avec le Parti socialiste. Ce fut déjà le cas avec la gauche plurielle au milieu des années 1990 et ce ne fut pas une mince affaire. Les élections régionales de mars 2010 constitueront un test pour les deux partis.
Avec les scores qu’ils ont réalisés le 7 juin, les écologistes seront tentés de constituer leurs propres listes face au PS. S’ils dépassent les 10 %, ils auront la possibilité de se maintenir au deuxième tour et se trouveront alors en position de force pour négocier leur représentation sur une liste commune au deuxième tour. Tout dépend donc de l’appréciation qu’ils feront de leur potentiel électoral. Pour évaluer le rapport de forces, il leur faudra tenir compte du fait que le bon score des listes Europe Ecologie a été obtenu dans un contexte de très forte abstention, sensiblement plus élevée qu’aux élections régionales.
Les Verts sont-ils capables de s’organiser pour s’ouvrir à d’autres sensibilités écologistes ?
Ils n’ont pas réglé leur problème institutionnel et traînent comme un boulet leur mode de fonctionnement. Il me semble pourtant que, sous l’impulsion de leur secrétaire nationale Cécile Duflot, une dynamique s’est engagée qui pourrait rendre possible une jonction avec les environnementalistes. Toutefois, à l’approche des élections régionales, ceux-ci réclameront des places éligibles. Cette négociation sera rendue encore plus complexe par la présence de nombreux élus Verts sortants qui souhaiteront se représenter.
Par ailleurs, les Verts ne devront pas seulement ouvrir le débat sur le nucléaire avec les socialistes. Certains environnementalistes considèrent en effet que, compte tenu de son absence d’impact sur l’effet de serre, le recours au nucléaire ne doit pas être écarté. Or, pour les Verts, cette question est identitaire.