Connex est aujourd’hui le premier exploitant privé européen de transport public. Son chiffre d’affaire tourne autour de quatre milliards d’euro soit 7,3 % de plus qu’en 2002. Cette multinationale emploie plus de 60 000 salariés dans le monde sans compter les milliers de salariés sous-traitants qui dépendent d’elle.
Connex est une filiale de Veolia Environnement (anciennement Vivendi, Compagnie générale des eaux) dont le chiffre d’affaire pour 2004 atteignait 24,7 milliards d’euros.
Connex fut, il y a quelques mois, au cœur de l’actualité politique et sociale française, via les grèves des salariés du transport. En octobre dernier, les salariés des transports de Nancy de la société Stan, du groupe Connex, ont fait grève afin d’obtenir 160 euros de plus par mois, de meilleures conditions de travail, mais également l’amélioration des conditions de sécurité des transports. Devant le refus de la direction de négocier, les salariés de la Stan n’ont repris le travail qu’au bout de dix-sept jours de grève ! Pendant le conflit de Nancy, Connex se fit également remarquer en annonçant qu’elle investissait des sommes colossales dans la SNCM, aidant ainsi le projet de privatisation du gouvernement Villepin. Mais ce n’est pas tout.
Main basse sur les transports
Derrière le conflit de la Régie des transports marseillais (RTM), Connex était une nouvelle fois présente. La RTM, depuis de nombreuses années, assume pleinement sa mission de service public, empêchant ainsi certains de s’enrichir un peu plus. Mais, puisque tout devient marchandise, le futur tramway a donné à la mairie de Marseille (UMP) l’opportunité de remettre en cause le service public en lançant un appel d’offres pour une délégation de service public. Cette délégation a décidé de confier le futur tramway à Connex. Celle-ci empocherait les bénéfices de l’exploitation de cet outil flambant neuf, alors que les travaux et l’entretien seraient assurés par le financement public et donc par les impôts des Marseillais. Au public les pertes, au privé les bénéfices. De plus, Connex serait payé environ vingt millions d’euros pour rendre ce « service » à la collectivité. Les mobilisations contre les premiers trains privés à Dugny et Epinal ont de nouveau mis Connex au cœur de l’actualité. En effet, la société CFTA Cargo, filiale de Connex, a obtenu, en décembre 2004, sa licence d’entreprise ferroviaire ainsi que son certificat de sécurité qui l’autorise à faire circuler du fret sur le réseau ferré français. Ceci lui a été délivré sous l’autorité du gouvernement Chirac-de Robien dans le cadre des directives du « deuxième paquet ferroviaire », acceptées par le gouvernement Jospin-Gayssot-Voynet. Le trafic attribué à CFTA Cargo est un trafic de chaux de 200 000 tonnes, perdu par la SNCF.
Il faut noter également la responsabilité des collectivités locales qui abandonnent la gestion des transports urbains pour les livrer à des requins comme Connex.
On le voit bien, Connex participe activement à la privatisation des transports en France. Villepin, comme auparavant Jospin, essaye de nous faire croire que ces privatisations sont dans l’intérêt des usagers comme des salariés. Mais l’exemple de la RTM nous montre que les privatisations sont faites pour les seuls actionnaires des multinationales qui empochent les bénéfices.
La société Connex a également une certaine réputation européenne dans la gestion des transports publics où les salariés et les usagers sont confrontés à ses méthodes. Quand on parle de privatisation des transports, on pense en premier lieu au désastreux exemple britannique et aux nombreux accidents de salariés comme d’usagers. Dans le processus chaotique de la privatisation des chemins de fer britanniques, entamé il y a neuf ans par le gouvernement conservateur de l’époque, Connex a pu gagner la franchise de deux des vingt-trois régions du réseau : ceux du South Central et du South East comportant toutes les lignes de grande fréquentation reliant Londres au sud-est du pays et concernant 120 000 usagers par jour.
En 2003, la Strategic Rail Authority (autorité de réglementation du gouvernement) retire à Connex l’exploitation du réseau pour cause de gestion insuffisante et surtout de gaspillage de fonds publics, mais aussi pour des problèmes importants liés à la sécurité. Selon le président du tribunal qui a retiré la licence d’exploitation à Connex, cette dernière aurait été « moins intéressée par la sécurité du personnel et des voyageurs que par son image publique et la réduction des coûts ». Sans commentaire ! La privation du rail britannique a également permis aux sociétés privées d’engloutir des centaines de millions de subventions publiques. Connex a ainsi empoché, juste avant la fin de sa licence d’exploitation, environ 85 millions d’euros sur les fonds publics.
Connex est également présente en Allemagne, où elle détient de nombreuses compagnies de bus, des compagnies ferroviaires régionales et de grandes lignes, ainsi qu’une filiale dans le fret qui a créé, elle-même, de nombreuses sous-filiales. En Suède, elle est la plus importante compagnie d’autobus et gère des lignes de train, le métro de Stockholm et des ferries dans l’archipel de Göteborg. Mais Connex ne s’arrête pas là. À Jérusalem, elle vient d’obtenir avec Alstom, un contrat de vingt-sept ans pour bâtir et exploiter, y compris par expropriation de terres palestiniennes, un réseau de tramways destinés à relier, et donc à pérenniser, les différentes colonies juives (illégales) à l’est de Jérusalem. Mais pour Connex, les choses sont claires : « Nous ne faisons pas de politique. Nous ne faisons que des “affaires” ».
Dégradation tous azimuts
Connex a donc une longue expérience de la privatisation de réseaux ferroviaires. Et les salariés du rail de plusieurs pays connaissent déjà les conséquences de l’arrivée de cette multinationale en ce qui concerne leurs conditions de travail, leurs salaires et la sécurité. Lorsque Connex sévissait au Royaume-Uni, les conditions de travail des salariés du rail britannique se sont effondrées. La journée de travail était de onze heures et même de 11 h 30 du fait des heures supplémentaires non payées. La durée hebdomadaire maximum de travail d’un mécanicien (conducteur) était de 77 heures. Les accidents ont, du fait de ces mauvaises conditions de travail, fortement augmenté faisant de nombreuses victimes du côté des salariés et des usagers.
En Suède, de nombreux conflits ont eu lieu ces derniers mois contre la Connex. Les salariés des gares, des dépôts de métro de Stockholm et des lignes de tram se sont mobilisés contre la politique de Connex en matière de politique d’emploi et de conditions de travail. Une des premières mesures prises par Connex aura été de supprimer les services de santé des travailleurs. Elle a aussi dénoncé unilatéralement des accords qui permettaient au personnel de partir à la retraite à 63 ans, et elle a voulu obliger le personnel à travailler jusqu’à 65 ans. De plus, pour réduire ses coûts, Connex développe la précarité en employant abusivement des temps partiels et des contrats « à l’heure ». Et pour finir, elle a également allongé les durées journalières de service. Sachez aussi qu’à la Connex, critiquer son entreprise sur ses pratiques néfastes en terme de sécurité et d’environnement de travail vous vaut d’être licencié sur le champ pour « manque de loyauté », même si ce motif en Suède est totalement illégal.
La libéralisation des transports au nom du profit, a comme autre conséquence la diminution des règles de sécurité pour les salariés, mais aussi pour les usagers. C’est notamment le cas au Royaume-Uni, en Italie et au Japon, où le nombre d’accidents a augmenté de façon spectaculaire au lendemain de la libéralisation. Au nom du profit, Connex, comme d’autres multinationales, « économise » sur tout, y compris sur le temps de formation d’un conducteur de train. En effet, il faut 180 jours de formation à la SNCF et seulement 42 jours pour Connex, qui se moque éperdument de l’intérêt des usagers, car seul son taux de profit l’intéresse.
Le bilan de la libéralisation des transports est catastrophique pour les salariés, les usagers mais aussi pour l’environnement. Dans l’Europe des Quinze, entre 1990 et 1999, la longueur des autoroutes a augmenté de 25 %, alors que celle des lignes de chemin de fer a diminué de 4 %. Et pourtant, aujourd’hui, le train est, avec le bateau, le seul moyen de transport suffisamment peu polluant qui soit capable de répondre aux exigences écologiques de notre siècle.
Droit au transport
Aujourd’hui, plus que jamais, il y a une nécessité impérieuse de créer des services publics de transports, fondés sur les besoins sociaux. Les transports doivent échapper en totalité à la logique du profit. Car, quand ils sont pris en charge par des multinationales comme Connex, dont le moteur est le profit, ils obéissent très vite à une logique de rentabilité à court terme, de refus d’assurer le service là où c’est le plus coûteux, de sacrifice de la sécurité du travail pour comprimer les coûts. C’est pourquoi il faut s’opposer à l’entrée de capitaux privés dans ces entreprises, qui n’est qu’un prélude à la privatisation. On a essayé de nous convaincre que les privatisations et la mise en concurrence étaient un facteur d’amélioration de la qualité et du coût pour l’usager. Le bilan des chemins de fer britanniques a montré ce qu’il en était.
Le droit au transport pour tous est indispensable. Le maillage des métropoles doit passer par des transports urbains de qualité, tissant réellement des réseaux correspondant aux besoins des habitants des quartiers et agglomérations populaires. Les transports urbains ne doivent pas se limiter à permettre l’acheminement des salariés de leur lieu d’habitation à leur lieu de travail, le plus souvent dans des conditions déplorables. Les transports collectifs urbains sont un besoin fondamental et une clef pour des conditions de vie correctes dans les grands centres urbains et dans les zones périphériques. Cela impose un maillage de transports routiers et ferroviaires publics au niveau européen, la priorité devant être accordée aux seconds.
Défendre le service public contre les privatisations, ouvertes ou rampantes, c’est également lutter pour son amélioration. L’amélioration des services publics passe par l’élargissement des droits des salariés qui y travaillent, y compris par le contrôle de la gestion. Mais il est aussi décisif que les usagers puissent se saisir d’instruments de contrôle et d’intervention pour exprimer directement leurs besoins, au plan national, et au plan local. Le niveau européen ou le niveau national sont souvent les plus pertinents pour l’organisation du service public, avec une égalité d’accès des citoyens sur l’ensemble des territoires comme élément clé. Toutefois, dans certains cas, il peut s’articuler avec une gestion et/ou une organisation locale. Encore faut-il que cela ne soit pas un moyen de désengager l’État, d’ouvrir la porte à une logique de privatisation et d’accentuer les disparités entre les territoires, comme c’est le cas dans les politiques de « décentralisation » libérales.
Encart
Connex en quelques chiffres
– Premier opérateur privé européen
– 3,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2004
– 61 288 salariés
– 50 00 collectivités locales desservies dans le monde
– 27 800 véhicules
– 7 000 kilomètres de voies ferrées
– 1,4 milliard de kilomètres parcourus chaque année