Un Tribunal international d’opinion s’est réuni à Paris. Les juges venaient du monde entier. Le Président de ce tribunal était Jintendra SHARMA, juge de la Cour suprême de Delhi, Inde. Il était assisté des juge suivant de calibre international : Juge Juan GUZMAN (Chili) ; Juge Claudia MORCOM (États-Unis) ; Juge Marjorie COHN (États-Unis) ; Juge Gavril Iosif CHIUZBAIAN (Roumanie, ministre de la Justice) ; Juge Adda BEKKAROUCH (Algérie) ; Juge Shoji UMEDA (Japon).
Le rapport de mission a été déposé par Maître William BOURDON (France).
Après 15 heures de déposition par 27 victimes (venues du Viêt-Nam, des États-Unis et de Corée), témoins et experts scientifiques -dont 12 membres du Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange (CIS) - , 41 heures plus tard le tribunal rendra public, sur la base du droit international, le « sommaire exécutif de sa décision ». (le rapport complet du Tribunal et son « sommaire exécutif » seront déposés auprès du gouvernement vietnamien dans un délai de 4 semaines)
Le Tribunal international d’opinion de Paris condamne conjointement les Etats-Unis d’Amérique et les firmes états-uniennes à une somme permettant la constitution d’une « commission Agent Orange » vietnamienne (pouvant comprendre des experts étrangers) chargée d’établir dans un délai d’un an la facture finale de tous les dédommagements environnementaux, physiques et psychologiques passés, présents, à venir et induits.
Le tribunal recommande de prendre pour « base proportionnelle » la somme de 1,52 billion de dollars qui correspond à la somme annuelle versée par le gouvernement des États-Unis d’Amérique aux vétérans états-uniens victimes de l’Agent Orange.
Le rapport complet du Tribunal sera publié lorsqu’il sera diffusé dans la communauté internationale.
Voici quelques échos du Tribunal :
http://www.nhandan.org.vn/tinbai/?top=37&sub=130&article=147806
http://www.voh.com.vn/index.aspx?catid=11&id=15783
http://www.vietnamembassy-hungary.org/vi/news_object_view?newsPath=/vnemb.vn/tinkhac/ns090518160221
http://www.mofa.gov.vn/vi/nr040807104143/nr040807105039/ns090518154334
Saluons le courage de ces Juges qui, hors de toute pressions économiques et États, ont fait fi des relations diplomatiques internationales et financières pour réanimer le droit international et privilégier la justice. Une page d’Histoire vient de s’ouvrir.
Une délégation sera constituée pour remettre le rapport de ce Tribunal en main propre au Président des États-Unis d’Amérique, au Président de la République Socialiste du Viêt-Nam ainsi qu’au Secrétaire général de l’ONU.
Document : témoignage
Á l’attention de Jitendra Sharma, Président du Tribunal international d’opinion, texte de la déposition de
André Bouny, président du CIS.
Sur l’environnement vietnamien
J’ai parcouru le Viêt-Nam depuis son extrémité Nord jusqu’à son ultime pointe Sud,
J’ai vu depuis l’Ouest de Huê, la Vallée d’A Luoi, la montagne massacrée,
J’ai vu ses versants dévastés où subsistent les vestiges des troncs de l’ancienne forêt primitive, brûlée chimiquement, hérissant à perte de vue ces tisons noirs comme une herse lugubre,
J’ai vu défiler cela sous mes yeux, sur les Hauts Plateaux, durant d’interminables heures, jusqu’à Kon Tum…
J’ai vu le même spectacle, avec des variantes, jusqu’à Pleiku… la forêt tropicale disparue, il fallait survivre, alors la situation commande,
J’ai donc vu des tentatives de replantations forestières, souvent des résineux plantés comme les mailles d’un tricot très éloignées du poumon de la forêt tropicale d’antan,
J’ai vu des cultures de substitutions, poivriers, thé, café, hévéas,
J’ai vu des monts pelés avec, à leurs crêtes (là ou le poison ne peut se maintenir) quelques arbres ayant appartenus jadis au majestueux couvert végétal,
J’ai vu cela jusqu’à Buon Mé Thuôt, les versants défoliés, criblés de cratères, où ne poussent plus que des herbes pionnières,
J’ai vu cela jusqu’à l’Ouest et à l’Est d’Ho Chi Minh-Ville…
Puis aussi dans le delta du Mékong… jusqu’à l’extrémité Sud, dans la mangrove de la Pointe de Ca Mau,
J’ai vu ses échasses de racines noires comme des hordes d’araignées préhistoriques que les eaux emportent vers les vasières littorales… ultimes vestiges d’un temps ou la nature foisonnait :
Oui la guerre américaine a prit chaque mètre carré et centimètre cube du territoire vietnamien comme objectif militaire pour le détruire durablement, d’une manière visible ou invisible.
Sur les Vietnamiens
J’ai vu du Nord au Sud du Viêt-Nam, des gens atteints d’étranges maladies,
J’en ai vu certains qui avaient le corps couvert de boules grosses comme des oranges,
J’ai vu ce garçon désarticulé sur sa planche à roulettes, dans une famille nombreuse et misérable, dévastée physiquement et psychologiquement, dont les parents espèrent que leurs enfants auront la chance de mourir avant eux…
J’ai vu cette fillette qui portait sur ses épaules un grand frère disloqué, tendant une casserole vide…
J’ai vu la cohorte des enfants morts de Tu Du,
J’ai vu leur anatomie torturée,
J’ai vu les siamois soudés sur toute la surface du corps,
J’ai vu celui arrivé dans la vie avec des membres surnuméraires soudés du ventre,
J’ai vu celui affligé d’un double visage,
J’ai vu celui né avec deux têtes,
J’ai vu celui qui naquit avec les organes génitaux au milieu du visage,
J’ai vu des petits d’hommes traînant leur enfance assassinée,
J’ai vu celle née sans yeux, et qui rame l’air avec ses bras sans mains…
J’ai vu celui attaché au barreau du lit pour ne pas qu’il se détruise sous le feu des démangeaisons de la chloracné qui le dévore…
J’ai vu ceux aux corps d’oiseaux lestés à une énorme tête,
J’ai vu les enfants atteints de fente palatine aspirant leur lèvre supérieure et leurs ailes du nez,
J’ai vu l’enfant au visage envahi par la prolifération anarchique d’une horrible tumeur faciale,
J’ai vu l’enfant spina-bifida aux pieds bots recroquevillés comme les pétales du chrysanthème…
J’ai vu les enfants phocomèles, enfants-tronc nés sans membre, souriant vers le jeu, piochant de leur nuque et animant tous les muscles de leur tronc pour se mouvoir quelque peu…
J’ai vu cette fillette « chanceuse » d’avoir des pieds, et qui écrit en tenant le crayon entre ses orteils, avec application, et qui ne saura jamais ce que c’est de tenir son semblable dans ses bras :
Oui, cela va bientôt faire cinquante ans que la guerre chimique américaine commença et elle inflige toujours et encore d’effroyables et interminables souffrances inhumaines à une foule d’êtres innocents qui n’étaient pas nés lorsqu’elle prit fin.
André Bouny
P.S.
André Bouny a également versé au dossier du Tribunal :
a) Son intervention à l’ONU lors de la 4e session du Conseil des droits de l’homme
b) Et apporté le soutien de l’ensemble du Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange.