A la suite de la récente mission parlementaire sur les oies cendrées, certains chasseurs de gibier d’eau cherchent à exploiter la situation aux Pays-Bas pour obtenir une prolongation de la chasse des oies au mois de février. Leur discours est le suivant : puisque l’on détruit des oies aux Pays-Bas, il faudrait en tuer encore davantage en France ! FNE, la LPO, la Ligue ROC et Picardie Nature ne souhaitent pas entrer dans une polémique stérile mais au contraire recentrer le débat sur les véritables enjeux de conservation des oies sauvages.
La plupart des populations d’oies sauvages ont connu ces dernières décennies un accroissement de leurs effectifs en Europe, à la suite des mesures de protection prises en leur faveur. Dans les pays du nord, la présence des oies entraîne parfois des dommages aux récoltes. Confrontés à ce problème depuis plusieurs années, les Pays-Bas ont mis en place, grâce à l’implication de tous les acteurs, un système combinant la création de vastes réserves et de zones de tranquillité pour les oies, des méthodes d’effarouchement pour les éloigner des cultures, l’indemnisation des agriculteurs et en dernier recours, des mesures de destruction. Tout en reconnaissant les difficultés posées à l’agriculture, les néerlandais considèrent le retour de l’oie cendrée comme un succès et se réjouissent de sa présence.
La récente mission parlementaire conduite par le député Jérôme Bignon, à laquelle FNE, la LPO et Picardie Nature ont participé, a permis d’apporter des réponses aux interrogations sur la situation des oies aux Pays-Bas.
Prolonger la chasse ne réduirait pas les dégâts
Tout d’abord, la situation des oies aux Pays-Bas et en France n’est pas comparable. Sur le plan biologique, moins de 5% des oies cendrées nichant aux Pays-Bas sont des migratrices qui transitent par la France. Allonger la période de chasse en France n’aura donc aucune influence sur les dommages agricoles aux Pays-Bas, comme l’a expliqué Berend Voslamber, le scientifique néerlandais coordinateur du programme de marquage des oies cendrées. En revanche, cela mettrait en péril la petite population d’oies qui va nicher en Norvège après avoir traversé notre pays, population qui donne déjà des signes de déclin. Par ailleurs, sur le plan juridique, la France est tenue de fermer la chasse des espèces migratrices durant leur période de migration prénuptiale, afin de respecter la directive européenne « Oiseaux ». Or la migration de retour des oies est de plus en plus précoce, pour partie à cause du réchauffement climatique, si bien qu’il faudrait aujourd’hui avancer la fermeture de leur chasse à la mi-janvier plutôt que de la repousser en février !
Favoriser l’hivernage des oies en France
La mission parlementaire a aussi apporté un éclairage sur la question : pourquoi ces différences ? Les Pays-Bas accueillent plus de deux millions d’oies en hiver, alors qu’en France, l’hivernage des oies est presque inexistant. En réalité, les importants effectifs d’oies observés en Belgique et aux Pays-Bas, où elles sont protégées, sont renforcés par une pression de chasse excessive en France qui empêche les oiseaux d’étendre leur aire d’hivernage vers le sud. Si la France veut véritablement aider les Pays-Bas, il faudrait lever cet obstacle en favorisant dans notre pays le stationnement et l’hivernage des oies cendrées. Cela passe par la création de zones d’accueil suffisamment vastes et préservées des dérangements. En outre, la présence des oies tout au long de l’hiver permettrait de belles observations à tous les passionnés d’oiseaux et susciterait le développement d’un tourisme ornithologique, comme il existe déjà aux Pays-Bas.