Le saumon est de retour dans la Seine, dont la pollution et les obstacles l’avaient chassé depuis presque un siècle. En 2008, 260 individus ont été observés par vidéocomptage dans la passe à poissons du barrage de Poses, en amont de Rouen. En octobre 2008, un spécimen de 7 kg a été pêché au barrage de Suresnes, aux portes de Paris. Un autre migrateur, la grande alose, est, lui aussi, réapparu.
Selon le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP), il y aurait désormais trente-deux espèces de poissons recensées dans la Seine, contre trois en 1970. Le saumon reste le poisson le plus emblématique. D’où (re)vient-il ? Une étude conduite par des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) apporte un début de réponse.
Les scientifiques, en collaboration avec l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema) et le Cemagref, ont analysé des écailles de sept saumons. Celles-ci permettent de déterminer l’âge du poisson, un peu comme le font les cernes des arbres. « Elles portent des arcs de cercles, les annuli, dont le resserrement marque les hivers », explique Guillaume Evanno, de l’unité mixte de recherche Ecologie et santé des écosystèmes INRA-Agrocampus Ouest, à Rennes. Conclusions ? Quatre des saumons étaient des « castillons », c’est-à-dire qu’ils avaient séjourné un an et demi en mer. Deux étaient des petits saumons de printemps, ayant passé deux ans en mer. Un seul était resté trois années dans l’océan.
COSMOPOLITISME
Le mucus attaché aux écailles a servi à déterminer l’origine géographique des poissons. L’INRA dispose en effet d’une bibliothèque génétique portant sur 34 populations françaises, mais aussi sur des stocks du Royaume-Uni et de Scandinavie. La comparaison, conduite par le doctorant Charles Perrier, révèle un certain cosmopolitisme : plusieurs poissons s’apparentent aux populations de Basse-Normandie, fréquentant des rivières proches de la Seine. D’autres viennent de bassins plus éloignés, comme celui de l’Allier. D’autres enfin proviennent de rivières étrangères.
Ces résultats appellent, selon les chercheurs, deux remarques : ils prouvent que le saumon peut recoloniser naturellement un fleuve, « sans opération de réintroduction, lourde et aléatoire, à condition que l’état de l’environnement s’améliore », note Guillaume Evanno ; ils confirment que le « homing », le retour à la rivière natale, n’est pas absolu : des individus ayant une propension à la « divagation » peuvent coloniser un cours d’eau déserté.
Pour Guillaume Evanno, ces « constats inattendus sont une bonne nouvelle ». Mais, prévient-il, « on ne pourra parler de retour durable du saumon que lorsque l’on disposera de preuves de reproduction ». Un programme de recherche va tenter de déterminer si de telles preuves existent.