Une rencontre internationale de partis appartenant à la gauche radicale, anticapitaliste, s’est tenue le 20 janvier 2004, à Mumbai (Bombay), dans le quartier d’Andheri (en dehors, donc, de l’enceinte du Forum social mondial). Ce fut un véritable succès, tant en ce qui concerne l’atmosphère très solidaire dans laquelle la réunion s’est déroulée, que l’éventail politique représenté et le nombre d’organisations participantes : 48 venant de 25 Etats (5 autres partis concernés par cette initiative n’ayant finalement pas pu se rendre à Bombay).
La réunion d’un forum social mondial offre toujours une occasion rare pour de nombreuses organisations de se rencontrer. C’est évidemment vrai pour les mouvements qui préparent ces forums. C’est aussi vrai pour des celles qui les soutiennent et qui suivent leurs activités, sans être pour autant co-organisateurs. Le FSM de Mumbai avait ceci de particulier qu’il se réunissait pour la première fois en Asie. Or, il en va des partis comme des associations, mouvements et syndicats : les rapports étaient beaucoup plus ténus entre les deux extrémités du continent eurasiatique qu’entre, par exemple, l’Europe et l’Amérique latine.
L’occasion offerte par la migration indienne du Forum social mondial était donc particulièrement précieuse. Dans cette perspective, 18 partis radicaux, anticapitalistes, d’Europe et d’Asie ont lancé, le 5 décembre 2003, une invitation à la rencontre de Mumbai. Il s’agissait en Asie-Pacifique de trois partis communiste marxiste-léninistes indiens (CPI-ML Libération, CPI-ML, CPI-ML Drapeau rouge), de deux organisations pakistanaises (Labour Party, LPP, et PKMP), du New Left Front (Sri Lanka), du DSP (Democratic Socialist Perspective) d’Australie, de deux mouvements sud-coréens (Pouvoir de la classe ouvrière et Tous ensemble) et de trois partis philippins : Le Parti marxiste-léniniste (MLPP, Philippines), le Parti des travailleurs (PMP) et le Parti révolutionnaire des travailleurs de Mindanao (RMP-M), L’invitation était signée en Europe par le Bloc de gauche (Portugal), la Gauche unitaire et alternative (Catalogne), la Ligue communiste révolutionnaire (France), le Parti socialiste écossais, le Parti sopcialiste des travailleurs (Grande-Bretagne) et de SolidaritéS (Suisse).
Malgré la date tardive d’envoi de cette invitation, la réponse fut très positive. Bien que de façon très inégale, la participation s’est élargie à l’Amérique latine, avec trois composantes brésiliennes, dont Démocratie socialiste (DS, du PT), à l’Amérique du Nord avec les Etas-Unis (dont l’Organisation socialiste internationale, ISO, et Solidarité), le Canada et Québec (notamment l’Union des Forces progressistes du Québec) ; et au continent africain, avec l’Afrique du Sud et, pour le Niger, l’Organisation révolutionnaire pour la Démocratie nouvelle (ORDN). Notons encore, pour l’Europe et l’Asie, la présence de Refondation communiste (Italie), des Alternatifs (France), d’Akbayan ! et d’autres mouvements philippins, du PRD indonésien et d’organisations venues de l’Etat espagnol, du Japon, d’Egypte...
Les organisations présentes différaient considérablement par le nombre de leurs membres et leurs implantations sociales. Des pays et mouvements importants manquaient encore à l’appel. Mais la rencontre n’en était pas moins représentative de ce qu’est à l’heure actuelle la gauche anticapitaliste et révolutionnaire, de ce que sont les partis radicaux. Les origines idéologiques étaient multiples : divers courants maoïstes, trotskistes, et de nombreuses composantes qui ne sauraient être classées en « isme » (un mode de classement, d’ailleurs, dont la pertinence est aujourd’hui plus encore qu’hier très douteuse).
Si la rencontre a été un succès, c’est qu’elle répondait à un besoin, une aspiration. L’absence d’un cadre de collaboration international entre partis anticapitalistes se fait particulièrement ressentir aujourd’hui, à l’heure de la mondialisation impérialiste, tant économique que militaire. Le sentiment d’urgence est toujours plus pressant. Depuis pas mal d’années déjà, la plupart des organisations concernées ont rompu avec les pires traditions sectaires qui prévalaient dans les années 1970. Des rapports de solidarité mutuelle se sont affirmées, par delà les différences de références historiques et programmatiques. Des réseaux régionaux se sont constitués comme la Conférence de la Gauche anticapitaliste européenne (GACE) et la Conférence internationale de solidarité Asia-Pacifique (APISC, initiée à Sydney). La montée en force des mouvements contre la mondialisation a créé un nouvel espace militant, très large et d’emblée internationale. Grâce à cela, et c’est essentiel, il devient possible d’agir ensemble, pour aider aux succès des mobilisations, et plus seulement d’échanger expériences et analyses. Face aux développements majeurs en cours, la responsabilité des partis radicaux est ainsi engagée politiquement et pratiquement.
Ce double sentiment de possibilités et de responsabilités nouvelles a dominé la rencontre de Mumbai. Un premier pas a été franchi pour reconstituer un cadre international de collaboration entre partis radicaux. Un pas initial, sans plus et sans que rien ne soit formalisé. Il était en effet clair, pour les organisations participantes, qu’il faudrait de temps pour consolider un tel processus. Bon nombre des partis présents ne se connaissaient même pas, ou si peu, avant de se retrouver à Mumbai ! Et tous réfléchissent à ce que pourrait être, demain, ce cadre international de collaboration : En quoi il devrait-il différer des expériences passées d’Internationales ? Les questions sont évidemment plus nombreuses que les réponses en ce domaine. Mais une impulsion a été donnée. Le processus peut mûrir.
Pierre Rousset
(article écrit pour la revue Inprecor)