Tokyo, correspondant
La politique étrangère n’est pas un enjeu des élections législatives du dimanche 30 août, mais le changement attendu de majorité a relancé le débat sur le rôle du Japon dans le monde, des relations avec les Etats-Unis à la montée en puissance économique, financière et stratégique de la Chine et à l’option nucléaire.
La première alternance au pouvoir dans l’Archipel coïncide avec une évolution de l’environnement international. Alors que le centre de gravité de l’économie mondiale tend à se déplacer vers l’Asie, le Japon est en train de perdre sa place de seconde puissance économique, au profit de la Chine. Un dépassement symbolique, certes, mais significatif de la nouvelle donne dans laquelle la Chine, l’Inde et le Japon rivalisent afin qu’aucun des deux autres pays ne prenne une place prépondérante.
L’engagement de Barack Obama d’œuvrer en vue d’un monde sans armes nucléaires, accueilli favorablement dans un pays qui fut la première victime du feu atomique, suscite en outre à Tokyo des interrogations sur la fiabilité du « parapluie nucléaire » américain, pièce maîtresse du système de sécurité de l’Archipel.
Le Parti démocrate du Japon (PDJ) n’a pas en politique étrangère une position très différente de celle du Parti libéral démocrate (PLD), et il ne remet pas en cause l’alliance avec les Etats-Unis.
L’inquiétude suscitée par la puissance militaire chinoise ainsi que la « menace » de la Corée du Nord découragent les politiques de jouer une carte antiaméricaine.
L’alliance avec les Etats-Unis ne relève pas d’un choix politique partisan : elle constitue la clé de voûte du système de sécurité du Japon, depuis que celui-ci a recouvré sa souveraineté, en 1951. Ni l’expansion économique ni la fin de la guerre froide n’ont entamé cette alliance et, ces dernières années, Tokyo louvoie pour concilier le principe de renoncement à la guerre (art. 9 de sa Constitution), reflet d’un pacifisme enraciné de l’opinion, avec les exigences du protecteur américain. Comme, par exemple, l’envoi de troupes non combattantes en Irak – dont la mission a pris fin – ou le ravitaillement dans l’océan Indien des unités des forces alliées engagées en Afghanistan par la marine japonaise.
SUR UN PIED D’ÉGALITÉ
Symptomatique des difficultés du PDJ à infléchir les orientations diplomatiques japonaises, après avoir annoncé son intention de mettre fin à ces opérations, celui-ci a fait marche arrière, évoquant d’autres formes de contribution à la stabilisation de ce pays.
Les démocrates prônent une alliance « étroite » mais sur « un pied d’égalité » avec les Etats-Unis - permettant au Japon de se départir d’une attitude purement suiviste dont il a longtemps pensé qu’elle était la garantie de la bienveillance de Washington pour assurer sa sécurité. Ils inscrivent ce partenariat dans une vision plus large, en cherchant à affirmer une position propre à l’archipel dans la mondialisation.
Dans le New York Times, Yukio Hatoyama, président du PDJ, accuse la mondialisation d’« avoir endommagé les activités économiques traditionnelles et détruit les communautés locales ». « La récente crise économique, poursuit-il, est la conséquence de l’idée selon laquelle la conception américaine de l’économie de marché représente un ordre économique universel et idéal. En raison de la faillite de la guerre en Irak et de la crise financière, la mondialisation sous l’égide américaine touche à sa fin, et nous entrons dans une ère multipolaire. »
Une tentative de se démarquer d’une vision américaine du monde, peu mise en avant par des hommes politiques japonais de la mouvance libérale, mais assez largement partagée dans l’opinion.
Le PDJ n’a pas inclus dans son programme la révision constitutionnelle - axée par le PLD sur un assouplissement des contraintes pacifistes. Il reste assez vague sur la question de l’intégration régionale, contrepoids nécessaire à un rééquilibrage de l’alliance américaine. « A force de s’aligner sur Washington, Tokyo a fini par se couper du reste du monde », écrit le quotidien Mainichi (centriste).
Pour aller au-delà des déclarations d’intention, le Parti démocrate (PDJ) devra surmonter les divergences entre son aile droite, favorable à l’exercice du droit de défense collective, et son aile gauche, opposée au déploiement des forces japonaises à l’étranger. Un cas de figure non sans analogie avec la situation au sein du Parti libéral démocrate (PLD).