Shanghaï Correspondant
Dirigées contre l’incompétence des autorités et, fait rarissime en Chine, de Wang Lequan, secrétaire du parti du Xinjiang et chef suprême de la région autonome depuis quinze ans, les manifestations du jeudi 3 septembre, à Urumqi, se sont soldées par cinq morts, dont on ignore l’ethnicité, et le limogeage, samedi, du chef du parti d’Urumqi, Li Zhi, et du chef de la police du Xinjiang.
Quelque 10 000 « médiateurs » ont été dépêchés dans les communautés han pour apaiser les esprits à la suite de récentes et mystérieuses attaques à la seringue dans des lieux publics. La volatilité de la situation au Xinjiang atteste de la méfiance grandissante entre les Han, majoritaires à Urumqi, et la population ouïgoure autochtone, turcophone et musulmane après les émeutes du 5 juillet, qui ont fait officiellement 197 morts, en majorité Han. Les Ouïgours ont été ensuite la cible de représailles.
Prétendu complot
A quelques jours du 60e anniversaire de la République populaire, le 1er octobre, le dossier est ultra sensible : le ministre de la sécurité publique, Meng Jianzhu, a estimé vendredi, à Urumqi, que les attaques à la seringue étaient « une continuation de l’incident du 5 juillet (...), étaient préméditées, dirigées, menées par des malfaiteurs et instiguées par les forces séparatistes ethniques ». Selon l’agence Chine Nouvelle, 531 victimes des attaques, en majorité han, se sont présentées dans les hôpitaux depuis le 20 août ; 25 attaquants ont été arrêtés.
Qu’une part d’hystérie collective entre en jeu fait peu de doute : à Urumqi, il est impossible, depuis juillet, de recevoir ou d’envoyer courriels, textos et appels internationaux. Seuls les sites gouvernementaux ou les banques sont accessibles sur Internet. Ce black-out, mis en place pour prévenir les « rumeurs », a eu l’effet inverse : privée d’informations alternatives, bombardée par la propagande, la population han, mais aussi ouïgoure, demande des comptes sur l’inaction, le 5 juillet, de la police, surtout occupée à protéger les immeubles officiels. Elle s’interroge aussi sur l’incapacité des autorités - si promptes à apporter les preuves d’un prétendu complot de Rebiya Kadeer, la dissidente ouïgoure en exil - à avoir anticipé les débordements.
Selon les informations publiées jeudi par le gouvernement du Xinjiang, 1 260 suspects ont été arrêtés après les émeutes du 5 juillet. Les Ouïgours dénoncent des rafles et la diaspora ouïgoure, des centaines de morts passés sous silence.
Que la vindicte des Han soit dirigée contre Wang Lequan n’est pas le moindre des paradoxes : promu au politburo du comité central en 2002, M. Wang est l’artisan en chef de la marginalisation économique, culturelle et linguistique de la population ouïgoure sur son propre territoire. Ainsi que d’une politique extrêmement répressive justifiée par la lutte contre le « séparatisme, l’extrémisme, et le terrorisme », comme le décrivent les rapports très circonstanciés d’ONG internationales. Les Han, eux, sont convaincus que les Ouïgours font l’objet d’un traitement préférentiel de la police et de la justice.
Brice Pedroletti
* Article paru dans le Monde, édition du 08.09.09. LE MONDE | 07.09.09 | 14h29 • Mis à jour le 07.09.09 | 14h29.
Tension persistante à Urumqi, dans le Xinjiang
Le 04.09.09
Tôt dans la matinée de vendredi, les forces de l’ordre ont installé des barrages routiers en ville afin de bloquer les accès à la place du Peuple.
La police chinoise est toujours déployée dans tous les quartiers d’Urumqi, vendredi 4 septembre. Des membres de la PAP, la police armée populaire, vêtus de tenues anti-émeutes, ont été déployés par groupes de 500 aux endroits stratégiques de la ville de 1,8 million d’habitants. Tôt dans la matinée de vendredi, les forces de l’ordre ont installé des barrages routiers en ville afin de bloquer les accès à la place du Peuple, épicentre des manifestations de la veille. Des heurts auraient opposé la police anti-émeutes à des membres de l’ethnie Han qui tentaient de franchir des barrières de sécurité pour se rendre dans un quartier ouïgour de la ville.
Quelques voitures aux pare-brise brisés étaient visibles dans les rues de la capitale de la région autonome du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, et la circulation était très réduite. « On nous a demandé de ne pas ouvrir la mosquée », a indiqué un responsable de la moquée Hantenggeli, dans le centre, en ce jour de prière pour les musulmans. Des affiches officielles interdisaient tout rassemblement dans la ville, ainsi que le port d’armes et toute incitation à la violence.
Jeudi, des milliers de manifestants, essentiellement des Hans, sont descendus dans les rues pour exiger une meilleure sécurité après que 476 personnes, selon la télévision officielle régionale, eurent été attaquées à la seringue depuis la fin août. Vingt et un agresseurs présumés ont été arrêtés, selon les autorités chinoises, qui sont restées vagues sur leur appartenance ethnique, tandis que les Hans montraient du doigt les Ouïgours. On ignore ce que les seringues contiennent, ou si elles sont même remplies. Les victimes de ces attaques ne semblent pas avoir été contaminées ni infectées.
Les autorités sont visiblement soucieuses d’éviter une réédition des graves troubles du début juillet lors desquels près de 200 personnes sont mortes à l’issue d’affrontements entre Hans (majorité ethnique en Chine) et Ouïgours (musulmans turcophones), selon un bilan officiel, sous-estimé selon ces derniers.
* LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 04.09.09 | 07h03 • Mis à jour le 04.09.09 | 07h39
Manifestation monstre à Urumqi après de mystérieuses attaques à la seringue
LE 03.09.09
Moins de deux mois après les troubles meurtriers d’Urumqi, la capitale de la région musulmane chinoise du Xinjiang a de nouveau été le théâtre de manifestations de masse, jeudi 3 septembre. Selon l’agence officielle chinoise Chine nouvelle, des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées à différents endroits de la ville pour protester contre une série d’attaques à la seringue contre des membres de divers groupes ethniques.
Selon l’agence, des Ouïgours étaient au nombre des manifestants qui ont perturbé la circulation. En juillet, ces musulmans turcophones s’étaient affrontés avec des Hans, ethnie fortement majoritaire en Chine, au cours de heurts qui avaient fait près de 200 morts – beaucoup plus selon l’opposition ouïgoure en exil.
MYSTÉRIEUSES SERINGUES
Selon la chaîne de télévision Bingtuan, qui émet du Xinjiang, 476 personnes ont été attaquées à la seringue depuis le 20 août. Personne n’a été contaminé ou empoisonné à la suite de ces agressions, selon Chine nouvelle, qui souligne que l’on ignore la raison pour laquelle les agresseurs utilisent des seringues et ce que celles-ci contiennent. Vingt et une personnes, dont l’ethnie n’a pas été précisée, ont été interpellées dans cette affaire, après avoir agressé des membres appartenant à neuf groupes ethniques, dont des Hans et des Ouïgours.
Chine nouvelle indique encore que les manifestations avaient commencé jeudi en fin de matinée lorsque plus de mille personnes s’étaient rassemblées dans un quartier résidentiel d’Urumqi, et qu’une foule s’était également massée dans un autre quartier après l’arrestation d’un homme qui venait d’agresser un enfant. Les protestations ont alors gagné les rues principales de la ville, pendant que des agressions à la seringue se produisaient, toujours selon l’agence.
* LEMONDE.FR avec AFP | 03.09.09 | 20h53 • Mis à jour le 03.09.09 | 20h59.