« Bande de Gaza : la France doit faire aboutir les conclusions du rapport Goldstone »
Les nombreuses violations du droit exposées dans le rapport Goldstone sur le récent conflit dans la bande de Gaza [1] doivent mériter davantage que « la plus grande attention » du gouvernement français. La Plateforme des ONG françaises pour la Palestine appelle les autorités françaises à faire pression au sein du Conseil de sécurité pour que ce rapport soit le cas échéant transmis à la Cour pénale internationale, et qu’ in fine les responsables des crimes de guerre soient jugés.
Le rapport de la mission d’enquête menée par le Juge Richard Goldstone a conclu que l’armée israélienne était responsable de « crimes de guerre » voire de « crimes contre l’humanité ». Ses membres ont reconnu que l’armée israélienne avait bel et bien mis en œuvre dans la bande de Gaza une doctrine militaire israélienne qui implique « l’usage d’une force disproportionnée et suscitant de gros dégâts et des destructions de biens et d’infrastructures civiles et des souffrances chez les populations civiles ».
1 383 Palestiniens ont été tués dont une très grande majorité de civils. Le rapport a aussi mis en cause les « groupes armés palestiniens », responsables de la mort de 3 civils israéliens, en violation du droit international humanitaire.
Le rapport Goldstone dénonce également le blocus de la bande de Gaza imposé par Israël, qui constitue une punition collective de la population palestinienne et qui a accentué les conséquences de l’opération militaire israélienne. Il demande – entre autres – la réouverture de la bande de Gaza, pour faire face à un colossal travail de reconstruction, rendu impossible par la poursuite du blocus.
La Plateforme des ONG Francaises pour la Palestine souligne que le gouvernement français avait appelé pendant le conflit dans la bande de Gaza au « respect intégral et inconditionnel du droit international applicable aux Territoires palestiniens ». Les conclusions du rapport Goldstone lui offrent l’occasion unique de joindre les actes à la parole. Rarement un rapport des Nations unies sur les Territoires palestiniens n’avait été aussi complet, dans les informations récoltées et les recommandations souhaitées.
Parmi ces informations figure ce commentaire des victimes palestiniennes et des organisations de la société civile : « chaque fois qu’un rapport n’est pas suivi d’effet, cela renforce Israël dans son sentiment d’être intouchable » et le rapport de poursuivre : « renoncer à mettre en place des mécanismes de justice renforce l’impunité et nuit à la crédibilité des Nations unies et de la communauté internationale ».
La Plateforme des ONG Françaises pour la Palestine demande au gouvernement français de faire sienne cette citation et d’agir pour que ce rapport ne s’ajoute pas à la longue liste des rapports ‘classés sans suite.
Communiqué de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, le 25 septembre 2009.
[1] voir la synthèse du rapport : http://www.france-palestine.org/art...
Contact presse : Maxime Guimberteau
01 40 36 41 46/06 98 90 18 87
contact plateforme-palestine.org
A propos du rapport Goldston
Par Mireille Fanon Mendès France
Les couloirs du Palais des Nations à Genève sont, depuis quelques jours, maintenus sous haute sécurité, ainsi que cela avait été le cas lors de la conférence de suivi du processus de Durban en avril dernier.
Les ONGs accréditées ne pourront avoir qu’au mieux deux participants, qui devront, dès 8 heures du matin, tenter de se procurer le laisser-passer.
Pourquoi un tel déploiement de forces de sécurité ? Que craint le Conseil des Droits de l’Homme ?
La mission, à qui l’ancien Président du Conseil des droits de l’homme, Martin Ihoeghian Uhomoibhi, avait demandé un rapport d’enquête à propos de l’agression commise par l’armée israélienne contre Gaza, entre décembre et janvier 2009, va remettre officiellement son rapport à ce même Conseil.
Ce rapport, qui va au-delà de l’agression elle-même puisque sont interrogés l’ensemble des mécanismes de la colonisation dont le blocus imposé à la population de Gaza, depuis 2006 analyse l’ensemble des conséquences de cette agression pour les populations palestinienne et israélienne. Se trouve bien établie la responsabilité pénale des auteurs des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité. Il est regrettable que la mission n’envisage les crimes contre l’humanité que comme une possibilité, alors que de nombreux experts en droit international ont considéré que de tels crimes étaient imputables aux responsables israéliens.
La mission considère, par la façon dont elle pose la question, que les factions armées palestiniennes doivent être abordées sur le même plan que l’armée et les responsables israéliens. Cette approche ne tient pas compte du fait que les factions armées palestiniennes ne sont pas une armée d’occupation et d’agression. La question de la nécessité et de la proportionnalité dans l’usage de la force ainsi que celle des attaques indiscriminées ne peut être imputée à la résistance palestinienne. La mission, même si elle contextualise l’agression de Gaza dans l’occupation subie depuis 1967, ne souligne pas assez clairement qu’il y a un agressé et un agresseur.
Cette précision est importante. Il faut regretter qu’elle ne soit pas plus explicite, d’autant que le rapport rend parfaitement responsable l’armée israélienne d’intention et de planification compte tenu de sa performance technologique qui en fait une des meilleures armées au monde, si ce n’est la meilleure et qui comme telle avait tous les moyens nécessaires pour éviter de bombarder des zones dans lesquelles se trouvait la population civile.
A propos de la stratégie employée par cette armée, la mission a, à plusieurs reprises, rappelé les opérations et les tactiques employées par les forces armées israéliennes lors de la guerre de 2006 contre le Liban. Ce parallèle n’est pas inintéressant et montre bien que cette armée refuse d’utiliser tout autre stratégie que celle de la politique de la terre brûlée et du fait accompli au prétexte d’un droit à la légitime défense basé sur la loi de la jungle et non sur la Rule of Law..
Mais le rapport n’évacue pas le fait que les factions armées palestiniennes, en envoyant des rockets et des tirs de mortier sur la population civile israélienne, sont responsables -au sens entendu par le statut de la Cour pénale internationale- de crimes de guerre.
Un des points importants de ce rapport, qui redit fermement le droit du peuple palestinien à sa souveraineté basée sur le droit des peuples à l’autodétermination, est le fait que les rapporteurs demandent au Conseil de Sécurité que tout ce qui concerne la situation en Palestine -du côté israélien comme du côté palestinien- soit abordée à la lumière du Chapitre 7 de la Charte des Nations unies.
Ce rapport rappelle avec force l’importance de l’avis consultatif de la CIJ à propos de la construction illégale du mur à propos de la responsabilité des Etats Parties aussi bien à la 4e Convention de Genève qu’au Statut de Rome en ce qui concerne leur obligation de faire respecter le droit humanitaire international et le droit international.
Pour que tout ce qui est pointé par la mission d’enquête et dénoncé comme autant de crimes de guerre, il est à espérer que ce rapport permettra que le droit des Palestiniens à la justice soit enfin reconnu, que les responsables israéliens des crimes de guerre soient traduits en justice et jugés.
La mission en consacrant les nombreuses violations dont ont été victimes les Palestiniens de Gaza ouvre la possibilité pour une enquête internationale qui pourrait être une des bases, si la communauté internationale se décide à donner des suites pénales à ces violations.
Espérons, pour la lutte contre l’impunité -seule garantie de la paix et de la sécurité internationales-, que mardi 29 septembre les membres du Conseil des Droits de l’Homme manifesteront la volonté politique de voir adopté ce rapport de façon à ce que les recommandations soient transmises tant au Secrétaire général de l’ONU qu’au Conseil de Sécurité et que celles concernant l’Assemblée génarale et le Procureur de la Cour pénale internationale soient mises en place le plus rapidement possible.
Espérons que les tentatives de délégitimation du travail de la mission du Conseil des Droits de l’Homme échoueront et que la communauté internationale prendra pour une fois ses responsabilités à l’égard du peuple des Nations en conformité avec la Charte de l’ONU.
Mireille Fanon-Mendès France, le 26 septembre 2009.
Justice reportée est justice niée : La décision de la direction palestinienne et la pression internationale sont des insultes aux victimes.
Hier 2 octobre 2009, la direction palestinienne -sous une forte pression internationale menée par les Etats-Unis - a différé le projet de texte de la Commission des Droits de l’Homme reprenant toutes les recommandations de la mission d’enquête de l’ONU (rapport Goldstone).
Ce renvoi nie le droit du peuple palestinien à un traitement judiciaire efficace et à une protection égale de la loi. Il représente le triomphe de la politique sur les droits humains. C’est une insulte à toutes les victimes et un refus de leurs droits.
Les crimes documentés dans le rapport de la commission d’enquête de l’ONU représentent les violations les plus sérieuses de la loi internationale ; le juge Goldstone a conclus qu’il existait des données indiquant que des crimes contre l’humanité avaient pu être commis à Gaza. Des violations de la loi internationale continuent à ce jour, inter alia, par la poursuite du blocus israélien illégal de la bande de Gaza. Les données acquises par la mission confirment des investigations antérieures conduites par des organisations indépendantes palestiniennes, israéliennes et internationales.
L’injustice qui vient d’être commise contre les Palestiniens est commise contre tous sur cette terre. Les droits de l’homme internationaux et la loi humanitaire ne sont pas sujets à des discriminations, ils ne dépendent pas de la nationalité, de la religion ou de l’affiliation politique. Les droits de l’homme internationaux et la loi humanitaire s’appliquent universellement à tous les êtres humains.
La règle de la loi est destinée à protéger les individus, à garantir leurs droits fondamentaux. Mais si la règle de la loi doit être respectée, elle doit être mise en œuvre. L’histoire mondiale et l’occupation israélienne de la terre palestinienne nous ont montré que tant que l’impunité persiste, la loi continuera à être violée ; des civils innocents continueront à en souffrir les horribles conséquences.
Justice reportée est justice niée. Toutes les victimes ont un droit légitime à un traitement judiciaire efficace et à une protection égale de la loi. Ces droits sont universels : ils ne sont pas soumis à des considérations politiques. Au cours des neuf mois suivant l’opération Plomb Durci, aucune enquête judiciaire efficace n’a été conduite sur le conflit. L’impunité prévaut. Dans de telles situations, la loi internationale exige le recours aux mécanismes judiciaires internationaux. Les droits des victimes doivent être respectés. Les responsables doivent être avoir à répondre.
La croyance que la responsabilité et le règne de la loi peuvent être écartés dans la poursuite de la paix est erronée. L’histoire enseignée maintes fois qu’une paix durable ne peut se construire que sur les droits de l’homme, la justice et le règne de la loi. Pendant de nombreuses années en Palestine, la loi internationale et le règne de la loi ont été sacrifiés au nom de la politique, et écartés en faveur du processus de paix. Cette approche a été tentée, et elle a échoué : l’occupation a été consolidée, les colonies illégales ont continué à s’étendre, le droit à l’auto-détermination a été nié, les civils innocents en souffrent les horribles conséquences. Il est maintenant temps de viser à la justice et à une paix fondée sur les droits de l’homme, la dignité et le règne de la loi. Dans les mots du juge Goldstone, il n’y a pas de paix sans justice.
En tant qu’organisations des droits de l’homme, nous condamnons fermement la décision de la direction palestinienne de différer le projet de texte de la Commission des Droits de l’Homme reprenant toutes les recommandations de la mission d’enquête, et les pressions exercées par certains membres de la communauté internationale. Une telle pression est en conflit avec les obligations internationales des Etats, elle est une insulte au peuple palestinien.
En tant qu’organisations des droits de l’homme concernées par les droits et la justice, nous déclarons que nous redoublerons d’efforts pour obtenir justice sans délai pour les victimes des violations des droits de l’homme et de la loi internationale dans les territoires palestiniens occupés.
Le 3 octobre 2009
Adalah * Addameer * Aldameer * Al Haq * Al Mezan * Badil * Coalition Civique pour Jérusalem * DCI-Palestine * Centre ENSAN * Commission Indépendante pour les Droits Humains * Centre d’Aide Légale et des Droits Humains de Jérusalem * Centre Palestinien des Droits de l’Homme (PCHR) * Centre d’Etude des Droits Humains de Ramallah * Centre des Femmes pour l’Aide Légale et l’Assistance.
« Les Nations Unies doivent immédiatement adopter le rapport Goldstone et appliquer ses recommandations »
par Omar Barghouti, BDS
La société civile palestinienne a fortement et quasiment unanimement condamné la dernière décision de l’Autorité palestinienne [AP] de retarder l’adoption par le Conseil de droits de l’homme de l’ONU du rapport établi par la mission d’enquête des Nations Unies, dirigée par le juge Richard Goldstone, sur la récente guerre d’agression israélienne contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza occupée. Une demande commune dans presque tous les communiqués palestiniens publiés à cet égard était que l’ONU adopte le rapport et agisse sans retard anormal conformément à ses recommandations afin de mettre un terme à l’impunité criminelle d’Israël en l’obligeant à rendre compte devant le droit international de ses crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis à Gaza et partout dans les territoires palestiniens sous occupation.
Succombant aux pressions américaine et au chantage israélien sans complexe, le président de l’AP lui-même était semble-t-il directement responsable de la décision de reporter la discussion au Conseil [des Droits de l’Homme] sur le rapport Goldstone, anéantissant les espoirs des Palestiniens aussi bien que des organisations de défense des droits de l’homme et les mouvements internationaux de solidarité, qu’Israël soit finalement soumis à une procédure légale qui n’a que trop tardé, et que ses victimes bénéficient d’une mesure de justice.
Cette décision prise par l’AP, qui a pour effet de retarder l’adoption du rapport au moins jusqu’en mars 2010 — tout en donnant à Israël une magnifique occasion de l’enterrer avec la complicité américaine, européenne, arabe et maintenant palestinienne — constitue le cas le plus flagrant jusqu’à aujourd’hui de la trahison des droits palestiniens par l’AP et de sa reddition devant les diktats israéliens.
Ce n’est cependant pas la première fois que l’AP agit contre les premiers intérêts du peuple palestinien, selon les ordres de Washington et les menaces de Tel Aviv. L’avis historique formulé par la Cour Internationale de Justice (CIJ) en juillet 2004 estimant illégaux le mur et les colonies israéliennes établis sur le territoire palestinien occupé avait représenté une rare occasion diplomatique, politique et légale pouvant être exploitée pour isoler l’Israël comme l’avait été l’Apartheid en Afrique du Sud après une décision semblable prise par la CIJ d’ICJ en 1971 contre son occupation de la Namibie. Hélas, l’AP l’a gaspillé et a systématiquement évité — et selon nos soupçons tout à fait volontairement — de faire appel aux gouvernements dans le monde pour qu’ils se conforment à leurs obligations mentionnées dans l’avis consultatif.
La clause complète sur Israël et les droits palestiniens qui devait être discutée à la récente conférence Durban de l’ONU à Genève a été abandonnée après que le représentant palestinien ait donné son feu vert. Des efforts venus des pays non-alignés et de l’ancien président de l’Assemblée Générale de l’ONU, le père Miguel d’Escoto Brockmann, poussant à une résolution des Nations Unies condamnant les crimes de guerre d’Israël à Gaza et à mettant en place un tribunal international, ont été contrecarrés principalement par l’ambassadeur palestinien aux Nations Unies, amenant plusieurs diplomates et experts de premier plan en matière de droit international à se demander de quel côté se situait le représentant palestinien officiel.
L’accord de libre-échange entre le Mercosur et Israël était sur le point d’être ratifié par le Brésil en septembre dernier après que l’ambassadeur palestinien [au Brésil] ait exprimé son approbation, invitant seulement le Brésil à exclure de l’accord les produits issus de la colonisation israélienne. Suite à la prompte réaction de venue des organisations palestiniennes et brésiliennes de la société civile et par la suite du comité de direction de l’OLP, cette ratification a été évitée et la commission parlementaire brésilien responsable de ce dossier a recommandé que le gouvernement s’abstienne d’approuver l’accord jusqu’à ce qu’Israël se soit conformé au droit international.
Dans tous ces cas comme dans beaucoup de semblables, les instructions données aux représentants palestiniens sont venues de Ramallah, où le gouvernement de l’AP s’est illégalement attribué la responsabilité qui est celle de l’OLP de diriger la diplomatie palestinienne et de définir la politique extérieure, cédant sur les droits des Palestiniens et agissant contre leurs intérêts nationaux, sans s’inquiéter de rendre compte devant les représentants élus du peuple palestinien.
Cette dernière complicité directe de l’AP avec la campagne d’Israël pour blanchir ses crimes et pour miner l’application du droit international pour punir ces mêmes crimes, s’est révélée quelques jours après que le gouvernement israélien d’extrême droite ait publiquement exercé un chantage sur l’AP, exigeant qu’elle retire son soutien au rapport Goldstone en échange « de l’autorisation » d’un deuxième fournisseur de communications pour téléphones mobiles dans le territoire palestinien sous occupation. L’AP mine donc les efforts importants fournis par des organismes de défense des droits de l’homme et par beaucoup de militants pour que justice soit rendue aux victimes palestiniennes du dernier massacre commis par Israël à Gaza : plus de 1400 tués (principalement des civils), des milliers de blessés, avec 1,5 million de personnes qui souffrent toujours de la destruction éhontée de l’infrastructure, des établissements éducatifs et de santé, des usines, des terres agricoles, des centrales électriques et autres équipements critiques, et du long et criminel siège israélien qui leur est imposé.
Ce n’est rien de moins qu’une trahison de l’efficace campagne de boycott, désinvestissement et pour les sanctions [BDS] contre Israël, menée par la société civile palestinienne, avec ses progrès et succès récents et remarquables dans des compagnies occidentales de premier plan et parmi d’importants syndicats.
C’est également une trahison du mouvement mondial de solidarité qui a travaillé inlassablement et de façon créative, principalement dans le cadre de la rapide campagne de promotion du BDS, pour en finir avec l’impunité d’Israël et pour faire respecter les universels droits de l’homme.
Il est crucial de se souvenir que l’AP ne dispose d’aucun mandat légal ou démocratique pour parler au nom du peuple de Palestine ou pour représenter les Palestiniens aux Nations Unies ou dans aucune de ses agences et institutions. Le gouvernement actuel de l’AP n’a jamais obtenu la nécessaire approbation constitutionnelle de la part du Conseil Législatif Palestinien démocratiquement élu. Même si elle avait obtenu un tel mandat, au mieux elle représenterait seulement les Palestiniens vivant sous l’occupation militaire israélienne en Cisjordanie et à Gaza, à l’exclusion de la grande majorité du peuple de Palestine et particulierement des réfugiés.
Seule l’Organisation pour la Libération de la Palestine [OLP] peut théoriquement prétendre représenter l’intégralité du peuple palestinien : à l’intérieur de la Palestine historique et en exil. Pour qu’une telle prétention soit justifiée et partout et universellement acceptée par les Palestinians, l’ OLP doit être renouvelée à partir de ses bases, dans un processus transparent et démocratique qui fasse participer les Palestiniens partout dans le monde et implique tous les partis politiques qui sont en dehors des structures de l’OLP aujourd’hui.
Parallèlement à cette restauration démocratique ou retour vers l’OLP par le peuple et ses syndicats et organisations, l’AP doit être démantelée de façon responsable et graduelle, avec ses pouvoirs actuels, en particulier ses représentations aux Nations Unies et dans toute autre institution régionale ou internationale, les restituant à qui ces représentations appartiennent, au vrai représentant de tout le peuple de Palestine, l’OLP restauré et démocratisé. Cette dissolution de l’AP doit cependant à tout moment éviter de créer un vide légal et politique, car l’histoire prouve que les puissances hégémoniques sont souvent les plus susceptibles de combler un tel vide au détriment des opprimés.
Depuis sa mise en place il y a 15 ans comme simple sous-traitant — souvent impuissant, obséquieux et sous contrainte — du régime d’occupation israélienne, libérant les occupants de leurs plus encombrantes fonctions civiles, comme la fourniture de services et la perception de l’impôt et, de façon plus cruciale, l’aidant très efficacement à assurer la sécurité de son armée d’occupation et de ses colons, le fait est que l’AP a été graduellement et irréversiblement transformée en collaboratrice zélée représentant la principale arme stratégique d’Israël pour empêcher son isolement et sa perte croissante de légitimité sur la scène mondiale comme pouvoir colonial et état ségrégationniste.
Les centaines d’armes nucléaires israéliennes et sa 4e armée au monde ont montré leur impuissance ou au moins leur inutilité face au mouvement croissant de BDS, en particulier après les actes de génocide commis par Israël à Gaza. L’appui diplomatique, politique, économique et scientifique presque illimité qu’Israël reçoit des Etats-Unis et des gouvernements européens, comme son impunité inégalée, ne le protègent pas du sombre destin qu’a connu l’Apartheid en Afrique du Sud.
Même avant la guerre d’Israël contre Gaza, beaucoup de syndicats dans le monde s’étaient joints à la campagne BDS, du Canada à l’Afrique du Sud, et du Royaume-Uni et de la Norvège au Brésil. Mais après Gaza, les quatre années de préparation et de promotion de la campagne BDS, le choc au niveau international à la vue des douches mortelles de phosphore blanc répandu par Israël sur les enfants de Gaza recroquevillés dans des abris des Nations Unies, et le sentiment universel que l’ordre international a été incapable d’obliger Israël à rendre compte ou même simplement à stopper ses tueries de civils, sans parler de sa campagne permanente de nettoyage ethnique en Cisjordanie occupée et en particulier à Jérusalem-est, cette campagne BDS est entrée dans une nouvelle phase beaucoup plus avancée. Elle a finalement atteint sa pleine puissance.
En février, quelques semaines après la fin du massacre israélien dans Gaza, le syndicat sud-africain « Transport and Allied Workers Union » (SATAWU) a fait l’histoire quand il a refusé de décharger un bateau israélien à Durban. En avril, le « Scottish Trade Union Congress » a suivi l’exemple de la fédération sud-africaine, la COSATU, et du « Irish Congress of Trade Unions » en reprenant la campagne BDS contre Israël pour imposer que celui-ci se conforme au droit international. En mai, la « University and College Union (UCU) », représentant environ 120 000 universitaires britanniques, a réitéré son soutien renouvelé chaque année du boycott contre l’Israël, appelant à l’organisation d’une conférence intersyndicale pour le BDS à la fin de cette année afin de discuter de stratégies efficaces pour mettre en application le boycott.
Plus récemment, en septembre, le fonds de pension de retraite du gouvernement norvégien, le troisième en importance dans le monde, s’est dégagé d’un fournisseur militaire israélien d’équipements destinés au mur illégal construit en violation de la décision de la CIJ. Peu de temps après, un ministère espagnol a exclu de la participation à un appel d’offres, une équipe universitaire israélienne représentant une institution illégalement construite sur la terre palestinienne occupée. En septembre également, le « British Trades Union Congress », représentant plus de 6,5 millions de travailleurs, a adopté le principe du boycott, écrivant un nouveau chapitre dans la campagne du BDS qui rappelle aux observateurs les prémisses de la fin du régime d’Apartheid en Afrique du Sud. Selon des indicateurs concrets, persistants et de plus en plus nombreux, les Palestiniens sont les témoins de l’arrivée de leur « moment de l’Afrique du Sud. »
Au milieu de tout cela arrive le rapport Goldstone, fournissant tout à fait étonnement — étant donné les liens forts du juge avec Israël et le sionisme — la paille qui pourrait bien briser le dos du chameau, à savoir des évidences irréfutables, méticuleusement étudiées et documentées de la décision délibérée d’Israël de commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. En dépit de ses points faibles évidents, ce rapport a placé Israël devant la perspective inquiétante et pas complètement improbable d’être traduit devant un tribunal international, un développement qui en terminerait avec l’impunité d’Israël et ouvrirait la possibilité d’imposer enfin la justice internationale sur ses crimes et violations persistantes du droit international. Dans ce contexte difficile pour Israël, une seule arme stratégique pouvait être tirée de son arsenal pour échapper à une écrasante défaite juridique et politique : l’Autorité palestinienne. Et il l’a employée en effet au bon moment, d’une façon mortelle, enterrant presque le rapport Goldstone.
Finalement, l’incapacité du Conseil des Droits de l’homme des Nations Unies d’adopter le rapport Goldstone est une autre preuve, si nécessaire, que les Palestiniens ne peuvent pas espérer obtenir justice dans ce moment historique de la part de la soi-disante « communauté internationale » contrôlée par les Etats-Unis. Seule une campagne de la société civile pour le boycott et le désinvestissement, intensifiée, soutenue et sensible au contexte, peut donner l’espoir qu’Israël soit un jour obligé d’en finir avec son mépris illégal et criminel des droits de l’homme et reconnaisse le droit palestinien inaliénable à l’autodétermination. Ce droit, comme cela est exprimé par la grande majorité du peuple palestinien, implique la fin de l’occupation, la fin du système légalisé et institutionalisé de discrimination raciale, ou Apartheid, et la reconnaissance du droit fondamental et sanctionné par les Nations Unies pour les réfugiés de Palestine de retourner à leurs maisons d’origine, comme tous les autres réfugiés autour du monde dont les réfugiés juifs de la deuxième guerre mondiale.
Mais nous ne pouvons pas nous permettre d’abandonner les Nations Unies. Les organisations de défense des droits de l’homme et la société civile internationale doivent continuer à soutenir la lutte palestinienne en poussant les Nations Unies, au moins son Assemblée Générale, à adopter le rapport Goldstone et à agir à tous les niveaux selon ses recommandations. Si les Nations Unies s’avèrent incapables de cela, ce serait un message sans ambiguïté envoyé à Israël selon quoi son impunité demeure intacte et que la communauté internationale restera les bras croisés la prochaine fois qu’Israël commettra des crimes encore bien pires contre les habitants de la Palestine. Ceci affaiblirait gravement le rôle de la justice et favoriserait à sa place la loi de la jungle, où plus personne ne sera protégé contre le chaos et le carnage sans retenue.
Le 5 octobre 2009
* Transmis par l’auteur au NPA et mis en ligne sur son site. Traduction de l’anglais : Claude Zurbach.