Le Conseil d’Administration de l’ASDHOM, réuni dimanche 19 octobre 2009, tient à exprimer ses inquiétudes quant à l’évolution de la situation des droits de l’Homme au Maroc.
En effet, tous les indicateurs sont au rouge. Les libertés des citoyens, des militants associatifs et politiques, des journalistes et des défenseurs des droits de l’Homme sont mises à mal dès lors qu’il y a « franchissement » des sacro-saintes « lignes rouges » : la monarchie, la religion et l’intégrité territoriale.
D’abord la famille royale :
Trois journalistes, viennent d’être poursuivis et condamnés le jeudi 15 octobre à la prison ferme pour avoir traité de la santé du Roi. Le journaliste Idriss CHAHTANE, directeur de l’hebdomadaire AL-Michaâl, a été condamné à un an de prison ferme et à 10 000 Dirhams d’amende, avec mandat d’arrêt et d’incarcération immédiate. Ses deux autres collègues, Rachid MHAMDI et Mustapha HIRANE, ont été condamnés à 3 mois de prison ferme et à 5000 Dirhams d’amende.
Deux autres journalistes comparaîtront ce vendredi 23 octobre devant le tribunal pour « manquement au respect dû à la famille royale ». Le directeur du quotidien Akhbar Al-Youm, Taoufiq BOUACHRINE, et le dessinateur-caricaturiste, Khalid GUEDDAR, sont poursuivis pour un dessin publié représentant le prince Moulay Ismaïl. En dépit des excuses, présentées par le directeur de la publication qui affirme ne pas vouloir offenser et porter atteinte à l’image du prince, les 2 journalistes encourent jusqu’à 5 ans d’emprisonnement !
Rappelons que le siège du journal incriminé a été mis sous scellé par le ministère de l’intérieur qui a également interdit la parution d’Akhbar Al-Youm depuis plus de vingt jours maintenant en mettant les soixante-quatre salariés sur le carreau et ce, sans aucune décision juridique.
Il y a peu de temps encore, le 1er août, le même ministère de l’intérieur a ordonné en toute illégalité la saisie de 100 000 numéros exemplaires des magazines TelQuel et de Nichane qui étaient encore sous presse et de leur destruction dans les locaux même de leur imprimerie. Les autorités marocaines leur reprochent d’avoir voulu publier, en partenariat avec le journal français le Monde un sondage d’opinion sur le bilan des dix ans de règne du Roi. Le numéro du quotidien le Monde a été interdit de vente au Maroc. Même si les résultats de ce sondage peuvent s’apparenter à un plébiscite, pour le porte parole du gouvernement : « la monarchie ne pouvait être sujette à débat, même dans le cadre d’un sondage » !
Ensuite la religion :
Au cours du mois de ramadan, six jeunes se revendiquant du mouvement MALI (Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles) ont été interpellés pour le seul fait d’avoir exprimé leur souhait via le site de Facebook de se retrouver le dimanche 13 septembre 2009 avec d’autres membres du mouvement, dans une forêt aux environs de Mohammedia, pour un pique-nique. Par cette volonté de rompre le jeûne de ramadan, collectivement et dans un endroit isolé, ces jeunes citoyens ont voulu protester contre un article du code pénal (Article 222) qui punit la non observation du jeûne de ramadan au Maroc : « Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps de ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 12 à 120 dirhams. »
Zineb el-Rhazoui et Ibtissame Lachgar, deux animatrices et cofondatrices du MALI, sont toujours persécutées. Elles ont été empêchées de quitter le territoire, pour assister à une rencontre-débat à Paris sur la liberté de conscience et de culte, organisée le 19 octobre par l’association « Manifeste des Libertés. » La mesure d’interdiction de sortie du territoire a été prise par le procureur et signifiée à leur avocat, Mr Jamai, alors qu’aucune poursuite judiciaire n’a été engagée contre les deux jeunes femmes et les autres membres du mouvement, interpellés le 13 septembre 2009…
Enfin l’intégrité territoriale :
Sept militants originaires du Sahara, connus pour leur engagement politique et associatif ont été interpellés le 8 octobre à leur descente d’avion à Casablanca. Ces Sahraouis revenaient d’un voyage en Algérie où ils ont effectué une visite aux camps de Tindouf. Après une semaine d’interrogatoires par les services secrets, ils ont été déférés devant le tribunal militaire de Rabat… !
Les autorités reprochent aux 7 protagonistes (Ali Salem Tamek, Brahim Dahane, Ahmad Anasiri, Dagja Lachgar, Yahdih Ettarrouzi, Rachid Sghayar et Saleh Lebayhi) leurs opinions et positions politiques quant à la question du Sahara alors que leur engagement n’est un secret pour personne. Certains sont d‘anciens détenus politiques, ou victimes de la disparition forcée durant les années de plomb et/ou membres d’associations de défense des droits humains.
Ces arrestations bafouent un droit élémentaire, celui de la liberté d’opinion et d’expression, tel qu’il est consacré par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, notamment dans son Article 19 qui stipule : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
Un tribunal militaire et la résurgence d’une campagne de lynchage médiatique font craindre le pire pour les 7 arrêtés en particulier et pour les libertés en général.
Vigilance
Le vent qui souffle sur notre pays, ravive nos douleurs et des réminiscences nous rappellent un passé, non lointain, où l’arbitraire s’est imposé au fil des jours et des mois pour déboucher sur les sinistres « années de plomb. »
L’ASDHOM, fondée il y a 25 ans (1984) pour apporter sa contribution à la lutte des démocrates marocains, des familles des détenus politiques et des disparus et pour dénoncer la répression qui sévissait au Maroc, ne peut qu’exprimer :
– ses inquiétudes sur le déferlement des atteintes aux droits élémentaires des citoyens marocains ;
– ses exigences pour que les autorités marocaines rompent avec cette logique sécuritaire et répressive basée sur des prétendues « lignes rouges » ;
L’ASDHOM, appelle l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme et leurs organisations à une plus grande vigilance et à une unité d’action pour faire valoir notre volonté commune : Pour un véritable Etat de droit.
Paris, le 21 octobre 2009
Le Conseil d’Administration de l’ASDHOM