« Lever l’embargo ? » Insensé ! « Un diplomate américain, qui souhaite garder l’anonymat, précise : » Pour négocier, nous avons deux cartes en main : Guantanamo et l’embargo. Si nous levons l’embargo, le régime retrouvera une certaine prospérité économique sans ouverture politique. D’ailleurs, la possibilité de faire annuler la loi Helms-Burton n’existe pas. « En effet, l’exécutif américain s’étant dessaisi de ses prérogatives en matière de politique à l’égard de Cuba, le président des Etats-Unis, M. William Clinton, ne peut modifier cette loi sans l’accord du pouvoir législatif. Dans les prochaines semaines, selon ce même diplomate, » un plan d’action pour la transition à Cuba devrait être élaboré ", conformément au Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act of 1996 - nom officiel de la loi Helms-Burton, plus communément appelée loi Bacardi [1] à Miami.
Véritable manifeste politique, cette loi confère un caractère permanent aux sanctions économiques dans l’attente d’un gouvernement démocratiquement élu ou de transition vers la démocratie, « qui n’inclura ni Fidel Castro ni Raul Castro » (section 205 a). Elle précise de surcroît que ce gouvernement devra « s’orienter clairement vers une économie de marché fondée sur le droit et la jouissance de la propriété privée » et « restituer aux citoyens ou aux entreprises américaines les propriétés nationalisées par le gouvernement cubain après 1959 ou les indemniser » (section 206).
Les titres III et IV de cette législation ont provoqué des réactions très vives des Etats occidentaux qui commercent avec Cuba. Le titre III prévoit en effet la possibilité, pour les citoyens et sociétés des Etats-Unis possesseurs de « propriétés confisquées », d’attaquer devant les juridictions américaines les entreprises étrangères usant ou profitant de ces biens. Le titre IV permet d’interdire l’accès du territoire américain aux dirigeants et actionnaires de ces mêmes entreprises ainsi qu’aux membres de leur famille. Cette interdiction de séjour a déjà été appliquée à des dirigeants de la société canadienne International et de la société mexicaine Grupo Domos, en violation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena). D’autres visas d’entrée aux Etats-Unis devraient être bientôt annulés en vertu du même article.
Quant au titre III, son application avait été reportée, le 15 juillet 1996, par le président Clinton, pour une période de six mois. Cette suspension a été reconduite le 3 janvier 1997 [2]. La visite en Europe de l’envoyé spécial américain, M. Stuart Eizenstat, a en effet permis de satisfaire aux exigences de Washington : la coopération européenne avec Cuba est désormais subordonnée « à l’amélioration de la situation en matière de droits de l’homme ». Après avoir dénoncé les violations du droit international et les visées hégémoniques américaines, l’Union européenne (UE) s’est en effet ralliée à Washington. « Cela a pris du temps, il a fallu convaincre, mais nous sommes heureux », déclare le même diplomate américain.
La plainte déposée par les Européens devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’adoption de législations miroirs [3] afin d’annuler les effets de la loi, les nombreuses condamnations votées dans les enceintes internationales n’ont pas empêché les Quinze d’entériner une « position commune » résultant d’une initiative du gouvernement espagnol (de droite), qui, le 14 novembre 1996, avait soumis à ses partenaires un texte inspiré des positions américaines. L’utilisation des procédures de coopération prévues par le traité de Maastricht en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC) a permis l’adoption sans débat et en un temps record - trois semaines après les propositions du gouvernement de M. José Maria Aznar - de cette position européenne commune. Les liens qui unissent M. José Maria Aznar au chef de la puissante Fondation cubano-américaine de Miami, M. Jorge Mas Canosa, expliquent sans doute le revirement de l’Espagne, dont les investisseurs ont échappé jusqu’à présent aux sanctions américaines. Bien qu’elle se défende de vouloir « provoquer des changements par des mesures coercitives », l’Union européenne a réduit de près d’un tiers son aide financière à La Havane en 1996, réduction qui affecte d’abord l’aide humanitaire (médicaments et produits alimentaires) [4].
Mais comment interpréter ce recul des Européens, notamment de la diplomatie française, qui critique depuis longtemps l’ « inefficacité » de l’embargo et dénonce les « ambitions hégémoniques » de Washington ? La possibilité d’un « cycle de représailles », évoquée par le président Jacques Chirac lors de la réunion du G 7 à Lyon, l’extension de la guerre commerciale, ainsi que la disparité des intérêts des Quinze expliquent sans doute cette reculade face à l’agressivité américaine. En effet, la loi Helms-Burton a fait école : la loi D’Amato-Kennedy prévoit également des sanctions financières à l’égard des entreprises pétrolières étrangères qui investiraient plus de 40 millions de dollars en Iran ou en Libye, dans le secteur des hydrocarbures. Or les installations industrielles de l’Allemagne en Iran n’ont cessé de se multiplier... Les Etats-Unis, qui ont accepté de se montrer plus flexibles à l’égard de Téhéran, ont exigé en échange que l’Espagne d’abord, et l’ensemble de l’UE ensuite, imposent « des conditions draconiennes à toute aide économique à Cuba ».
Etrange compromis ! Le régime de M. Fidel Castro ne constitue plus une menace pour les Etats-Unis, alors que « l’Iran et la Libye sont soupçonnés d’entraîner des terroristes ayant tué des Américains à l’étranger », constate un politologue. Mais Cuba se trouve à moins de 200 kilomètres des côtes américaines et reste soumis aux intérêts géopolitiques de Washington.
Le rapprochement euro-américain intervient alors que Cuba a connu, en 1996, un certain redémarrage économique. Tous les observateurs s’accordent à reconnaître que l’effondrement qui menaçait a été endigué. Après six ans de crise, la situation s’est améliorée sur le plan macroéconomique. Pour M. Daniel Patat, conseiller commercial de l’ambassade de France, cette récupération est « incontestable, mais fragile, car gravement menacée par l’insuffisance de moyens financiers ». L’amélioration résulte, selon lui, du développement prioritaire des secteurs rapportant des devises (les autres restent très déprimés), de l’optimisation des ressources internes, de la restructuration du secteur public, des effets induits des investissements étrangers, le tout grâce à un centralisme étatique qui « a permis de mobiliser efficacement les ressources du pays au service d’une économie de guerre ».
La montée en puissance du tourisme et ses retombées sont visibles. Elles stimulent diverses activités de services : l’artisanat s’est développé, les paladares (petits restaurants privés) sont pleins, les Cubains louent leurs appartements et leurs voitures aux voyageurs de passage. La récolte de canne à sucre a augmenté - certes dans des proportions limitées -, de même que la production de nickel, de tabac ou d’agrumes. Ces améliorations sont toutefois d’autant plus précaires qu’elles ont été obtenues grâce à des financements à court terme contractés à des taux usuraires.
L’île n’a pas accès aux prêts des institutions internationales (Banque mondiale, Fonds monétaire international), et le renchérissement des crédits, pour cause de risque politique, est l’un des effets les plus pervers de la loi Helms-Burton. « Les banquiers ferment les guichets ; cette loi est un véritable garrot », constate l’ambassadeur de France à La Havane, M. Jean-Raphaël Dufour.
L’activité bancaire peut en effet être assimilée à une forme de « trafic » si elle sert à financer des projets sucriers ou touristiques concernant d’anciennes propriétés américaines. Or, à ces contraintes financières et aux taux très élevés qui sont pratiqués, s’ajoute la dette extérieure (environ 10 milliards de dollars). La menace d’étranglement financier est un risque majeur. « Les caisses de l’Etat sont vides », affirme un entrepreneur français.
Des discours officiels contradictoires
MALGRÉ ce contexte, les entreprises étrangères déjà implantées n’ont pas fui. Elles s’adaptent en usant de nombreux subterfuges pour ne pas encourir les foudres du législateur américain. Certaines effacent leurs enseignes pour ne pas apparaître sous leur nom propre. Quelques grands industriels louent des chambres à l’année à l’Hôtel Cohiba : de construction récente, l’établissement n’est pas suspecté d’avoir été « confisqué ». D’autres sont en conflit ouvert : c’est le cas de Pernod-Ricard (qui commercialise à l’échelle internationale le rhum Havana Club, l’ancien Bacardi), et est attaqué de front par le groupe Bacardi, première marque de spiritueux au monde. « On est en procès partout, c’est une vraie guerre commerciale », constate M. Noël Adrian, directeur de Pernod-Ricard à La Havane.
La loi Helms-Burton est une épée de Damoclès dont l’effet insidieux opère comme une puissance occulte et dissuasive : les législateurs n’ont pas à s’emparer des dossiers, les entreprises prennent les devants.
Menacé par les contraintes extérieures, le gouvernement de M. Fidel Castro est confronté à un autre défi : le poids de l’effort économique est supporté par une population dont la lassitude est de plus en plus grande au fil du temps. Les contraintes induites par l’extraordinaire effort de mobilisation des ressources disponibles érodent la base sociale du régime. L’amélioration espérée de la vie quotidienne est peu perceptible : les coupures de courant ont nettement diminué, mais les importations de pétrole risquent d’être affectées par la hausse des prix, et les apagones (coupures d’électricité) reprendront. La situation alimentaire s’est améliorée, grâce aux marchés paysans enfin rétablis en 1994, mais la part de l’approvisionnement public subventionné (la libreta) diminue sans cesse, provoquant une augmentation considérable du budget familial consacré à la nourriture. Dans l’ensemble, la chute du pouvoir d’achat n’a pas été enrayée, sauf pour une minorité. Avec leur misérable retraite en pesos, les retraités sans famille vivent dans le dénuement. Les mères seules avec des enfants sont à bout de forces.
Les efforts de restructuration du secteur public et la rationalisation de la gestion étatique ont entraîné un accroissement du chômage. Selon les chiffres officiels, il atteint 8 %, mais certains économistes estiment que le quart de la population active est touché, même s’il est impossible de le mesurer avec précision. Les travailleurs « disponibles » pour cause de licenciement bénéficient d’indemnités réglementaires pendant une durée limitée puis se voient proposer des emplois dans l’agriculture - qui manque de bras. Nombreux sont ceux qui refusent. Ils rejoignent alors (légalement ou pas) l’économie informelle, menacés par la précarité en cas d’échec.
« Au motif que l’on demande aux gens de défendre les acquis de la révolution, on exige d’eux qu’ils s’en privent ! », commente un sociologue. Une exigence d’autant plus mal acceptée que la réactivation économique crée de profondes différenciations et de grandes inégalités. Or le succès de cette politique de développement autoritaire suppose un haut degré d’adhésion et de mobilisation. « Il est vrai que le centralisme étatique s’est révélé être un instrument d’une très grande efficacité, reconnaît M. Patat. Il a permis la mobilisation et la redistribution de toutes les ressources. Les investissements faits jusqu’alors sont tous justifiés, ce qui a été réalisé est positif, et ils ne sont pas passés pour l’instant sous les fourches Caudines du FMI. » Mais cette alchimie ne peut durablement répondre aux besoins du pays : pour redémarrer, il faut investir ; pour cela il faut des prêts à moyen ou long terme, or on emprunte pour payer les intérêts, et la majorité de la population ne touche même pas les dividendes de la croissance.
« Dans les conditions cubaines, le centralisme étatique ne peut durablement assurer la croissance et le plein emploi », constate un économiste. Si les entreprises doivent désormais être rentables et fonctionner selon les lois du marché, il faut, selon lui, autoriser la création de petites et moyennes entreprises (PME) et permettre ainsi la croissance de l’emploi salarié. En fait, les bouleversements sociopolitiques introduits par l’essor des activités privées (fortement taxées par l’impôt) sont déjà tels que le gouvernement repousse un choix dont les effets pourraient être déstabilisateurs et impopulaires.
Autoritaire sur le plan économique, la centralisation gouvernementale l’est encore davantage sur le plan idéologique et politique. Confronté à la crise sociale, le gouvernement craint de perdre le contrôle de la situation. Toute critique, l’élaboration d’une quelconque solution de rechange à la politique suivie sont donc exclues, y compris émanant des cercles du Parti communiste cubain (PCC). Les sanctions qui ont frappé depuis mars 1996 les chercheurs d’une institution prestigieuse, le Centre d’études sur l’Amérique (CEA) [5], reconnu internationalement dans les milieux universitaires nord et latino- américains, en témoignent. Membres du Parti communiste, les chercheurs du CEA étaient engagés dans une réflexion critique sur la stratégie économique et le système politique : la place accordée au marché et à l’Etat dans l’économie, le rôle des syndicats face à l’extension des entreprises mixtes et des zones franches, l’extension de la participation populaire, l’institutionnalisation future de la révolution. Ils avaient consacré différents travaux à l’étude de la crise cubaine dans la revue du centre, Cuadernos de Nuestra América, ainsi que dans plusieurs livres dont certains sont désormais « introuvables ». D’autres publications sont différées sine die. Ils avaient également co-organisé, en février 1996, avec la Fundacion de investigaciones marxistas d’Espagne (FIM), un séminaire consacré aux « alternatives de gauche au néo-libéralisme » [6].
Accusés par M. Raul Castro, lors du cinquième plenum du comité central, en mars 1996, de former une « cinquième colonne », les sept membres du conseil de direction du centre durent affronter pendant sept mois l’ire d’une commission nommée par le comité central. Au terme d’une démarche bureaucratique, le conseil de direction a été dissous et ses sept membres [7], refusant toute autocritique, ont été informés de leur mutation dans d’autres centres d’études. « Mais nous voulons rester dans le camp de la révolution tout en maintenant nos désaccords », affirme l’un d’entre eux. Dans les faits, la revue n’est plus parue et le CEA est démantelé.
Interrogés, les dirigeants du parti minimisent les sanctions, justifiées selon eux par le fait que les positions des chercheurs n’étaient pas conformes à celles du PCC, auquel le centre était rattaché. Certains condamnent - en privé - les qualificatifs utilisés par M. Raul Castro, mais soulignent le caractère modéré des sanctions prises au regard des accusations portées. Les anciens dirigeants du centre sont convaincus que leur réflexion critique sur la situation dans ses multiples dimensions (et leur prestige à l’étranger) ont mis le feu aux poudres. On a voulu adresser un avertissement aux intellectuels et aux artistes, mais la réaction de ces derniers a été vive. L’Union nationale des écrivains et artistes cubains (Uneac) a exprimé son inquiétude dans une lettre non publique envoyée au parti ; de nombreux intellectuels latino-américains ont protesté contre les attaques, ce qui a sans doute empêché des sanctions plus sévères.
Les dénonciations de M. Raul Castro s’expliquent par la volonté d’empêcher la moindre contestation (au motif que tout débat interne va diviser et donc affaiblir la révolution), tout comme la censure imposée aux chercheurs vise à masquer le caractère contradictoire des discours officiels. Ces derniers ne parviennent pas à concilier les proclamations de fidélité au socialisme avec les réalités socio- économiques de l’île après l’échec du « modèle » soviétique. Cette normalisation idéologique est difficilement compatible avec l’emphase nationaliste, qui appelle toutes les forces du pays - en particulier les catholiques - à s’unir en défense de la patrie.
Le traitement réservé à l’Eglise catholique contraste en effet avec la sévérité appliquée au CEA. L’accueil de M. Fidel Castro au Vatican, le 19 novembre 1996, et la visite annoncée du pape Jean Paul II en janvier 1998 ne vont pas sans contrepartie. Une quarantaine de prêtres et de religieuses arrivés de l’étranger sont venus renforcer une présence pastorale jugée très insuffisante par l’épiscopat ; d’autres devraient suivre. Les différents diocèses ont leur revue et animent des centres de formation civique au sein desquels les problèmes de société sont abordés à la lumière de la doctrine sociale de l’Eglise.
L’Union catholique de la presse cubaine, qui vient d’être créée, regroupe les rédacteurs des différentes publications catholiques du pays. Son secrétariat est composé des directeurs de trois revues, Amanecer (diocèse de Santa Clara), Palabra Nueva (diocèse de La Havane), animée par Mgr Carlos Manuel de Cespedes, et Vitral (diocèse de Pinar del Rio). A peine distribués dans les paroisses, les 7 000 exemplaires de Palabra Nueva sont épuisés. Vitral conduit une réflexion sur les rapports entre la société civile et l’Etat, un thème à la mode dans les tertulias [8] de la capitale depuis l’effondrement du socialisme réel, et l’on trouve dans ses colonnes une analyse critique d’une grande pertinence sur la crise du socialisme cubain [9].
Quant aux autres demandes pressantes de l’Eglise - accès aux médias, enseignement religieux -, elles ne semblent pas devoir être satisfaites dans l’immédiat. Après quelques difficultés, le gouvernement a accepté la distribution par Caritas d’une partie de l’aide humanitaire européenne dans les paroisses, ce qui contribue aussi à renforcer l’influence d’un catholicisme minoritaire face aux cultes afro-cubains et confronté, de plus, à l’essor des Eglises protestantes.
A la recherche d’une légitimité internationale, M. Fidel Castro a accepté une visite pontificale longtemps différée. Comme le remarque Mgr Carlos Manuel de Cespedes, l’Eglise peut contribuer à changer l’image internationale du régime, et elle veut être un intermédiaire oeuvrant à la « réconciliation nationale », grâce à ses liens avec l’épiscopat nord-américain, qui a condamné très fermement l’embargo, à la différence de quelques prélats de Miami.
Soulignant la désillusion du pape Jean Paul II face à l’évolution de la Pologne et des pays de l’Est, son rejet de la corruption, de la drogue, de la désintégration familiale, de la dégradation des moeurs, et sa condamnation du modèle ultralibéral, des évêques mettent l’accent sur l’intérêt du pape à l’égard de Cuba, son souhait d’y œuvrer au dialogue et de contribuer - selon les paroles de Mgr Tauran, ministre des affaires étrangères du Vatican - « à l’établissement d’un climat de liberté religieuse et de confiance entre l’Eglise et l’Etat cubain ».
La religion comme solution
DANS l’esprit des dirigeants, l’essor religieux peut aussi permettre de canaliser les tensions sociales. « Voy a ver un babalao para que me cambie la vida » [10], chante le groupe Palmas y Canas, à la télévision. Face aux frustrations et au sentiment d’insécurité provoqués par la crise, « la religion peut être une solution de rechange valable ; la société révolutionnaire est une œuvre collective où les bonnes volontés ont la possibilité et le devoir de se manifester », conclut un article de la revue du Comité central du PCC [11].
L’Eglise cubaine estime qu’il n’y aura pas de grands bouleversements tant que le Lider maximo sera vivant. Craignant le chaos et les violences que pourrait entraîner le retour des exilés, elle travaille dans la durée et négocie son autonomie pour l’avenir. Les dissidents de l’intérieur, selon Mgr Carlos Manuel de Cespedes, sont peu crédibles : sur les cent quarante signataires de Concilio cubano [12], cent un avaient demandé, en juin 1996, leur visa pour les Etats-Unis.
Quant aux forces armées, Mgr de Cespedes souligne que leur participation à la production économique, depuis leur retour d’Angola, les rend plutôt populaires. La démilitarisation habile à laquelle a procédé M. Raul Castro a permis l’incorporation de nombreux militaires dans l’agriculture, où ils manient plus souvent la machette que le fusil. Et ce sont des officiers qui dirigent souvent les entreprises mixtes.
La hiérarchie catholique souhaite, bien sûr, des changements, mais sans déstabiliser le pays. « Si jamais Cuba s’effondre, que diront les Américains ? Pobrecitos (les pauvres petits) ! », s’exclame Mgr de Cespedes.