Nantes Correspondant
Des lampes torches et des jumelles de vision nocturne : voici résumé l’attirail des chercheurs de hérisson. Des enseignants et des étudiants de l’Ecole nationale vétérinaire de Nantes mènent actuellement, à la demande de la ville, une étude consacrée au comportement et aux déplacements de ce mammifère dans deux quartiers où sont programmées des opérations d’urbanisation importantes.
« L’objectif de cette étude, c’est de déterminer les grands corridors biologiques existant dans ces secteurs résidentiels, plutôt verts, avant de lancer tout nouveau chantier, explique Olivier Lambert, biologiste. Et ce, dans un souci de préserver la biodiversité dans la ville. Sitôt que l’on découvre la présence de faune sauvage dans un espace, on peut en effet conclure que le milieu naturel est sain, offrant gîte, protection et nourriture. Qui se plaindrait de vivre dans un tel environnement ? »
Le hérisson s’est aisément imposé comme sujet d’observation. « Il nous fallait une espèce qui ne se déplace pas trop vite et qui ne s’affranchisse pas d’obstacles facilement, note Olivier Lambert. Un immeuble, une chauve-souris est capable de passer au-dessus. Le hérisson non. » Autre avantage du hérisson : « C’est une espèce parapluie, qui se situe en haut de la chaîne alimentaire. Protéger cette espèce revient à en protéger de nombreuses autres. Qui plus est, le hérisson est un animal qui jouit d’une bonne image auprès du public, ce qui facilite nos démarches puisque nous avons lancé un appel à la population pour nous signaler tout hérisson qui serait aperçu dans un jardin public ou même privé. »
Marquage des bêtes
Pour l’heure, les chercheurs ont effectué six sorties nocturnes. Cinq hérissons différents ont été trouvés. Pas besoin de ramper ou de sonder arbustes et taillis : les spécimens ont été repérés sur des pelouses d’immeubles entourées de haies. Les scientifiques relèvent le sexe, le poids et les mensurations des animaux et prennent soin de les identifier à l’aide de gaines électriques de couleur collées sur leurs piquants.
Au terme de leur mission, les chercheurs voudraient avoir croisé le chemin d’environ soixante bêtes. « Chaque animal est systématiquement reposé à l’endroit exact où il a été repéré, précise Marianne Verry, l’une des étudiantes en charge de ce projet. L’idéal serait de capturer six ou sept fois les hérissons marqués, dans différents endroits, afin de pouvoir déterminer leur parcours le plus précisément possible. »
Promu « espèce sentinelle », l’omnivore aux quelque 7 000 piquants jouera également, le cas échéant, le rôle d’indicateur de la présence de polluants dans la nature. Les hérissons retrouvés morts feront l’objet d’analyses toxicologiques. « On recherchera systématiquement d’éventuelles traces d’herbicides ou d’insecticides dans l’organisme et on tentera d’évaluer le niveau de toxicité de ces polluants. »
L’Ecole nationale vétérinaire rendra sa copie en septembre 2010. Des mesures permettant de préserver les corridors biologiques, voire d’en ajouter, seront alors définies. En cas de conflit d’intérêts entre projet urbain et autoroute des hérissons ? « On réfléchira à des aménagements », assure Ronan Dantec, adjoint au maire de la ville à l’environnement, qui ne manque pas de rappeler l’existence d’« un intérêt commun entre le hérisson et le piéton urbain ».
Preuve que Nantes regorge encore d’écosystèmes diversifiés, les scientifiques de l’Ecole nationale vétérinaire notent avec satisfaction le retour dans la ville du faucon-pèlerin. La présence de renards est également régulièrement observée à proximité de la faculté de sciences, ainsi que celle de hérons cendrés juste devant la préfecture de région.
Yan Gauchard