« Comme tout autre chef d’Etat, je me réserve le droit d’agir unilatéralement pour défendre mon pays ! ». Richard M. Nixon, président des Etats-Unis durant la guerre du Vietnam ? George W. Bush, son lointain successeur de 2001 à 2009 ? Non, Barak H. Obama, « président de guerre » selon ses propres termes, le 10 décembre à Oslo devant le jury qui lui a attribué le prix Nobel « de la paix ». Un sacre fonctionnel au nouveau « visage humain » de l’impérialisme US…
Nous l’avons dit et redit, en faisant élire Obama, c’est un visage propre, angélique, que l’establishment étasunien a voulu donner à sa politique. C’est donc avec « beaucoup d’humilité, pleinement conscient des coûts [humains] que supposent les conflits armés », ainsi qu’il a tenu à le dire à Oslo, que Barak Obama a finalement accédé à la demande du général Mc Chrystal, son commandant opérationnel, d’envoyer plus d’hommes de troupe en Afghanistan.
Coup de pouce requis…
Alors que le boss en demandait entre 40’000 et 45’000, en homme raisonnable, Obama ne lui en a accordé que 33’000 qui viennent s’ajouter aux 68’000 autres déjà déployés là-bas et qui coûtent chacun un million de dollars par an aux contribuables étasuniens. Aux alliés européens, et aux autres membres de l’OTAN d’assumer leur rôle et de combler la différence.
Alignés couverts, c’est ce qu’ils se sont empressés de faire puisque trois jours seulement après la décision yankee du 1er décembre, les ministres des affaires étrangères de l’OTAN ont promis d’envoyer « au moins 7’000 soldats de plus en Afghanistan ». « Et il y en aura d’autres », a assuré le secrétaire de l’Alliance atlantique Anders Fogh Rasmussen.
Sans surprise, ce sont l’Italie et la Grande Bretagne, fidèles vassaux qui ont fait preuve de plus d’enthousiasme en accordant une rallonge de 1140 et 1200 soldats supplémentaires, tandis que l’Allemagne et la France se font plutôt prier. Et ce n’est pas uniquement pour ne pas avoir à supporter le coût financier de ce déploiement additionnel voulu par Barak Obama. En effet, tant Paris que Berlin craignent les conséquences internes d’une plus forte implication dans la guerre amérikaine en Aghanistan.
Enthousiastes … ma non troppo
Déjà, l’Allemagne s’est à plusieurs reprises exposée aux remontrances de la diplomatie US du fait qu’elle refuse de déployer ses troupes dans les zones de combat. C’est que le retour au pays de soldats dans un sac en plastique n’est pas une option que la chancelière Maerkel peut se permettre alors que l’engagement de la Wehrmacht à l’extérieur des frontières reste un sujet sensible outre Rhin.
Quant à Sarkozy, il ne déborde pas d’enthousiasme à l’idée d’un nouveau point de fixation dans l’opinion publique qui viendrait s’ajouter à une conflictualité sociale très élevée. Le souvenir de l’effet désastreux de la mort de dix jeunes soldats dans une embuscade près de Saroubi, à l’Est de Kaboul en août 2008, concourt à la prudence.
Ainsi, malgré les professions de foi enflammées de l’ancien médecin sans frontières qui officie au Quai d’Orsay en tant que ministre des affaires étrangères, Paris veut bien contribuer plus à la formation de policiers afghans, mais pour ce qui est de combattre...
C’est la guerre d’Obama
Ce manque d’enthousiasme trouve son pendant domestique. Car, aux Etats-Unis non plus, l’opinion est loin d’être emballée. Selon les sondages plus de 60% sont opposés à la poursuite de la guerre en Afghanistan. Les quelques trois cents boys tombés en Asie centrale au cours de cette année 2009, la plus meurtrière depuis le début, le 5 octobre 2001, ne font que renforcer l’opposition à un conflit qui n’est plus la « guerre de George Bush », mais bel et bien celle de Obama.
Depuis son entrée en fonction le 20 janvier, le nombre de soldats supplémentaires envoyés en Afghanistan aura ainsi atteint au total les 54’000, 7’000 de plus qu’en avait déployés George Bush ! Son but affirmé est d’imposer un tournant à la guerre analogue à celui opéré en Irak après 2004, le « Surge », à savoir l’accroissement massif des troupes combattantes pour « pacifier » le territoire à coup d’affrontements meurtriers pour la résistance et permettre un retrait ultérieur.
Sauf que, les attentats hebdomadaires en témoignent, l’Irak n’a de loin pas été pacifié. Et que, une telle stratégie se décline autrement dans les montagnes afghanes que dans les plaines d’Irak. Elle risque d’être bien plus meurtrière pour les forces d’occupation qu’elle ne l’a été entre le Tigre et l’Euphrate. Et elle pourrait bien s’avérer particulièrement sanglante pour la population locale que le commandement US a par trop tendance à confondre avec les combattants talibans.
Confronté aux réticences de France et Allemagne, boudé par son opinion publique, incertain sur l’issue de la guerre, Barak Obama avait besoin de soutiens. Il les a trouvés à Oslo. Comme l’a dit Thornbjörn Jagland, le président du comité du Nobel, « l’histoire est pleine d’occasions perdues ; ne ratons pas aujourd’hui celle de soutenir les idées du président Obama »… Et quelles idées !