New Delhi, correspondant en Asie du sud
La nouvelle n’est pas bonne pour Washington. A l’heure de l’intensification de l’effort de guerre en Afghanistan, les Américains vont devoir s’appuyer dans le Pakistan voisin sur un président affaibli et, au-delà, sur un pouvoir militaire réaffirmant son ascendant sur le gouvernement civil.
Ce nouveau paysage pakistanais apparaissait évident au lendemain de l’arrêt historique rendu, mercredi 16 décembre, à Islamabad, par la Cour suprême. La plus haute juridiction du Pakistan a ordonné l’abrogation d’une amnistie qui avait placé environ 8 000 personnes, dont de nombreux hiérarques du pouvoir actuel, à l’abri de poursuites engagées contre elles dans des affaires de corruption.
Cette décision ébranle l’assise politique du chef de l’Etat, Asif Ali Zardari, veuf de Benazir Bhutto, assassinée fin décembre 2007. Dépositaire du sceptre de la célèbre famille Bhutto, M. Zardari avait été élu à la présidence en septembre 2008 en remplacement du général Pervez Musharraf, déprécié à l’issue d’un long et controversé règne sur le pays (1999-2008). Quelques mois plus tôt, le Parti du peuple pakistanais (PPP), le parti du clan Bhutto, avait triomphé à des élections législatives.
LE PASSÉ RESSURGIT
Ce retour au pouvoir de la dynastie Bhutto n’a été rendu possible que parce que le général Musharraf avait décrété, en octobre 2007, une amnistie dans le cadre d’un plan de partage de pouvoir avec le PPP concocté sous l’égide de Washington. Durant leur traversée du désert, Mme Bhutto et son mari avaient été poursuivis pour des affaires de corruption datant de l’époque où le PPP dirigeait le pays (1988-1990 puis 1993-1996). M. Zardari a passé onze ans en prison.
C’est ce passé qui ressurgit avec l’arrêt de la Cour suprême qui, depuis la réintégration à sa tête du juge Iftikhar Chaudhry – limogé sous la présidence de Musharraf – orchestre une sorte de revanche du pouvoir judiciaire sur les privilèges de l’élite politique.
M. Zardari va-t-il finir par y sombrer ? Il est protégé par l’immunité que lui confère la Constitution en qualité de chef de l’Etat. Mais il est fragilisé par la nouvelle donne.
Les appels à sa démission se multiplient depuis deux jours. « M. Zardari n’est pas tenu de démissionner au plan juridique, écrit, vendredi, un éditorial du quotidien The News. Mais moralement, il n’a pas d’autre option. »
Au-delà de son cas, c’est une bonne partie de son camp qui est déstabilisée. L’étau judiciaire se resserre déjà autour de certains des membres du gouvernement. Le ministre de la défense, Ahmed Mukhtar, a ainsi été empêché de sortir du pays, vendredi, alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour la Chine. De même, le ministre de l’intérieur Rehman Malik est convoqué par les juges pour le 24 décembre.
Face à la paralysie qui guette le pouvoir, un remaniement ministériel d’envergure est inévitable. Il consacrera la montée en puissance dans l’appareil dirigeant du premier ministre Youssuf Gilani, non visé par la réouverture des dossiers judiciaires. Déjà, le président Zardari lui a cédé la direction de l’Autorité de commande nationale, la structure militaire qui contrôle notamment l’arsenal nucléaire du pays.
L’affaiblissement accéléré du président Zardari est lourd d’implications stratégiques. Il contrarie le plan de Washington d’impliquer davantage le Pakistan dans l’effort de guerre en Afghanistan, en particulier dans la lutte contre les sanctuaires d’Al-Qaida et ses alliés talibans au cœur des zones tribales pakistanaises.
RELATIONS AMBIGUËS
Washington avait beaucoup misé sur la présidence de M. Zardari, qui incarnait la restauration du pouvoir civil après près d’une décennie de régime militaire aux relations ambiguës avec les groupes djihadistes.
Historiquement, les services secrets de l’armée pakistanaise – le fameux Inter Service Intelligence (ISI) – sont très liés à certaines organisations islamistes radicales, instrumentalisées pour servir les intérêts géopolitiques du Pakistan en Afghanistan ou au Cachemire indien.
Au lendemain du 11 septembre 2001, le général Musharraf avait dû – sous une farouche pression de George Bush – opérer un virage brutal et traquer Al-Qaida dans les villes pakistanaises.
Mais au fil des ans, il est apparu évident à Washington que l’armée pakistanaise n’avait pas franchement renoncé à son ambivalence, et continuait d’entretenir de coupables liaisons avec certains foyers djihadistes.
En 2008, les Américains ont vu dans le retour au pouvoir du PPP, longtemps persécuté par les services secrets militaires, l’occasion de rebattre les cartes du jeu pakistanais et de contenir l’influence de l’armée. L’idée était d’arracher l’ISI à la tutelle de l’armée pour la placer sous le contrôle du ministère de l’intérieur.
Une tentative vite déjouée par le chef d’état-major de l’armée, le général Ashfaq Kayani, qui n’a cessé, depuis, de se méfier du président Zardari, jugé trop pro-américain.
Désormais, ce sont les juges qui mènent l’offensive contre le veuf de Mme Bhutto. Mais c’est l’armée qui risque d’en tirer le plus gros bénéfice. Au grand dam de Washington.
Frédéric Bobin
* Article paru dans le Monde, édition du 19.12.09. LE MONDE | 18.12.09 | 11h04.
Deux salves de missiles américains font une dizaine de morts au Pakistan
Deux salves de missiles américains ont frappé jeudi 17 décembre le Waziristan du Nord, une zone tribale frontalière de l’Afghanistan, tuant au moins quatorze rebelles. Leurs cibles restaient inconnues, mais le district est décrit par Washington comme un repaire des talibans pakistanais, de leurs alliés d’Al-Qaida, des talibans afghans et du réseau Haqqani, les deux derniers groupes étant connus pour mener de fréquentes attaques contre les troupes étrangères en Afghanistan.
Les drones américains ont d’abord tiré en fin de matinée deux missiles sur une maison de Dattakhel, un village situé à 30 kilomètres à l’ouest de Miranshah, principale ville du district, selon des responsables pakistanais des services de renseignement. « Deux personnes ont été tuées », a déclaré un membre de ces services. Un autre responsable a confirmé ce bombardement et son bilan, affirmant qu’il s’agissait de deux rebelles. Leur nationalité n’était pas encore connue, ont ajouté ces responsables.
SANCTUAIRE D’AL-QAIDA
Dans l’après-midi, une deuxième salve de missiles américains, plus importante, a frappé le district. « Cinq drones américains ont tiré au moins sept missiles sur deux maisons et deux véhicules dans la zone d’Ambarshaga, tuant douze rebelles », a déclaré un haut responsable local de la sécurité. Quatre combattants « étrangers » d’Al-Qaida figurent parmi les victimes, a-t-il ajouté sans plus de précisions. Un autre responsable de la sécurité a confirmé ces bombardements, en craignant que le bilan ne s’alourdisse.
Les bilans de ces tirs américains sont impossible à vérifier de sources indépendantes, les zones visées étant aux mains des talibans pakistanais et afghans. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Barack Obama, les Etats-Unis ont accru leurs bombardements dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan. Ces territoires sont considérés par Washington comme le nouveau sanctuaire d’Al-Qaida et une base arrière pour les talibans afghans, tous soutenus par les talibans pakistanais.
AUTORISATIONS OFFICIEUSES
Le Pakistan s’oppose officiellement à ces bombardements américains, affirmant qu’ils représentent une violation de sa souveraineté territoriale et qu’ils accroissent le ressentiment de la population. Mais les médias américains et pakistanais estiment qu’Islamabad les autorise officieusement. En quinze mois, sans jamais le reconnaître publiquement ni le nier, la CIA et l’armée américaine ont tiré au moins soixante-sept salves de missiles sur les zones tribales pakistanaises frontalières de l’Afghanistan, faisant six cent trente-huit morts, selon les forces de sécurité pakistanaises.
L’armée pakistanaise a lancé pour sa part une offensive terrestre dans le Waziristan du Sud il y a deux mois, bastion des talibans pakistanais, dont les kamikazes sont les principaux responsables d’une vague d’attentats – suicide pour la plupart – qui a fait plus de 2 700 morts dans le pays depuis l’été 2007.
* LEMONDE.FR avec AFP | 17.12.09 | 17h34.
Le refus du Pakistan de démanteler certains fiefs talibans irrite les Américains
New Delhi Correspondant en Asie du Sud
Les tensions s’exacerbent entre les Etats-Unis et le Pakistan deux semaines après l’annonce par le président Obama de la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan. Les deux pays s’opposent sur la tournure que pourrait prendre leur coopération « antiterroriste » à l’heure où Washington, en complément de l’arrivée en renfort de 30 000 soldats américains sur le sol afghan, souhaite intensifier la lutte contre les sanctuaires talibans établis du côté pakistanais.
La divergence, qui menace de compromettre l’effort de guerre M. Obama en Afghanistan, illustre la permanence d’intérêts géopolitiques contradictoires entre les deux pays dans cette région d’Asie du Sud. Si les Etats-Unis demeurent obsédés par Al-Qaida et ses alliés talibans, le Pakistan continue de placer l’Inde, son rival historique, en tête des menaces pesant sur sa sécurité nationale.
Dernier épisode de la chronique d’une relation tourmentée, les autorités d’Islamabad viennent d’opposer une fin de non-recevoir à la requête américaine de démanteler le réseau dit Haqqani - du nom du vétéran du djihad antisoviétique Jalaluddin Haqqani - qui s’attaque aux troupes de l’OTAN en Afghanistan à partir de ses bases du Nord-Waziristan, une des zones tribales pakistanaises le long de la frontière. L’information a été révélée par le New York Times mardi 15 décembre.
Le réseau Haqqani, lié à Al-Qaida et au mouvement taliban afghan tout en préservant sa part d’autonomie, contrôle l’insurrection dans les provinces de l’Est afghan (Paktia, Paktika, Khost) à partir desquelles il commet des attentats-suicides à Kaboul.
Même affaibli par une campagne de tirs de missiles imputés à des drones américains, le réseau Haqqani constitue une menace permanente pour les troupes de l’OTAN déployées dans l’Est afghan. Aussi Washington a-t-il récemment intensifié sa pression sur Islamabad pour que l’armée pakistanaise elle-même le prive de ses bases territoriales du Nord-Waziristan.
La demande a été réitérée avec force avant le discours de M. Obama du 1er décembre, notamment par James Jones, conseiller de M. Obama pour la sécurité, lors d’une visite dans la capitale pakistanaise. Selon le New York Times, le chef d’état-major de l’armée pakistanaise, le général Ashfaq Kayani, a rejeté la proposition américaine, arguant que l’ouverture d’un nouveau front dans le Nord-Waziristan compromettrait les acquis de l’offensive militaire en cours dans le Sud-Waziristan.
Bons et mauvais talibans
Le Waziristan est l’épicentre de l’insurrection djihadiste qui a prospéré ces dernières années dans les zones tribales pakistanaises. Mais il abrite une mosaïque de groupes qui ne partagent pas les mêmes priorités.
Le Nord-Waziristan héberge le réseau Haqqani et le groupe de Gul Bahadur qui focalisent leur combat en Afghanistan et maintiennent de bonnes relations avec le gouvernement d’Islamabad, ce qui leur vaut l’étiquette officieuse de « bons talibans » aux yeux des services secrets pakistanais. Islamabad souhaite conserver cette proximité afin de contrer l’influence indienne croissante en Afghanistan.
Quant au Sud-Waziristan, il était jusqu’à présent le fief du Tehreek-i-taliban Pakistan (TTP) qui avait déclaré la guerre à l’Etat pakistanais lui-même. L’offensive de l’armée pakistanaise, déclenchée à l’automne, vise précisément ces « mauvais talibans » du Sud-Waziristan tout en épargnant les « bons » du Nord-Waziristan, exaspérant les Américains qui demandent à Islamabad de s’attaquer à l’ensemble de la mouvance.
Les officiels américains ont récemment laissé entendre qu’un défaut de participation pakistanaise pourrait entraîner des actions unilatérales de la part de Washington. Selon le site Internet spécialisé The Long War Journal, les zones tribales pakistanaises ont été visées par 84 missiles tirés par des drones américains depuis début 2008.
La campagne s’est intensifiée depuis l’arrivée de M. Obama à la Maison Blanche. Elle pourrait à nouveau monter en puissance avec la mise en œuvre de sa nouvelle stratégie en Afghanistan. A Washington, des militaires réclament l’élargissement du rayon de ces frappes vers Quetta, le chef-lieu de la province pakistanaise du Baloutchistan, où est basé l’état-major du mouvement taliban afghan.
Selon Newsweek, M. Obama aurait rejeté ce scénario, craignant que d’éventuelles victimes civiles dans cette zone urbaine n’alimentent un antiaméricanisme déjà très virulent au Pakistan.
Frédéric Bobin
* Article paru dans le Monde, édition du 17.12.09. LE MONDE | 16.12.09 | 15h19 • Mis à jour le 16.12.09 | 15h19.
Pakistan : 18 morts dans l’explosion d’une voiture piégée sur un marché
Au moins 18 personnes ont été tuées et 35 autres blessées dans l’explosion mardi d’une voiture piégée sur un marché animé de la ville de Dera Ghazi Khan, dans le centre du Pakistan, a indiqué un responsable local du ministère de la santé.
« Au moins 18 personnes sont mortes et environ 35 personnes ont été blessées dans l’explosion au marché Khosa », a déclaré le chef du service de santé de Dera Ghazi Khan. « Nous avons déclaré un état d’urgence, l’hôpital de la ville est submergé par les habitants venus à la recherche de proches. Les secours sont toujours en cours », a-t-il ajouté.
Un précédent bilan faisait état de 12 morts et 25 blessés. Dera Ghazi Khan est située à 500 km au sud-ouest d’Islamabad, la capitale, non loin de la région frontalière avec l’Afghanistan où l’armée combat les talibans alliés à Al-Qaida. Ces derniers sont les principaux responsables d’une vague sans précédent d’attentats qui a fait près de 2 700 morts dans tout le pays ces deux dernières années.
* LEMONDE.FR avec AFP | 15.12.09 | 14h23.
Les Etats-Unis multiplient les frappes de drones sur le Pakistan
Un haut responsable d’Al-Qaida a été tué dans une frappe aérienne dans le nord-ouest du Pakistan, rapporte la chaîne de télévision NBC, citant des responsables américains anonymes. Ces responsables n’ont pas identifié le dirigeant tué, mais ont assuré qu’il ne s’agissait pas d’Oussama Ben Laden, selon la chaîne, qui a précisé, jeudi soir, que la frappe avait eu lieu il y a quelques jours. Ce serait aussi le premier membre d’Al-Qaida tué depuis un an au Pakistan par les Américains.
Retrouvez l’intégralité du Monde en HTML
Selon les responsables cités, cette frappe s’inscrit dans le cadre d’une intensification ces dernières semaines des opérations de l’armée américaine visant Al-Qaida au Pakistan. La frappe a été menée à partir d’un drone.
Les zones tribales du nord-ouest du Pakistan, frontalières avec l’Afghanistan, sont considérées comme le sanctuaire d’Al-Qaida.
Le Pakistan est en proie à une vague sans précédent d’attentats. Ils sont perpétrés pour la plupart par les kamikazes d’un mouvement de talibans allié au réseau d’Oussama Ben Laden, et qui a fait près de deux mille sept cents morts ces deux dernières années.
* LEMONDE.FR avec AFP | 11.12.09 | 10h07 • Mis à jour le 11.12.09 | 10h08.
Arrestation d’étrangers suspectés de préparer des attentats au Pakistan
Après la tuerie sur la base militaire de Fort Hood au Texas et l’arrestation d’un Américain suspecté d’avoir participé à l’organisation des attentats de Bombay, la capture par le Pakistan de cinq étudiants étrangers âgés de 19 à 25 ans venus de la banlieue de Washington et soupçonnés de préparer un attentat inquiète les autorités américaines.
Les enquêteurs pakistanais et des policiers américains admettent, jeudi 10 décembre, interroger six hommes arrêtés dans l’est du Pakistan, dont trois ont la nationalité américaine, et sont soupçonnés d’entretenir des liens avec Al-Qaida. Les six hommes ont été arrêtés mercredi à Sargodha, à 180 km au sud d’Islamabad, dans la maison d’un homme soupçonné d’appartenir au groupe islamiste armé Jaish-e-Mohammad (l’Armée de Mahomet), responsable de plusieurs attentats dans le pays et suspecté d’être derrière l’enlèvement et l’assassinat de Daniel Pearl.
« Cinq étrangers - deux Américains d’origine pakistanaise, un Egyptien, un Ethiopien et un Erythréen - ont été arrêtés », indique, le chef de la police du district de Sargodha. « Nous avons également arrêté Khalid Chaudhry, le père des deux Américains, qui jouit également de la nationalité américaine et est un chef local du Jaish-e-Mohammad », a-t-il ajouté. Les six sont soupçonnés d’entretenir des liens avec Al-Qaida. Un autre officier de police du district, Haseeb Shah, a confirmé les six interpellations et les nationalités des suspects et assuré qu’« une équipe de deux agents du FBI sont arrivés à Sargodha pour les interroger » aux côtés des enquêteurs pakistanais. Les cinq personnes arrêtées résidaient dans cette maison depuis le 30 novembre, selon la police locale, qui a indique disposer d’informations suggérant qu’ils pouvaient préparer un attentat.
* LEMONDE.FR avec AFP et AP | 10.12.09 | 09h31 • Mis à jour le 10.12.09 | 11h02.