Je voudrais m’associer aux hommages qui sont rendus ces jours-ci à Daniel et témoigner à ses proches de ma sympathie très sincère. Comme pour tant d’autres, la rencontre de Daniel fut pour moi décisive, celle de ses livres d’abord, puis de sa personne, bien plus tard. Son intelligence et sa culture, son énergie militante infatigable, son engagement au quotidien, sa modestie et son rayonnement, sa joie de vivre et sa forte parole étaient l’incarnation même de ce marxisme qu’il revendiquait haut et fort. Il va falloir continuer sans lui. Ma peine est immense.
Amitiés,
Isabelle Garo
Cher camarade,
ce mail pour te dire combien je suis moi aussi bouleversé par la disparition si prématurée de Daniel. Etre devenu son ami il y a une vingtaine d’années a été pour moi une expérience marquante. C’est lui qui a fait les premiers pas en m’invitant à la LCR pour venir parler de bioéthique. Et moi, communiste depuis toujours et encore, j’ai fait cette découverte si inattendue : la vraie et profonde amitié pour un trotskiste, en même temps que la grande admiration tant pour son œuvre théorique (Marx l’intempestif, par exemple, quel grand livre !) et pour sa si vive et intelligente militance politique. Il était ce que, dans notre tradition culturelle, on appelle un homme véritable. Sa mort à pas même 64 ans est un effroyable gâchis. Elle nous commande maintes initiatives pour continuer à transmettre ses façons de penser et ses raisons de lutter.
Transmets aux siens, s’il te plaît, l’expression de toute ma sympathie endeuillée. Je serai bien entendu présent dimanche 24 pour l’hommage qui lui sera rendu.
Très cordialement,
Lucien Sève.
Chers camarades,
C’est avec tristesse et émotion que nous avons appris le décès du philosophe et militant Daniel Bensaïd, le mardi 12 janvier à Paris. A cette occasion, je présente mes sincères condoléances et ma solidarité à sa famille, ses proches et ses camarades du NPA au nom de l’ensemble des militants(es) de l’AMF.
Nos luttes pour la défense des droits et de la dignité des travailleurs immigrés depuis les années 70 ont été à la base de rencontres fraternelles pour bon nombre de nos militants avec le camarade Daniel Bensaïd. Nous garderons de lui l’image d’un militant acharné et infatigable, des causes justes et nobles. Le plus bel hommage que nous pouvons lui rendre est de continuer son combat pour la justice, l’égalité, la démocratie, l’émancipation...
Souad Chaouih
Présidente de l’AMF
(Association des Marocains de France)
Daniel est mort. Cette nouvelle nous est tombée dessus comme une fatalité redoutée et elle m’a bouleversé plus encore que ce que j’aurais cru. Je me suis rendu compte qu’il a été une référence et une présence permanentes dans ma vie militante et intellectuelle. Il avait préfacé un de mes livres et nous nous retrouvions de temps à autre autour de divers projets. Mais surtout, j’avais été profondément touché, après ma démission de la Ligue, de son attitude constamment ouverte au dialogue et de sa confiance confirmée. Il m’arrive parfois de dire que ce que nous voulons, c’est une société « gentille » où chacun puisse trouver sa place et les moyens de son propre épanouissement. En ce sens, Daniel était (paradoxalement) un « gentil ».
Michel Husson
Mon cher Pierre,
Pour tous ceux qui furent compagnons lointains ou proches des luttes et des débats que Daniel Bensaïd avait tant contribué à penser et à animer, je ne peux que te dire et dire aux camarades de la LCR d’hier et du NPA d’aujourd’hui mon émotion et ma tristesse de sa disparition.
Daniel était l’homme chaleureux et fraternel, amoureux de la vie, l’intellectuel militant au sens profond des deux mots, cultivé, réfléchi, ouvert et dévoué jusqu’au-delà de lui-même, que nous aimions. Qui aimait lire et citer Pascal autant que Marx, qui a tout fait pour remettre en travail la pensée marxienne et marxiste, pour en réactiver la créativité, pour lui restituer son plein sens, au regard des désillusions et des espérances d’hier et d’aujourd’hui. Il est l’un de ceux – et ils n’ont pas été nombreux – par lequel nous avons redécouvert le chemin perdu.
Daniel était notre camarade, l’un de ceux qui était nôtres, que nous lisions et écoutions, guetteur mélancolique des voies de l’émancipation des hommes. Nous le pleurons. Puisse sa pensée et son courage nous soutenir longtemps, vivre longtemps au-delà de sa vie.
Daniel Hémery
Je suis dans un grande tristesse...
J. Camyléin
J’ai rencontré Daniel Bensaïd la première fois au milieu des années 90. Il était venu animer une réunion publique de la LCR de Lyon, et m’avait ce soir-là fortement impressionné : comme seules notes sur lesquelles baser son exposé, il n’avait qu’un petit papier griffonné de quelques lignes. Aucune désinvolture de sa part : il n’avait nul besoin de bûcher laborieusement ses interventions pour tenir, comme ce soir-là, son auditoire sous le charme de son accent toulousain. Il pouvait rendre passionnants et lumineux les sujets les plus ardus ou rébarbatifs en leur donnant un souffle épique irrésistible.
Le souvenir que je conserverai de Daniel n’est pas seulement celui d’un philosophe et d’un militant d’une incomparable intégrité, mais aussi d’un tribun et d’un conteur hors pair. Il va beaucoup me manquer.
Lilian Mathieu
Quelques mots sur Daniel Bensaïd
Je garde de Daniel, en ces tristes moments, le souvenir ému de l’échange que nous avions eu un matin de 2008 dans un petit café proche de la place de la République. Je venais, avec quelques collègues et amis, de publier une tribune témoignant de notre intérêt pour le projet du NPA. Nous avions alors discuté de la relance de Contretemps et de ce qui deviendrait la société Louise Michel, puis échangé des vues sur nos projets et travaux respectifs. Nous avions surtout évoqué le renouveau de l’engagement des intellectuels critiques, ses formes inédites et parfois ambivalentes, notamment dans la jeune génération, et plus largement l’avenir du combat pour la justice sociale en France, en Europe et dans le monde. Les propos de Daniel furent lumineux, amicaux, dénués de tout paternalisme et de toute arrière-pensée, à mille lieu des sectarismes ou des dogmatismes qui sont souvent prêtés, non sans quelques raisons, aux intellectuels de la gauche radicale.
Frédéric Lebaron, sociologue
Et puis il n’y avait pas que tout ça dans sa vie. Ses cavalières, et ses concurrents à distance, j’en suis sûr, s’en souviennent, de ces soirs de relâche, endiablés, à la salle de la maquette à Rouge : Daniel, au rock’n’roll, était de première force.
Semperay
Daniel Bensaïd nous a quittés
Le Collectif « Ne laissons pas faire ! » salue la mémoire du camarade
Daniel Bensaïd dont nous venons d’apprendre la mort trop précoce. Sa
disparition vient interrompre une vie de militant révolutionnaire,
d’intellectuel marxiste, d’internationaliste en actes.
La solidarité avec les militants frappés par la répression a aussi
marqué l’engagement de Daniel Bensaïd, et nos camarades d’Action
directe ont pu le voir s’investir en première ligne dans la campagne
pour leur libération.
Depuis la première pétition lancée par notre Collectif en 1999 jusqu’à
ces dernières semaines, Daniel Bensaïd a toujours répondu présent pour
élargir ce combat, pour en expliquer les enjeux politiques, pour
refuser que soit brisé le lien d’une histoire commune.
Daniel Bensaïd s’exprimait avec force sur la démocratie, sur la
violence des classes dominantes et sur la lutte armée ; il refusait de
renoncer aux principes qui étaient les siens depuis ses débuts dans la
lutte révolutionnaire. Et selon lui, les militants d’Action directe
appartenaient "au même ensemble de ce qui s’est fait dans la diversité
de ces années 60-70-80« . Daniel Bensaïd ne dénonçait pas seulement »l’état d’exception judiciaire" qui frappait les prisonniers d’Action
directe, il nous aidait aussi à analyser cette exigence de repentance
adressée au « parti des vaincus », repentance qui était pour lui "une
notion théologique, l’exigence d’abjurer, une manière de dépolitiser
le débat". Il reliait ce chantage fait aux prisonniers
révolutionnaires à la logique de la "guerre préventive contre le
terrorisme« , qu’il voyait dériver »vers une guerre morale traitant
l’adversaire comme une incarnation du mal".
Quand les militants d’Action directe seront enfin tous libérés, et
longtemps après, nous nous souviendrons du soutien fraternel du
camarade Daniel Bensaïd.
Le Collectif « Ne laissons pas faire ! »
Paris, le 12 janvier 2010
Daniel, tu n’es plus, je/ nous, anonymes, inconnus y pensons sans cesse. Difficile de dire mon/notre chagrin sans tomber dans la guimauve narcissique pour se grandir un peu en se plaçant sur la photo à tes côtés, sans louer savamment tes œuvres (in)complètes ou glisser dans le récit d’une vie militante édifiante pour ne pas dire limitante.
Dans l’hommage que tu rendis à Jacques Hassoun, tu as dit « il fait partie de ces quelques humains qui contribuent à donner de notre humble espèce une idée qui la rehausse au bénéfice de tous. ». Je/nous ne pouvons que te retourner le compliment.
Il me/nous faudrait sans doute une quatrième personne pour dire combien tu me/nous manques. Une quatrième personne qui les contiendrait toutes : un Je qui s’autorise du Nous et de tes deux genoux de cycliste ; la part d’insolence du Tu de Toulouse mordant la vie à pleines dents ; le Il astral de Blanqui et le Elle rebelle de Jeanne ; le Nous sans majesté de toutes les solidarités ; le Vous du respect sans soumission ; le Ils et le Elles des fidélités à toutes(s) les opprimées(és).
Jusqu’à tes obsèques discrètes, sans cortège militant, sans drapeaux rouges claquant au vent, sans chants sublimes de la vieille garde, tu auras mis tes mots en accord avec tes actes. Ta modestie n’était pas feinte, tu es parti par la porte de derrière, me/nous frustrant de « la nostalgie du grand homme » et de la complaisance des enterrements. Dans un dernier clin d’œil ironique, tu me/nous invites à garder ma/notre admiration « pour les rebelles anonymes et pour les héros ordinaires de la résistance à l’irrésistible ».
Ps. Ici et maintenant, il me/nous reste à redonner le Sens du regret en te dédiant ce fragment de Nouvelle Jeunesse de Pier Paolo Pasolini.
On ne peut revenir en arrière ? Vérité toute bête.
Je regarde derrière moi, et je pleure
[...] Je pleure un monde mort.
Pourtant, moi qui le pleure, je ne suis pas mort.
Si nous voulons aller de l’avant, il nous faut pleurer
le temps qui ne reviendra plus et dire non
à cette réalité qui nous a enfermés
dans sa prison…
Ce sont les riches qui l’ont bâtie : c’est-à-dire
les ennemis de classe.
Extrait de « Sens du regret » de Pier Paolo Pasolini dans « Nouvelle Jeunesse »
Philippe Valls
Vous le savez, cher Samuel Johsua, Daniel Bensaïd était un ami. Le mien, comme de beaucoup d’autres, depuis que j’ai fait sa connaissance (et c’est à cet ami que j’ai d’abord pensé depuis sa disparition, observant le silence). Celui de Lignes aussi, pour les mêmes raisons, bien sûr, et pour d’autres aussi, politiques, philosophiques. Lignes (revue) à laquelle il a régulièrement collaboré depuis 1993 ; Lignes (éditions), auxquelles il a donné plusieurs livres récents : Les Fragments mécréants (2005) ; Un nouveau théologien : Bernard-Henri Lévy (2008) ; 1968 : fins et suites (en collaboration avec Alain Krivine) (2008) ; et Penser, Agir (2008).
Penser et agir, à égale distance l’un de l’autre, tenant, avec rigueur, que la pensée ne pouvait le céder à l’action et l’action à la pensée : voilà ce qui lui était le plus propre – en tout cas n’était propre à personne autant qu’à lui ces vingt dernières années. Et qui le rendait irremplaçable. Irremplaçable au moment précisément où la possibilité de penser de nouveau, et à nouveaux frais, le communisme se présente à nous, se présente à tous. Tous nous savons quelle part il a prise à cette possibilité ; une part considérable. Qu’il nous laisse. Qu’il nous va falloir continuer sans lui, chacun à sa place et à sa façon ; mais tous privés de sa culture politique exceptionnelle ; de son courage et de sa ténacité ; de sa mélancolie et de sa gaîté.
Auprès de qui dire quelle perte il constitue pour nous ? Auprès de vous et de ceux pour qui il en représente une aussi grande.
Avec amitié.
Michel Surya
J’avais déjà envoyé un tout petit mot à Samuel juste après la mort de Daniel Bensaïd. Je l’enrichis d’une
simple anecdote. Mardi dernier, j’étais dans me métro, j’allais vers République, je devais aller à un cartel de psychanalystes, je lisais un séminaire de Lacan, je craignais d’être en retard, j’ai demandé à ma voisine, une jeune femme , trente ans grand maximum ; l’heure. Elle a comme toujours ou presque maintenant exhibé son portable. J’ai plaisanté sur le fait qu’il avait remplacé la montre, elle m’a dit qu’elle n’en portait pas, ne les aimait pas, ni n’aimait avoir l’heure sur elle, ce qui n’est pas la même chose, nous avons bavardé là-dessus et sur le changement anthropologique qu’induit le portable. Elle m’a fait remarquer que « beaucoup de grands philosophes » en parlaient, à la télévision, je lui ai rétorqué qu’à mon avis les grands philosophes ne passaient guère à la télévision mais qu’au moins deux bons livres étaient parus sur la question...bref. elle est passée du coq à l’âne, si j’ose dire, brusquement, et m’a déclaré à brûle-pourpoint qu’un « grand philosophe » venait de mourir. Je lui ai demandé qui ? Elle m’a cité le nom de Daniel Bendaïd. Alors, je lui ai demandé ce qu’elle faisait. elle m’a répondu qu’elle travaillait dans la presse, qu’elle y montait des projets sur les mouvements en cours. Quelle presse ? La Vie, m’a-t-elle répondu. Je lui ai dit que dans mon enfance, c’était la Vie catholique. Elle m’a dit avoir rencontré, entendu, avec bonheur, Daniel Bensaîd trois ou quatre fois. Nous sommes descendus à République. Je me suis dit que Bensa aurait été content de voir qu’une très jeune femme, très probablement catholique, le tînt pour un grand philosophe, et soit tout à fait à l’heure pour ce qui est de l’heure de sa mort, et de la vivacité de sa pensée. Je suis parti discuter sur la jouissance et les formules de la sexuation dans « Encore ». Bon, je n’ai pas lu loin de là tout ce que Daniel Bensaïd a écrit, et je m’en réjouis, ça me laisse du bon pain sur la planche. Il était un grand représentant, avec quelques autres de ce courant paradoxal du marxisme français, à la fois messianique et mécréant, romantique et matérialiste, plein d’espoir et recru de lucidité et de désillusions, imperméable à la résignation Je n’avais pas trop aimé son Marx intempestif, trop copié-collé à mon goût et trop sévère avec le marxisme analytique de l’époque. Mais depuis, les « no bullshit marxists » de l’époque se sont rangés à la gauche de Rawls, et sur son terrain. Pas Bensaïd, et je tiens ce trait intraitable pour de la fermeté, pas de la rigidité. Je ne sais pas où ça mène, mais je sais que c’est une ressource
(intellectuelle) durable.
Jacques Hoarau
« On ne pense, ni n’agit jamais entièrement seul » : dans l’article paru dans l’Huma, Arnaud Spire évoque le respect qu’avait Daniel Bensaïd pour « l’école de modestie qu’est le militantisme ». En 1993 il fut notre candidat aux élections législatives, puis membre de la section Paris 20e de la LCR. Il n’avait jamais rompu le lien avec le militantisme au quotidien, répondant presque toujours présent à nos sollicitations pour animer un débat ou une réunion publique, donnant un coup de main pour des diffusions de tracts, participant à la vie démocratique interne de l’organisation. Lors des Municipales de 2001 et 2008, son nom figurait sur nos listes, en position pas vraiment éligible, il faut bien le dire ... Tout a été dit ces derniers jours sur les tâches politiques, théoriques, éditoriales assurées par notre camarade presque jusqu’à la fin. L’audience et le respect qu’il avait acquis le conduisaient à se déplacer dans le monde entier ; mais c’est dans le 20e qu’il venait prendre part aux débats de congrès, et c’est dans le 20e qu’il a participé, sur le terrain, à la construction du NPA. Notre peine est à la mesure de cette histoire commune.
Section Paris 20e du NPA