Condoléances
C’est avec une profonde tristesse que nous avons appris la disparition de Daniel Bensaïd.
Nous perdons un grand philosophe et un militant indéfectible pour les causes de l’égalité la démocratie en France, au Maghreb et dans le monde.
Daniel a été de toutes les luttes sociales en France, pour les droits des immigrés, ceux des sans papiers, contre le racisme.
Il a toujours été aux côtés de la lutte du peuple palestinien pour le rétablissement de ses droits, de la démocratie et les droits de l’ Homme en Tunisie, en Algérie, son pays natal, et dans tout le Maghreb.
Les militants de l’immigration en France et les militants des droits de l’Homme au Maghreb viennent de perdre en Daniel un grand ami et un grand soutien.
A ses proche, à sa famille politique et à ses amis nous présentons nos condoléances au nom de tous les membres et adhérents des associations de la FTCR.
Pour la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des Deux Rives (FTCR)
Mouhieddine CHERBIB
Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP)
Chers camarades,
C’est avec beaucoup de tristesse que nous avons appris le décès du
penseur, philosophe, révolutionnaire et militant internationaliste, notre
camarade, Daniel Bensaid.
Le FPLP, sa direction et l’ensemble de ses organisations sociales,
syndicales, étudiantes et politiques, présentent leurs condoléances les
plus profondes et les plus sincères à sa famille, à ses amis et aux
camarades du NPA. Jamais nous n’oublierons un tel militant qui a toujours
défendu ses principes, que ce soit derrière les barricades en mai 1968 ou
face aux intellectuels du capitalisme et du colonialisme. Nous sommes
enfin particulièrement honorés par ses positions constantes en défense de
la libération de la Palestine et face au projet colonialiste sioniste.
En gardant vivant le souvenir de nos camarades qui ont consacré leurs vies
à la réalisation de la justice et de la liberté, nous poursuivons la
lutte.
Bureau politique du FPLP
Chères camarades, chers camarades,
le décès de notre camarade Daniel Bensaid est une nouvelle très triste.
La Quatrième Internationale et la NPA ont perdu un militant particulièr.
Jusqu’ au bout il est resté fidèle à ses convictions révolutionnaires et
internationalistes.
Bensa reste vivant dans notre mémoire. Salut Daniel !
Bureau du RSB/ IVéme Internationale
Tim, Wolfgang
Mannheim, 20.01.10
Revolutionär Sozialistischer Bund /Sektion der IV. Internationale in
Deutschland
Daniel Bensaïd est mort
Salut camarade Bensa. Un ami de la Chine
C’est avec un grand regret que j’apprends le décés de notre camarade et ami Daniel Bensaïd. On perd aujourd’hui un grand homme, un ami, une part de nous même s’en est allé avec lui. j’ai eu l’occasion de le rencontrer à l’université d’été où j’ai eu l’immense plaisir de faire une conférence OUTRE MER à ses côtés. J’ai eu l’impression de l’avoir toujours connu, c’est sur des regrets que mes camarades ainsi que moi-même du NPAR (nouveau parti anticapitaliste réunionnais) vous présentons nos condoléances les plus sincères, à toute sa famille, ses amis mais aussi à l’ensemble du NPA métropolitain.
Nathalie DOMPY
PORTE PAROLE DU NPAR (nouveau parti anticapilste réunionnais)
Je tiens à faire parvenir mes sincères condoléances à la famille, aux camarades et aux amis de Daniel.
Je pleure sa disparition mais je réaffirme ma conviction que ses idées sont toujours vivantes et que nous continuerons à vivre et à combattre avec elles.
Aldo Casas, ancien dirigeant du PST et du MAS d’Argentine, actuellement membre du comité de rédacion d’Herramienta et militant du Front populaire Darío Santillán
« Ils traitent de fanatique celui qui a des conviction inébranlables, sans se soucier de savoir si ces convictions ont été acquises par l’expérience et après une profonde réflexion ou si ces idées sont irrationnelles et teintées de paranoïa. » Extrait d’une lettre d’Erich Fromm, à propos du Journal d’exil de Trotsky.
Chers ami-es du NPA,
Ainsi était Daniel. Un militant aux convictions inébranlables qui a dédié sa vie à l’émancipation de l’humanité. Un intellectuel fructueux qui, dans les heures les plus noires et compliquées de la réaction néolibérale qui ont emporté la majorité des intellectuels de gauche, a su rester ferme et créatif.
Un militant solidaire du peuple basque et de sa classe ouvrière dans la période la plus difficile de la dictature franquiste et aussi dans des situations de luttes particulières et politiques.
Et toujours un ami pour nous tous.
C’est ainsi que nous nous souviendrons de lui.
Nos plus sincères condoléances à son parti, le NPA et à tous ceux que nous avons rencontré dans le passé comme militants internationalistes.
Joxe Iriarte, BIKILA
Nous apprenons la mort de Daniel Bensaïd et nous voulons vous exprimer notre énorme tristesse et le vide que laisse le départ de notre camarade. Certains d’entre nous l’ont connu personnellement dans la vie militante, d’autres indirectement par ses livres et ses écrits, mais nous savons tous que sa vie a été un énorme apport à la pensée et à la lutte pour une société sans classe et sans oppression et nous ressentons tous sa perte comme celle d’un frère de combat.
Ses écrits nous resterons toujours, comme tout ce que nous avons appris de lui et de son effort pour aider à faire devenir réelle une société des égaux. Cet effort est incarné aujourd’hui par d’autres générations de militants qui continueront sa tâche.
Révolution, socialisme et liberté.
Javier Aguilera, Antonio Arnau, Manolo Colomer, José Coy, Anna Gabarró, Antonio Gil, Pedro Jimenez, Manolo Monereo, Juan Montero, Pedro Montes, Carmen Murias, Mª Dolores Nieto, Gumer Pardo, Diosdado Toledano
Daniel Bensaïd est mort dans la matinée du 12 janvier.
Nous perdons un camarade militant révolutionnaire qui a fait de nombreuses contributions originales au marxisme.
Daniel est né à Toulouse il y a 64 ans. Il fut un militant connu du Mai 68 français. Le premier livre de lui que nous avons publié, écrit avec Henri Weber, fut justement sur Mai 68. Un essai que nous avons nous-mêmes traduit, dactylographié et imprimé en 1977.
Avec son militantisme commencé dans les années 1960, Daniel a apporté une contribution décisive permettant de faire le lien entre la génération du difficile combat révolutionnaire anti-stalinien et les nouvelle générations qui luttent pour le socialisme.
Daniel fut un des fondateurs de la Ligue communiste révolutionnaire en France puis du NPA. Il fut un dirigeant fondamental de la Quatrième internationale, un de ses penseurs les plus fins. Dans les années 1990, déjà malade, sa production théorique a été impressionnante, à travers des livres et des essais dont beaucoup ont été traduits et publiés au Brésil dont Marx l’intempestif en 1999.
Au passage du nouveau siècle, avec la venue du mouvement altermondialiste, il s’est engagé avec une énergie renouvelée dans la participation aux Forums sociaux mondiaux.
Daniel fut un collaborateur assidu dans les débats pour la formation de notre mouvement au Brésil, surtout dans les années 1980. Nous lui sommes reconnaissants de sa contribution à notre construction. Nos relations étaient faites d’amitié, de respect et d’affection, même dans les moments difficiles de 2005, quand nous avons publiquement eu des divergences sur les perspectives du PT et quand notre dialogue, qui avait été si fécond, fut interrompu.
Nous partageons avec le militantisme révolutionnaire de Daniel les mêmes valeurs de démocratie socialiste, une identification toujours renouvelée avec la lutte des opprimés et des exploités du monde entier, un internationalisme fortement convaincu qu’aujourd’hui, plus que jamais, la période historique est au dépassement du capitalisme.
Dans son livre sur sa trajectoire militante, Une lente impatience, Daniel consacre un chapitre à son expérience brésilienne. Avec une grande sensibilité, avec une admiration pour la musique de Chico Buarque et Milton Nascimento, il commence et termine en citant une poésie du poète brésilien Carlos Drummond de Andrade, qui peut bien résumer tout son combat militant : Oh vida futura ! Nós te criaremos ! « Oh vie future ! Nous te créerons ! »
Notre hommage à Daniel Bensaïd est un hommage à la révolte, un hommage à la révolution !
São Paulo, le 12 janvier 2010.
Democracia Socialista-tendence du PT
Chers camarades,
Jao vient de m’apprendre la mauvaise nouvelle, la mort de votre grand camarade Daniel Bensaïd. Nous partageons avec vous ces moments de douleur inévitables qui arrivent quand la nature devient irrémédiablement implacable. Comme Jao me l’a demandé, j’ai rédigé une note d’information à l’attention de tout l’exécutif de notre parti. Mais pour ce qui me concerne, je ne peux en rester là et je dois ajouter quelques mots car des souvenirs me reviennent.
Je me souviens de notre jeunesse militante, quand Daniel était responsable de la création de la Jeunesse communiste révolutionnaire en 1966, cette organisation audacieuse qui a été si importante pour l’implantation du marxisme révolutionnaire en France et qui permit l’énorme bond en avant que fut la création de la LCR en 1969. Je me souviens de la phrase ou d’un titre écrit par Daniel à propos de Lénine qui était « des bonds, des bonds, des bonds » car effectivement ce fut un grand bond de votre courant et de tout notre mouvement.
Je me souviens aussi de son séjour en Argentine au début des années 1970. Nous l’avons connu grâce à Jebrac et si nous avons polémiqué sur nos divergences, je ne peux oublier la conviction révolutionnaire qu’il nous a transmis à ce moment.
Enfin, nous nous sommes plus tard retrouvés et nous avons déjeuné ensemble au premier FSM de Porto Alegre, avec Olivier et Roberto Robaina. Je me souviens qu’il nous posa alors à peu près les questions suivantes : « Combien de temps allez-vous rester dans le PT ? Avez-vous pensé à avoir une autre stratégie ? ». Nous eûmes effectivement une autre stratégie peu de temps après et l’on peut dire que Daniel nous a aidé à ce moment là grâce à ses questions.
Salutations chaleureuses et fraternelles
Pedro Fuentes
Secrétaire des relations internationales du PSOL
Daniel Bensaïd n’est déjà pas entre nous,
il était de ce type d’hommes à auxquels se référait Bertolt Brecht...
Il y a des hommes qui luttent un jour et sont bons
Il y a des hommes qui luttent une année et sont meilleurs
Il y a des hommes qui luttent beaucoup d’années et sont très bons
Mais il y a des hommes qui luttent toute la vie et ils sont indispensables
Depuis que Daniel Bensaïd est devenu conciente il a lutté toute sa vie, jusqu’à la fin. Son testament politique et philosophique est celui-là ; nous continuerons à lutter parce qu’ il est nécessaire, parce qu’il est absolument indispensable.
Socialistiska Partiet
Suède
A la direction nationale du NPA
Au secrétariat de la Quatrième internationale (ex Secrétariat unifié).
Chers camarades,
Au nom de mon organisation, le Parti communiste des travailleurs (section italienne de la Coordination pour la refondation de la Quatrième internationale), je vous exprime nos plus sincères condoléances pour la disparition du camarade Daniel Bensaïd.
J’ai connu Daniel il y a environ quarante ans, en 1969, et je l’ai revu en de nombreuses occasions depuis, en particulier à la fin des années 1980 et au début des années 1990, quand nous militions dans votre organisation internationale.
J’ai toujours apprécié, en plus de sa capacité intellectuelle et politique, sa grande humanité, sympathie et son respect des positions d’autrui,même, si celles ci étaient très distantes de siennes, comme c’est le cas pour moi.
J’ai apprécié cela de la première fois où je je l’ai rencontré jusqu’à la dernière, où j’ai eu le plaisir de parler avec lui, comme toujours très amicalement, il y a un an, à une manifestation à Paris contre l’agression sioniste de Gaza.
C’est une grande et triste perte.
J’ajoute aux miennes, les condoléances personnelles de mon ami et camarade Marco Ferrando, qui a également eu l’occasion de connaître et d’apprécier Daniel.
Franco Grisolia
Nous avons appris hier la mort du camarade Daniel Bensaïd.
Sa disparition nous fait souffrir et nous nous souvenons de son rôle courageux, intelligent et dirigeant en mai 1968 ainsi qu’au moins deux de ses livres que nous avons pu lire en espagnol.
Son militantisme et son œuvre font partie de ce que nous avons de meilleur, nous les révolutionnaires.
Je vous prie de présenter à sa famille, à ses amis et à ses camarades nos condoléances, notre solidarité et notre affection.
Cuauhtémoc Ruiz
Pour le Parti ouvrier socialiste. México, 13 janvier 2010.
Daneil Bensaïd est mort
Nous avons reçu aujourd’hui la triste nouvelle de la mort du camarade Daniel Bensaïd, gravement malade depuis des mois. Dans ces derniers moments militants, Daniel a été une personnalité fondamentale pour la création du NPA en France avec lequel le PSOL construit et veut continuer à construire une intense collaboration.
Nous avons, comme d’autres militants du PSOL, connu Daniel, nous avons partagé le même chemin et un engagement commun durant des années de lutte militante pour le socialisme.
Daniel a été un militant révolutionnaire depuis son adolescence. Il a créé en 1966 la Jeunesse communiste révolutionnaire. Il fut un des principaux acteurs du grand mouvement français qui a secoué le monde en 1968. Il s’est engagé dans toutes les combats internationalistes. Il fut également un des principaux dirigeants de la LCR et de la IVe internationale. Comme militant, il fut l’auteur d’une vaste et profonde œuvre qui comprend plus de 30 livres en français. Professeur à l’Université de Paris, il ne s’est jamais laissé aller à la fameuse arrogance académique, et il a combiné toute sa vie la théorie et la pratique.
En cette période pleine de difficultés et en même temps de possibilités pour les classes exploitées et opprimées, nous ressentons la perte d’un grand combattant. Mais son œuvre restera avec nous ainsi que son histoire militante. Quand quelqu’un d’important disparaît, le meilleur hommage, le meilleur acte mémoriel que nous pouvons faire est d’utiliser son œuvre et son histoire et d’en apprendre les leçons.
Daniel, repose en paix, ton œuvre a été « intempestive » et elle continuera à vivre, non seulement dans le militantisme du NPA mais aussi dans celui du PSOL et de beaucoup de militants pleins d’abnégation qui, dispersés dans le monde, résistent et luttent pour un nouveau monde socialiste.
Heloísa Helena, présidente du PSOL
Pedro Fuentes, Secrétaire des relations internationales
Cher Michael,
C’est avec une très grande tristesse que nous apprenons la mort de Daniel. En mon nom et en celui des camarades de DS et Du PT, nous souhaitons que tu transmettes aux camarades de la Ligue et du SU nos sentiments de profonde tristesse.
Nous avons beaucoup appris du camarade Daniel lors de ses visites au Brésil.
Une embrassade fraternelle à tous.
Raul Pont
Messages aussi de : Solidarité pour une Alternative Socialiste (Maroc), Fracción Trotskista - Cuarta Internacional, Groupe Révolution Socialiste (GRS - Martinique), A Manca (Corse), Socialist Democracy (Australie), Voix Démocratique (Maroc), Marx 21 (Allemagne), Antikapitalistische Linke (Allemagne), Sozialistische Linke (Allemagne)...
Susan Caldwell, Eric Toussaint, Margarita, Maria Isabel, Francisco Louçã, Farooq Tariq, João Machado, Eduardo Lucita, Claudio Katz, Chris Den Hond, Sandra Invernizzi, Denis Horman, Ataulfo Riera, Guy Van Sinoy, Daniel Tanuro, Thomas Weyts, Jan Willems, Andrzej Zebrowski, Christian Castillo, Juan Chingo, Paolo Persichetti, Javier Aguilera, Antonio Arnau, Manolo Colomer, José Coy, Anna Gabarró, Pedro Jimenez, Manolo Monereo, Juan Montero, Pedro Montes, Carmen Murias, Mª Dolores Nieto, Céline Caudron, Olivier Bonfond, Camille Chalmers...
Figure emblématique de la gauche , le défunt avait présenté l’un de ses ouvrages à Casablanca : Hommage à Daniel Bensaïd
Par Jean Zaganiaris
Gravement malade depuis plusieurs mois, Daniel Bensaïd est décédé le 12 janvier 2010. Il y a deux ans, cette figure
emblématique de la gauche anticapitaliste était venue présenter Eloge de la politique
profane, l’un de ses
derniers ouvrages, à l’Institut français de Casablanca. Ayant
toujours admiré la nature de ses travaux et les ayant régulièrement cités dans les miens, j’avais été convié pour discuter du livre de Daniel Bensaïd. Voilà le texte de
présentation ainsi que la retranscription de cette séance.
« Pendant que certains, à la fin des années quatre vingt dix, fêtaient la mort du marxisme sans se soucier des cadavres bien réels que produit le capitalisme chaque jour, Daniel Bensaïd insistait sur le sourire du spectre de Marx qui regarde notre monde en se marrant de la naïveté des discours antimarxistes et qui prépare son retour. Dans l’un de ses derniers livres Eloge de la politique profane, publié chez Albin Michel, le philosophe nous montre qu’il faut continuer le combat contre la démocratie de marché en essayant de repenser ce qu’est la politique, ou plus précisément ce qu’est la conceptualité politique. Il est urgent de réfléchir sur l’édification d’un lexique politique dans un contexte où les horreurs du libéralisme économique sont bien présentes et où l’Etat d’exception permanent menace les libertés et les acquis sociaux.
Comment les catégories politiques ont été affectées par les processus historiques, par les spatialités et les temporalités qu’elles traversent ? Cette question traverse l’œuvre de Daniel Bensaïd comme un fil directeur. Dans Eloge de la politique profane, il montre que des mots tels que « citoyenneté », « souveraineté », « peuple », « guerre », ont subi des brouillages importants depuis leur édification au cours du XVIIe siècle. Les guerres globales du XXe siècle ont introduit une nouvelle conception du droit qui légitime notamment la torture même si les textes internationaux l’interdisent. Reprenant les thèses de Hannah Arendt avec un regard critique, Daniel Bensaïd plaide pour que la politique ne disparaisse pas du monde, comme semblent le suggérer les thèses de Toni Negri et de Michael Hardt qui sont très critiquées dans le livre. D’où l’éloge de cette politique profane chère à Marx, affirmant que même si nous ne sommes pas des professionnels de la politique, il faut néanmoins essayer d’y prendre part, quelle que soit la forme choisie. Sinon, ce sont ceux qui décident politiquement pour nous qui imposeront leurs points de vue, comme on l’a vu lors de la guerre en Irak ou bien lors de la mise en place des politiques d’immigration en Europe. A ce niveau, l’ouvrage entreprend un dialogue fructueux avec les idées de certains penseurs importants, proches des idées de mai 68. Parfois, l’on pourrait croire qu’il existerait certaines affinités électives, pour parler comme Michaël Löwy, entre l’attachement de Daniel Bensaïd à Marx, à Benjamin, à ce marxisme antistalinien et antipositiviste, et la pensée de Deleuze ou de Foucault.
L’idée de « recommencer par le milieu », attribuée par Daniel Bensaïd à Deleuze, semble aller en ce sens puisque la citation tronquée fait symbiose avec la pensée historique de Walter Benjamin. Mais les remarques critiques à propos du « devenir » ou bien concernant l’absence de stratégie politique chez Deleuze contredise cette hypothèse. Daniel Bensaïd voit plutôt une « sourde affinité » entre la pensée d’Arendt, de Benjamin et celle de Carl Schmitt. Reprenant les critiques de ce dernier à l’égard de l’humanisme, Daniel Bensaïd s’en prend à juste titre aux idées de « guerre juste », « de guerre éthique », de « guerre juste mondialisée ».
Or, à aucun moment dans le livre, « l’humanisme » ne fait partie des catégories politiques à repenser. Daniel Bensaïd insiste beaucoup sur le pluralisme politique, notamment prôné par Trotski, qui doit être opposé au pluralisme non politique d’un John Holloway, d’un Negri, voire d’un Deleuze. Toutefois, au nom de quoi, au nom de quelle légitimé, y compris profane, on va rassembler autour de ce projet alternatif commun, voire de cette lutte à mener, contre le despotisme du capitalisme ? C’est à ce niveau que les idées de Schmitt, fasciné par Lénine, peuvent être très dangereuses si on les relit au marxisme.
Peut-être que des affinités, des symbioses avec les contre-pouvoirs moléculaires prônés par Deleuze et Guattari peuvent être plus précieuses pour penser l’émancipation, notamment par rapport à leur mise en garde contre les transcendances arbitraires de type décisionniste, contre les apories de toute théologie politique. La force de la pensée deleuzienne est d’avoir prôné des modes d’émancipation immanents en dehors de tout communautarisme identitaire qui brise des destins, instaure culpabilité, ressentiment, mépris de soi de ne pas être conforme et adéquat aux normes que peuvent parfois instaurer ces médiations dont le but est de passer des particularités à l’universalisme.
Toutefois ces remarques critiques ont pour but de discuter et mettre en valeur la qualité de l’ouvrage ainsi que la thématique choisie. En effet, la politique ne doit pas être évacuée des problématiques concernant l’émancipation des êtres mais aussi des consciences. »
Suite à ma note introductive, Daniel Bensaïd avait présenté les grandes thèses livres, écrit dans le contexte de l’avènement de Nicolas Sarkozy au pouvoir. Il avait insisté sur la privatisation du monde, qui le vide de ses enjeux, qui donne l’impression que la politique ne peut rien contre le despotisme des marchés. Le marché n’est pas un fétiche autonome qui nous domine et agit tout seul. De plus, cet apogée du capitalisme ne signifie pas un monde libre. Au contraire, cela peut même s’opposer à la démocratie. Un monde où il y a un brouillage entre ce qui relève de la norme et ce qui relève de l’état d’exception est un monde dangereux car il s’agit d’un monde sans règle, sans lois, sans protection. Daniel Bensaïd en avait profité pour dire toute l’antipathie qu’il avait à l’égard de Schmitt, qui avait pactisé avec les nazis, mais qu’en même temps il avait trouvé dans ses idées quelque chose pour analyser aujourd’hui ce qui se passe au niveau politique. Du coup, ma remarque au sujet de l’humanisme a attiré la réponse suivante : « Il y a un problème quand on fait de l’humanisme une humanité muette ; on part faire la guerre en Irak au nom de l’humanité ; l’humanité est un horizon mais pas un acteur politique ; quand il l’est cela pose problème…Tout comme cela pose problème de dire qu’on est le porte-parole d’une humanité muette au nom de qui on décide des lois à imposer ».
Daniel Bensaïd avait ensuite répliqué qu’il jugeait discutable des formes de résistances qui se limitaient à n’être rien d’autre que des postures esthétiques. Pour lui, la politique s’inscrit dans un rapport de force et travaille dans l’incertain, au risque de se tromper. Dès lors, l’incertain implique également la responsabilité.
Pour finir, Daniel Bensaïd avait réagi aux thèses de Toni Negri, refusant l’idée proposée par le philosophe italien d’un espace national dissout dans la mondialisation et qui créerait un espace symbolique où la multitude organise sa résistance contre l’Empire. Sur Deleuze, il n’avait rien dit. Tout est dans le livre. Puis peut-être avait-il aussi voulu me faire un peu plaisir en ne m’embarquant pas dans ce débat-là, moi qui suis parfois tellement deleuzien. Daniel Bensaïd était un militant engagé, un penseur critique et radical, un intellectuel au sens le plus noble du terme mais aussi un homme d’une gentillesse rare, ouvert et disponible. Je garde en mémoire le lendemain matin, lorsque nous nous sommes retrouvés à l’hôtel Balima de Rabat avec sa compagne et aussi Souad Guennoun, militante à ATTAC Casa et artiste, pour une bonne balade à la médina. Le ciel était d’un bleu magnifique, avec quelques rares nuages blancs presque translucides. Nous avions marché jusqu’à la mer, en parlant de tout et de rien, de choses et d’autres, de la vie et du reste…
Jean Zaganiaris
* Paru dans « Libération » (Maroc). Lundi 18 Janvier 2010 :
— http://www.libe.ma/Figure-emblematique-de-la-gauche-,-le-defunt-avait-presente-l-un-de-ses-ouvrages-a-Casablanca-Hommage-a-Daniel-Bensaid_a8258.html
* Jean Zaganiaris, auteur de « Penser l’obscurantisme aujourd’hui », éditions Afrique Orient, 2009.
Daniel Bensaïd ou la lente impatience
par Hugues Le Paige
« On ne pense pas seul » aimait à dire Daniel Bensaïd. Et « dans un collectif, on est comptable de sa parole. On peut changer d’analyse ou d’opinion mais il faut toujours expliquer pourquoi dans l’échange », ajoutait-il. Daniel Bensaïd philosophe et infatigable militant trotskyste est mort la semaine dernière à l’âge de 63 ans. De la JCR en 1968 au NPA d’Olivier Besancenot dont il fut l’un des pères politique aux côtés de son inséparable complice Alain Krivine, en passant par la LCR ( Ligue Communiste Révolutionnaire ) qu’il cofonda, Bensaïd était une figure incontournable de la IVe Internationale et du trotskysme français dont il fut le plus brillant des porte-paroles. Pour cet intellectuel curieux et chaleureux, pour cet acteur-penseur rigoureux et convivial, la pratique et la théorie étaient inséparables. Durant un demi-siècle, au travers d’une saga de l’extrême gauche hérissée de quelques bonheurs et de heurts fréquents, il n’a jamais renié la radicalité de son engagement. On lira ailleurs des bilans critiques sur son action proprement politique. Je voudrais seulement retenir ici quelques apports essentiels de cette personnalité attachante tant sur le plan personnel qu’intellectuel.
Il y a d’abord une très belle définition de la politique dans un petit –et très dense- ouvrage « Eloge de la résistance à l’air du temps », entretien avec Philippe Petit, paru en 1999 dans la stimulante collection Textuel (Conversations pour demain). Dans cette période difficile où la politique est vilipendée et méprisée, Bensaïd rappelle qu’ « il ne s’agit pas seulement de penser mais de faire la politique » et que celle-ci « est aussi et peut-être d’abord, un art du conflit, une organisation du rapport social conflictuel dans l’espace et dans le temps. Un art de faire bouger les choses (de modifier les rapports de forces) et de briser la ligne du temps. On rejoint ici, ajoute-t-il, l’art du possible entendu, non au sens possibiliste d’un réalisme gestionnaire, mais au sens d’un choix nécessairement conflictuel entre plusieurs avenirs ou plusieurs futurs ouverts ». [1] On aurait pu inscrire la phrase au fronton de notre revue « Politique ».
Marx et les autres
Au plus fort de la vague ultralibérale des années 80/90, le philosophe Bensaïd se replonge dans Marx. En 1995, il publie son « Marx l’intempestif. Grandeurs et misères d’une aventure critique » [2], le premier ouvrage d’une série fertile. « Le temps était donc venu, écrit-il dans son autobiographie personnelle et intellectuelle [3], de s’armer de lente impatience, [4] d’expertiser les fondations, et de (re) lire Marx. (…) De le relire, non pour effectuer un nième retour, mais pour lui rester fidèle en apprenant à lui résister. Non pour opposer l’original authentique à ses contrefaçons, mais pour briser la gangue qui emprisonne la pluralité de ses paroles, et libérer les « mille marxismes » des orthodoxies tyranniques. » « Rester et fidèle » et « résister » : ce double mouvement est une constante de la pensée chez Bensaïd qui ajoutait – on était en 2004-, « il fallait pour cela soumettre l’héritage à l’épreuve d’un monde qui s’émiette à mesure qu’il se mondialise, des nouvelles dominations impériales et des identités ambiguës, des défis écologiques et bioéthiques, de la démocratie participative à l’heure de la révolution communicationnelle. » Quelles que soient les critiques que l’on puisse exercer à l’encontre, notamment, de la stratégie du NPA, jusqu’au bout, sur le fond, Daniel Bensaïd s’inspirera de ces lignes. Mais Marx n’est pas l’unique objet de ses préoccupations et de ses inclinations. Bensaïd est un philosophe littéraire qui étudie Blanqui et Walter Benjamin [5], qui lit attentivement et cite souvent Musset, Proust, Valéry et Péguy et qui se passionne pour l’insoumission de Jeanne d’Arc. [6]. Des lectures et des écrits que l’on ne devait pas fréquenter tous les jours parmi les dirigeants de la IVe Internationale…Mais Bensaïd s’en explique bien : « Moi la révolution - consacrée à la révolution française - [7], Jeanne de guerre lasse, Walter Benjamin, sentinelle messianique, semblaient éloignés de Marx, écrit-il dans sa « Lente Impatience » [8] . Il s’agissait – les dates en témoignent- d’un cheminement parallèle, pour mieux revenir à la question du communisme, par le chemin buissonnier des hérésies, par le détour de la rationalité messianique, par le sentier escarpé d’une logique de l’événement ». Ce retour sur Marx et « les chemins buissonniers » qu’il emprunte constitueront une des périodes les plus fécondes de son œuvre que l’on doit aussi qualifier de littéraire. Et puis il y a cette découverte, relativement tardive de la complicité avec Derrida. La semaine dernière dans « Le Monde », Jean Birnbaum rappelait qu’« en janvier 2001, alors qu’il était encore maître de conférences à l’université Paris-VIII, Daniel Bensaïd avait soutenu son habilitation à diriger des recherches en philosophie. Souriant, d’une voix à laquelle son accent du Sud-Ouest donnait une intonation joueuse, il avait exposé les étapes de son itinéraire intellectuel, comme le veut l’usage. A la fin de son intervention, le philosophe Jacques Derrida (1930-2004), qui faisait partie du jury, prit la parole. Il releva l’insistance d’un motif : celui du « rendez-vous ». Quand vous parlez révolution, lui fit-il remarquer en substance, vous faites comme si les militants avaient un « rendez-vous » avec elle ; or, ajouta-t-il, l’événement authentique, en tant qu’il est imprévisible, exclut toute rencontre assurée... » [9]
Les marranes et la fidelité
Toujours dans cette passionnante autobiographie, Bensaïd revient à Derrida à propos des marranes et du « marranisme ». Les marranes est l’appellation que les Espagnols donnent au XVe siècle aux Juifs forcés de se convertir au christianisme mais qui secrètement n’abjureront pas. « Ce qui fascine, dans la figure du marrane imaginaire, écrit Bensaïd, c’est sa double identité sans duplicité, son dédoublement sans déchirure, le passage d’un monde et d’une époque à l’autre. (…) Rejoignant Derrida, Bensaïd estime que « cette dialectique de l’infidèle fidélité s’oppose à tout fantasme de pureté et à toute clôture communautaire, à toute intégrité et à tout intégrisme. Peut-être, conclut le philosophe/militant révolutionnaire, le marranisme politique conduit-il ainsi à une issue, entre les paniques identitaires et la diversité sans différence du cosmopolitisme marchand. A un internationalisme réinventé » [10] Quelle voie royale pour une révolution non dogmatique, a-t-on envie de dire à la lecture de ces mots. Et pour réitérer sa démarche d’ajouter : « Patient, le marrane est aussi impatient. Avec lenteur. Il joue sur la durée ». Vous aurez compris que pour approcher et/ou approfondir Daniel Bensaïd, il faut absolument lire sa « Lente impatience ». Y compris et grâce à ses propres contradictions, on approche de la richesse d’une pensée libre dans une écriture qui nourrit le plaisir littéraire. En introduction de cet ouvrage, Bensaïd s’interroge avec méfiance sur la notion de fidélité et il dit là le sens-même de son autobiographie : « La fidélité a un passé. Il n’est jamais certain qu’elle ait un avenir. Bien des amis, lassés sans doute d’avoir souvent dû brosser l’histoire à contre-poil, ont fait la paix avec l’ordre insoutenable des choses. Qu’elle était mélancolique, la fidélité désenchantée des quarante-huitards de L’Education sentimentale ! « Rester fidèle à ce que l’on fût », c’est être fidèle à la déchirure de l’événement et à l’instant de vérité, où ce qui est ordinairement invisible se révèle soudain. C’est ne pas céder à l’injonction des vainqueurs, ne pas se rendre à leur victoire, ne pas rentrer dans le rang. Au contraire de l’attachement canin à un passé flétri, c’est être « fidèle aux rendez-vous », amoureux, politiques ou historiques. » [11] Pour ces lignes – et quelques autres- que soit remercié Daniel Bensaïd.
Hugues Le Paige
* Billet posté en Belgique le mercredi 20 janvier à 09:58 sur le blog-notes d’Hugues Le Paige :
http://blogs.politique.eu.org/hugueslepaige/20100120_daniel_bensaid_ou_la.html