• Services publics. Les services d’intérêt général (SIG) sont exclus du champ d’application de la directive, mais celle-ci s’applique aux services d’intérêt économique général (SIEG). Or, on sait que cette distinction ne tient pas, de l’aveu même de la Commission, qui s’est déclarée incapable « d’établir a priori une liste définitive de tous les services d’intérêt général devant être considérés comme non économiques ». Cependant, la nouvelle version exclut clairement de son champ plusieurs services : logements sociaux, services sociaux, services liés à l’enfance et à la famille, services financiers, soins de santé, traitement des déchets et services des eaux, jeux d’argent et... activités sportives (en amateur).
• Droit du travail. La directive précise bien qu’elle ne s’applique ni au droit du travail, ni à la Sécurité sociale. Mais elle ouvre la porte au contournement de ces principes par le biais des « faux indépendants » : les « travailleurs indépendants » ne sont pas couverts, et la directive prend le soin de préciser qu’une « personne physique » peut être considérée comme « prestataire ».
• Principe du pays d’origine (PPO). L’expression disparaît de la directive, mais elle est remplacée par le principe de « libre prestation de services », selon lequel « les États membres respectent le droit des prestataires de services de fournir un service dans un État membre autre que celui dans lequel ils sont établis. L’État membre dans lequel le service est fourni garantit le libre accès à l’activité de service ainsi que son libre exercice sur son territoire » . La claire affirmation de la primauté du droit du pays de destination a été rejetée au Parlement. De plus, la directive s’applique « sans préjudice du droit international privé », ce qui revient à réintroduire, par la bande, la possibilité de contrats fondés sur le droit du pays d’origine.
• Contrôle des entreprises. Ce n’est plus le pays d’origine mais celui de destination qui est chargé de ce contrôle, et les interdictions de contrôle initiales sont formellement réduites. Mais le régime d’autorisation change peu par rapport à la directive initiale, et tous les contournements restent possibles : une entreprise française pourra toujours créer une filiale dans un pays nouvel entrant, qui pourra ensuite intervenir en France.
La philosophie profonde de la directive n’est donc pas entamée, comme le montre ce considérant : « Les dispositions en matière de procédures administratives ne visent pas à l’harmonisation de ces dernières mais ont pour objectif de supprimer les régimes d’autorisation, les procédures et les formalités. » Contre l’harmonisation, la directive choisit la voie de la concurrence qui ne peut conduire à autre chose qu’à la régression généralisée. En pratique, le droit du travail pourra être contourné, la possibilité d’un contrôle réel des entreprises n’est pas assurée, le droit s’appliquant lors de la prestation de services n’est pas clairement défini, et le champ d’activité de la directive inclut une partie des services publics.
La tactique suivie est extrêmement pernicieuse. Elle ne consiste pas tant à codifier une libéralisation aboutie - au grand dam des ultralibéraux qui ne l’ont pas votée -, mais plutôt à installer un vide juridique. Celui-ci ne pourra être éclairci que par la jurisprudence de la Cour de justice, qui tranchera évidemment dans un sens libéral. Ce mécanisme infernal est profondément antidémocratique, puisqu’il dessaisit l’institution parlementaire de son rôle théorique de législateur. Les aménagements cosmétiques apportés à la directive ne rompent pas avec une méthode de construction européenne qui s’en remet aveuglément aux lois du marché. C’est pourquoi son rejet total est plus que jamais à l’ordre du jour.
• Cet article emprunte beaucoup à une contribution de Pierre Khalfa : http://hussonet.free.fr/pkbolk.pdf ou http://www.europe-solidaire.org/article.php3?id_article=1554: