Le 23 octobre 2008, après plusieurs semaines de doute et de rumeurs, la direction de Villemur/Tarn annonce la fermeture du site, programmée pour le mois de juin 2009.
En effet, depuis des mois, le climat au sein dans l’entreprise n’était pas au beau fixe, les pires rumeurs circulaient sans que la direction ne les démente, ce qui était un signe que quelque chose de grave se préparait.
Le jour de l’annonce, c’était un jeudi, c’est un énorme coup de massue qui tombe sur l’ensemble des salariés. Même si la plupart s’attendaient à une mauvaise nouvelle, se retrouver maintenant devant le fait accompli avec l’annonce de la fermeture totale a fait l’effet d’une bombe. Il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour qu’un des responsables européens de Molex, présent pour l’occasion, se fasse lyncher quand il a annoncé les raisons de cette fermeture, raisons économiques qui n’ont jamais été démontrées. Des raisons économiques d’autant plus incompréhensibles que 2 mois auparavant, Molex félicitait l’ensemble des salariés de Villemur pour les résultats de l’année précédente. Car, en effet, le site de Villemur dégageait de gros bénéfices, et nous apprendrons au mois de Mai 2009 par l’expertise comptable indépendante dont peuvent bénéficier les représentants des salariés lors d’un plan social en France, que Villemur était le site le plus profitable de la division automobile du groupe Molex…
La réaction immédiate des salariés, ce fut le réflexe de vouloir partir avec le maximum d’argent et le plus rapidement possible.
En effet, partir avec un pécule, c’est bien et c’est une compensation pour le préjudice subi.
Mais quelles que soient les compensations financières, il n’en reste pas moins que c’est la perte de 283 emplois et la disparition d’une entreprise que Molex avait racheté à « prix d’ami » en 2004 à SNECMA (Aéronautique), entreprise d’Etat à l’époque (rachat dans lequel de nombreuses personnalités politiques du gouvernement Sarkozy avaient été indirectement impliquées…), la disparition d’un savoir faire dans un bassin d’emploi sinistré, la perte d’une usine où des générations entières se sont succédés.
L’annonce de la fermeture a indigné toute la classe politique locale ainsi que les pouvoirs publics, et de nombreuses solidarités avec des élus locaux se sont rapidement mises en place, pour tout faire pour sauvegarder ce site industriel dont les compétences sont indéniables, et reconnues au sein même des constructeurs comme PSA qui a classé le site en 2e position de son classement interne des meilleurs fournisseurs. 2e, car notre direction a été incapable de montrer un projet industriel à long terme pour le site, et pour cause, puisque Molex préparait sa fermeture...
C’est pour tout cela qu’il est venu naturellement aux salariés de se battre pour défendre leur usine. Nous aurons utilisé toutes les possibilités légales et juridiques à notre disposition, nous aurons défendu bec et ongle ce site industriel que la racaille de la finance mondiale a pillé.
Nous avons pu constater dès le début du conflit tout le cynisme de ces patrons voyous : nous avons pu prouver que la procédure légale d’information du Comité d’Entreprise n’a pas été respectée dès le mois de Novembre 2008, et avons découvert tout au long de la lutte de nombreuses autres preuves. C’est d’ailleurs l’une d’entre elles qui déclenchera la séquestration de 2 de nos dirigeants pendant 26 heures en Avril 2009 : nous avons découvert que Molex avait « cloné » nos productions aux Etats-Unis sans nous en informer, et que PSA (Peugeot-Citroën) était au courant.
Molex sera condamné 4 fois en 11 mois :
– Février 2009 : Molex ne veut pas fournir les documents pour l’expertise comptable en se couvrant derrière des lois fédérales américaines. Molex sera condamné, mais ne donnera jamais l’ensemble des documents demandés.
– Mai 2009 : Molex sera condamné a suspendre la procédure du plan social, pour la recommencer en justifiant les raisons économiques. Molex représentera les mêmes raisons.
– Août 2009 : après un mois de grève, déclenchée le 7 juillet suite à un ras-le-bol de l’attitude de la direction qui ne voulait rien négocier et pour également faire pression sur la classe politique française, afin qu’elle intervienne pour sauvegarder l’usine, la direction rompt les négociations avec les représentants des salariés le 04 Août 2009. C’est ce qui déclenchera une pluie d’œufs sur 2 des dirigeants de l’entreprise, un acte que la direction jugera « violent » et qui en profitera pour interdire l’accès du site aux salariés par des dizaines de vigiles pour raison de sécurité.
Le lendemain, les salariés décident de reprendre le travail et donc arrête la grève, mais le site reste inaccessible, la milice privée de Molex interdit toujours aux salariés de travailler !
Mais en France, pour fermer un site, il faut demander l’autorisation à un juge. C’est ce que Molex se verra refuser 2 jours plus tard : le site doit rouvrir !
Le site ne rouvrira jamais…
Molex considère les salariés comme grévistes et ne veut pas payer les salaires alors que c’est eux qui nous empêchent de travailler !
C’est ce qui donnera la 4e condamnation en Septembre. Mais c’était une condamnation qui interviendra trop tard : 65% des salariés ont jeté l’éponge et ont décidé que les représentants des salariés devaient accepter le plan social. Puisque après 2 mois sans salaire, après avoir subi un chantage intolérable de la part de nos patrons voyous qui ont exigé l’acceptation du plan social, pour que les salaires soient payés, et que pour des indemnités de licenciement soient versés après avoir subi un chantage du gouvernement Français pour que 20 emplois soient sauvés contre l’acceptation du plan social de Molex au 15 Septembre, c’était trop pour eux.
Alors oui, nous avons perdu une bataille sur nos emplois, une bataille perdu d’avance face à un gouvernement Sarkozy qui œuvre avec ces mêmes financiers qui nous ont mis à la porte.
Mais les salariés ne partent pas non plus les mains vides, car parallèlement, notre plan social est quand même largement au-dessus de la moyenne nationale (avec 62 000 euros d’indemnités de départ en moyenne, et 9 mois de salaires à 100% pour le reclassement).
Mais il est clair que notre lutte pour la sauvegarde de notre emploi a montré ses limites.
Et pourtant, le conflit Molex aura suscité beaucoup d’espoir chez de nombreux salariés en lutte et citoyens, mais il nous aura manqué un relais politique fort et unitaire en opposition à la politique ultra-libérale de Sarkozy. Ce relais politique, nous avons tout fait pour le solliciter, et ils ont été nombreux à venir défiler devant la porte de l’usine. Même le secrétaire général de la CGT est venu chez Molex à 2 reprises. (Bernard Thibault qui est d’ailleurs très contesté aujourd’hui dans les bases syndicales radicales à l’approche de sa réélection en décembre prochain. La stratégie réformiste de syndicalisme d’accompagnement de la confédération CGT est très critiquée…).
Mais les forces politiques de gauche n’ont pas été capables de s’unifier d’une même voix pour demander la réquisition de cette entreprise. Et pourtant, chacun de son côté et à sa manière, avait, à un moment donné parlé de « la mise sous séquestre », « la mise sous tutelle », ou de « réquisition », mais jamais ensemble pour peser dans la balance.
De notre côté, nous avons peut-être manqué quelque chose. Mais en même temps, quand on voit que le gouvernement Français a été incapable de faire respecter les décisions de justices, on se demande réellement ce que nous aurions pu faire.
Le gouvernement Sarkozy aura beaucoup gesticulé sur Molex, mais il n’aura jamais eu la réelle volonté de sauvegarder ce site. En revanche, pour gaver d’argent public le fond d’investissement à risque (HIG Capital) qui reprend 20 emplois du site, le gouvernement aura trouvé 6,6 millions d’euros à leur donner.
Mais qui va devoir payer l’addition au final ?