Voici un rapport personnel sur mes relations avec le nouveau mouvement syndical démocratique et indépendant en Palestine.
Je suis allé pour la première fois en Palestine en août 2002, par solidarité, juste après la ré-invasion israélienne de la Cisjordanie.
A cette occasion j’ai commencé à tisser des liens avec la section de la PGFTU (Fédération Générale des Syndicats de Palestine) de Ramallah. Ils avaient récemment connu une très forte augmentation de la syndicalisation, car on distribuait une aide alimentaire et financière ainsi qu’une couverture médicale, financées par des pays arabes, par l’intermédiaire de la PGFTU. Arafat voulait utiliser cette organisation contrôlée par le Fatah.
Le Secrétaire de Ramallah était favorable à des élections internes au syndicat. En 2004 la Conférence des syndicats a adopté cette orientation. Celle-ci n’a jamais été mise en œuvre et ils ont continué leur politique de distribution de sièges aux organisations politiques, en particulier au Fatah.
J’ai animé à Ramallah des ateliers sur la démocratie syndicale. Une militante de Unison a également animé un atelier sur la démocratie pour les femmes. Ils étaient adressés aux membres de la PGFTU appartenant au FIDE (parti baasiste). Je suis intervenu sur les Conseils Ouvriers et autres formes de démocratie, et les deux jours de formation ont eu un grand succès.
Le Secrétaire de Ramallah, membre d’un Exécutif de 8 personnes, a continué d’argumenter en faveur de la mise en application de la résolution sur les élections, et d’aller à l’affrontement avec le secrétaire général Chahir Sahed. Il a été par la suite démis de ses fonctions syndicales et exclu de son syndicat.
Entretemps nous avons assisté au développement des Nouveaux Syndicats, parrainés par le Centre pour la Démocratie et les Droits des Travailleurs (DWRC).
Ils ont commencé par de l’aide aux travailleurs lors de procès contre des employeurs israéliens. Ils ont ensuite aidé des travailleurs en Palestine, contre leurs employeurs, et à la suite de cela des Comités se sont formés sur les lieux de travail.
Ces Comités ont ensuite commencé à se structurer pout former des syndicats de branche, dans le secteur de la santé, le secteur bancaire, etc.
C’est à cette époque que j’ai rencontré plusieurs de ces Comités et discuté avec un certain nombre d’entre eux lors de la période de leur création.
Un petit nombre de syndicats indépendants existait déjà comme par exemple les Maîtres de Conférences et Ouvriers d’Université et le Syndicats des Enseignants.
Le plus gros problème pour les travailleurs palestiniens était que les fédérations syndicales existantes, y compris la PGFTU, ne faisaient rien. Elles étaient contrôlées par le Fatah et étaient ainsi des courroies de transmission du gouvernement.
Les nouveaux Syndicats ont eu une courte période pendant laquelle ils étaient forts à Gaza, mais la destruction de l’industrie les a grandement affaibli.
L’ex secrétaire de la PGFTU a rejoint le Syndicat des Travailleurs Sans Emploi, qui est important, en particulier à Hébron.
De nombreuses grèves ont été organisées par les nouveaux Syndicats Démocratiques Indépendants qui, parce qu’ils n’étaient pas contrôlés par un parti, pouvaient combattre le gouvernement.
Ces grèves se sont répandues avec l’élection du gouvernement du Hamas, parce que le boycott de l’Union Européenne impliquait un manque d’argent pour les enseignants, etc. Une longue grève du secteur hospitalier s’est déclenchée sur le non-paiement des salaires.
Il y avait beaucoup d’autres problèmes pour les travailleurs, par exemple ceux du secteur bancaire, qui comme beaucoup d’autres étaient payés en dinars jordaniens, monnaie qui a subi une dépréciation par rapport au shekel. Or ils devaient payer leurs factures en shekels. La hausse du coût de la vie, et d’autres problèmes comme le temps perdu aux checkpoints, ont tous déclenché des luttes.
Ces nouveaux syndicats se sont regroupés en 2007 pour former une Fédération des Syndicats Démocratiques Indépendants. Je suis intervenu au congrès de fondation de la Fédération à Ramallah.
Même après l’éviction du Hamas du gouvernement de la Cisjordanie, les luttes se sont poursuivies. L’année dernière il y eut une énorme grève des enseignants. J’avais pris la parole à leur principal meeting, mais ce qui était significatif c’était que tous les dirigeants des partis politiques du Conseil Législatif Palestinien l’ont également fait, y compris le Fatah. Et ceci malgré le fait que le ministre de l’Education de Abbas avait qualifié la grève d’illégale.
Cela tend à montrer le peu de soutien pour ce gouvernement non démocratique.
Nous devons donc décider de notre attitude vis-à-vis de ces nouveaux syndicats.
Il faut mettre à leur crédit le fait que ce sont les seuls à mener des grèves, ils organisent des élections au moins tous les 2 ans, ils ont en leur sein des membres de tous les partis politiques mais ne sont pas contrôlés par l’un d’entre eux. Ils sont surtout présents dans les secteurs d’activité mais ils ont aussi avec eux le Syndicat des Travailleurs Sans Emploi et les travailleurs hospitaliers les plus mal payés.
Le problème est qu’ils ont été formés principalement avec l’aide d’une ONG. Mais le principal problème pour nous en ce qui concerne le travail de création de lien et de solidarité est qu’ils n’appartiennent à aucune fédération internationale, donc la TUC, la CGT, etc… n’auront rien à faire avec eux.
Mais le fait que la PGFTU ne fasse rien ne nous laisse pas le choix.
Nous devrions garder nos relations avec la PGFTU parce qu’un changement de circonstances pourrait créer de grands changements à l’intérieur de cette fédération.
Si au sein du mouvement de solidarité internationale l’élection a forcé les organisations à ne pas uniquement faire ce que dit le Fatah, il en va de même pour les syndicats.
Tony Richardson