En 2009, le Brésil a concédé un prêt au Fond Monétaire International, fait qui peut paraître incroyable. Parmi les 100 principales multinationales, 14 sont brésiliennes.
Certaines entreprises ont misé presque exclusivement sur les marchés étrangers : c’est le cas de Embraer (Empresa Brasileira de Aeronautica), dont 98% des ventes sont réalisées en dehors du Brésil. Mais la compagnie minière Vale et Petrobas elles-mêmes ne plaisantent pas, présentes dans des dizaines de pays et capables désormais de supporter la concurrence avec ce qui reste des « sept sœurs ».
Lors de l’arrivée de Lula à la présidence, d’importants secteurs des marchés financiers redoutaient qu’il puisse interrompre le rattrapage économique qui se dessinait après la crise de 2000-2001. Ils se trompaient. Aujourd’hui, le Brésil est l’une des économies émergeantes favorites des investisseurs, et il a même dû introduire un minimum de contrôles sur les mouvements de capitaux, craignant l’explosion d’une bulle financière.
Ces succès ont un prix : la productivité moyenne du pays (à l’exception des entreprises de pointe visant la conquête des marchés mondiaux) est insuffisante, le système judiciaire mauvais et non fonctionnel, le système scolaire inadéquat. Les investissements pour la recherche et le développement sont au-dessous de la moyenne des pays émergeants. Mais la principale faiblesse du pays (qui, par ailleurs, explique l’intérêt des investisseurs étrangers…) réside dans le fait qu’il s’est limité à mettre en place des plans sociaux comme la Bolsa Familia, et n’a pas été capable d’éliminer les inégalités et la pauvreté.
Des tensions sociales dangereuses
Et les tensions commencent à se manifester : le Mouvement des travailleurs sans terre (MST) est en train de se radicaliser en échappant parfois au contrôle de ses organisateurs. En décembre 2009, par exemple, des centaines de familles exaspérées ont envahi la plus grande productrice mondiale de jus d’orange, Cutrale, en extirpant 12’000 orangers (en réalité une bagatelle pour une entreprise de plus de 300’000 hectares) et en détruisant des édifices, des tracteurs, etc. L’intention était de rappeler à Lula ses promesses (manquées) de réforme agraire. En résulta l’évacuation des occupants suite à une intervention musclée de la police et une campagne forcenée de l’opposition contre le gouvernement. Un signal d’alarme pour Lula. Le chef du cabinet de la présidence a déclaré que les actes de vandalisme « ne constituent pas une menace pour la société et ont des causes qui doivent être comprises ». D’autre part, Cutrale a été dénoncée à plusieurs reprises pour la violation de nombreuses lois.
Qu’en sera-t-il du PT ?
Même s’il n’y aura pas de condamnations, le problème est constitué par la prochaine échéance électorale. L’appui du MST a été déterminant pour l’élection de Lula, mais les promesses n’ont pas été maintenues. Selon les techniciens gouvernementaux – intéressés surtout au développement d’énormes entreprises d’exportation, possiblement de produits transgéniques – les réformes revendiquées par les Sem Terra ne seraient pas « compatibles » avec les critères modernes de l’agriculture.
Frei Betto lui-même a dénoncé le fait que les dirigeants du PT exaltent aujourd’hui l’agrobusiness et oublient la réforme agraire, tandis que 31 millions de brésiliens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Un des sous-produits de ces injustices, dit-il, est « la violence qui sème la terreur dans nos villes ». Dans ce contexte, l’issue des élections présidentielles d’octobre est tout sauf décidée pour un PT usé par les scissions.
Antonio Moscato