A l’occasion des élections régionales, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) a choisi d’afficher sa différence sur la scène politico-médiatique en présentant et en soutenant une candidate qui porte le foulard.
Nous prenons acte de l’évolution idéologique du NPA et de son glissement de la religion, opium du peuple, vers le voile libérateur de la femme musulmane. Qu’Ilham Moussaid soit en recherche spirituelle, c’est son droit. Que des partis de gauche, défendant autrefois les droits des femmes dans le sens du progrès, en viennent à considérer le droit de se voiler comme un « progrès » est pour nous inacceptable.
Que des femmes, responsables politiques se réclamant d’Europe Ecologie et des Verts, volent au secours du NPA, cela nous interpelle.
Ilham Moussaid assure que, si elle est élue, elle n’enlèvera pas son foulard, prenant pour alibi : « L’abbé Pierre a bien siégé en soutane à l’Assemblée nationale. » Certes, mais c’était il y a plus d’un demi-siècle et dans un contexte de ségrégation des femmes que nous ne voulons pas revivre, même dans les quartiers populaires. Depuis, les femmes et les mouvements féministes ont mené des luttes importantes pour l’égalité des femmes et des hommes, et se libérer du poids des religions sur leur vie.
Nous refusons l’immixtion de toute religion, quelle qu’elle soit dans une institution publique. Aussi, nous ne pouvons l’accepter d’une personne qui revendique le droit d’être candidate et élue, simplement parce qu’elle est issue de quartiers populaires et s’affirme « laïque », tout en portant un foulard, affichant ainsi ses convictions religieuses.
Rappelons au NPA et à ses soutiens :
– que des femmes et des féministes laïques et démocrates, en Algérie, en Iran, en Afghanistan et dans des pays sous loi islamique, risquent leur vie chaque jour en s’opposant à la contrainte du port du voile ;
– que la majorité des musulmanes en France ne portent pas le foulard, résistent face à leur famille et à l’environnement social pour ne pas le porter et font de leur religion une affaire privée.
Nous savons que, dans les quartiers populaires, il y a des offensives contre la mixité, contre l’égalité des femmes et des hommes, offensives qui visent à faire régresser le statut des femmes.
Nous le savons, le port du foulard n’est pas anodin dans les quartiers où la République a relégué les populations issues de l’immigration. Afficher qu’il est la norme pour les femmes musulmanes est une insulte à celles qui le refusent. Prétendre être un parti luttant contre le sexisme tout en se faisant représenter par une femme portant le foulard est une imposture.
Les jeunes filles et les femmes qui subissent les pressions sociales sous l’influence des intégristes attendent de nous solidarité et soutien dans leur combat pour ne pas être assignées au port du foulard.
Dans le contexte actuel, les femmes sont les premières concernées par les crises économiques, sociales et environnementales. Elles sont toujours victimes du système patriarcal et de la domination masculine, et les premières touchées par les intégrismes religieux qui n’ont de cesse de les extraire de l’espace public.
Elles méritent mieux qu’une polémique autour du foulard !
Les élections régionales doivent être l’occasion d’un vrai débat et d’avancer des propositions pour que ces quartiers populaires cessent d’être des territoires abandonnés de la République et pour que les femmes cessent d’y être doublement pénalisées, en tant que femmes et de par leurs origines.
Le programme d’Europe Ecologie présente des propositions à la fois pour lutter contre les violences faites aux femmes, pour développer une culture de l’égalité entre les hommes et les femmes, mais aussi pour lutter contre les inégalités entre les territoires.
Il s’agit bien de mettre en place des politiques publiques qui instaureront les conditions du mieux vivre et du vivre ensemble indispensables à l’exercice de la démocratie.
Militant(e)s des Verts ou candidat(e)s sur les listes Europe Ecologie, nous agissons sur le terrain des luttes féministes depuis des années, travaillant avec des associations de femmes, de jeunes filles et jeunes garçons des quartiers populaires. Nous agissons aussi dans les luttes contre le racisme, les luttes anticoloniales et pour l’égalité des droits.
Féministes, écologistes et laïques, nous refusons de nous laisser intimider par des accusations de racisme ou de « retour de l’inconscient colonial » portées contre les progressistes qui résistent à la banalisation du foulard. Nous réaffirmons notre attachement au maintien des institutions républicaines, ce qui suppose de ne pas afficher de convictions religieuses, quelles qu’elles soient.
Monique Dental est candidate Europe Ecologie Ile-de-France, responsable d’une association féministe
Ziad Goudjil est éducateur, candidat Europe Ecologie Ile-de-France
Michèle Loup est conseillère régionale Ile-de-France, Les Verts, mission Egalité femmes/hommes
Arlette Zilberg est responsable de la commission féminisme des Verts, membre du secrétariat exécutif régional en charge de l’égalité.
* LEMONDE.FR | 26.02.10 | 16h53 • Mis à jour le 26.02.10 | 16h54.
Pour Ilham Moussaïd
Nous pensions que le « grand débat » sur l’identité nationale allait s’achever après les déclarations du Premier ministre, en clôture du séminaire gouvernemental, lundi 8 février. Cela ressemblait en effet à un enterrement.
Nous étions soulagées et espérions ne plus entendre ce flot de dérapages verbaux auquel nous avions assisté, qui n’étaient au fond que l’explicitation d’une logique xénophobe au sommet de l’Etat à l’approche des élections régionales.
Nous avons été bien naïves. En fait, ce débat a échappé aux apprentis sorciers gouvernementaux : il a ouvert la porte à la manifestation d’un inconscient colonial, où s’expriment les peurs d’un racisme latent.
La France a changé, et le visage qu’elle dévoile déplaît et heurte, notamment ceux qui nous dirigent.
C’est ainsi que nous interprétons les attaques dont est victime Ilham Moussaïd, jeune femme, étudiante et militante du groupe local d’Avignon de NPA, dont elle assure par ailleurs la trésorerie. De nombreux responsables politiques, de droite ou de gauche, y sont allés de leur condamnation, certains y voyant même un coup électoral, alors même que le débat sur l’identité nationale n’a eu de cesse de stigmatiser l’islam et sa pratique et de désigner les français musulmans comme étrangers au corps national. Il y a mieux comme calcul électoraliste.
Contre Ilham Moussaïd, l’argument est rôdé, imparable et toujours le même : tout le monde sait mieux que celle qui le porte ce que dit le foulard. En l’occurrence, tout le monde fait dire au foulard ce qu’Ilham, qui le porte, ne dit pas. Ce que dit cette jeune femme ne semble guère intéresser d’ailleurs tous ceux qui la condamnent. En fait, ce qu’elle exprime n’a pas droit de cité. Elle est accusée de vouloir dire ce qu’elle récuse.
Nous ne voterons pas NPA aux prochaines élections régionales mais tenons à affirmer notre soutien à Ilham Moussaïd.
Nous avons lu ses déclarations et ne mettons pas en doute son engagement féministe.
Devant la violence des attaques, nous estimons que le NPA a raison d’assumer d’avoir ouvert sa liste à cette militante.
Nous considérons que l’on peut être à la fois croyante et laïque, et que l’on peut s’appeler Ilham Moussaïd et être une militante anticapitaliste et féministe. Nous affirmons qu’elle a, comme nous, le droit de se présenter au suffrage des électeurs et n’avons pas de raison d’exiger qu’elle montre patte blanche pour être candidate. Que les choses soient claires : nous nous réjouissons que cette jeune citoyenne ait choisi l’engagement politique dans un pays où les femmes y sont toujours sous-représentées.
Karima Delli, Deputée européenne – Europe Ecologie/Les Verts
Véronique Dubarry, adjointe au Maire de Paris – Les Verts
Anne Souyris, membre de la direction des Verts, Conseillère régionale d’Ile-de-France
Emmanuelle Cosse, journaliste
Caroline Mecary, avocate, sont candidates Europe Ecologie en Ile de France
Les trois dernières sont candidates Europe Ecologie en Ile-de-France.
* Tribune parue dans Le Monde.fr le 19 février 2010.