Berlin Correspondante
Depuis plusieurs semaines, pas une journée ne s’écoule en Allemagne sans la révélation d’une nouvelle affaire d’abus sexuel dans un établissement scolaire, la plupart concernant des écoles catholiques. Le gouvernement allemand a décidé d’agir. Il organise, le 23 avril, une table ronde réunissant des représentants des Eglises, d’organisations de jeunesse, d’établissements scolaires et de l’Etat pour réfléchir à des mesures de prévention.
Selon la ministre de la justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger (FDP), le Vatican a entravé les enquêtes sur les abus sexuels dans les établissements scolaires catholiques. « Il y a eu dans beaucoup d’écoles une sorte de mur du silence », a-t-elle déploré au micro de la radio publique Deutschlandfunk. Elle accuse une directive de la Congrégation pour la doctrine de la foi, datant de 2001, qui soumet les cas les plus graves au secret pontifical. Cette lettre aux évêques émanait du cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, aujourd’hui le pape Benoît XVI.
« Des propos absurdes », a rétorqué Stephan Ackermann, évêque de Trèves et chargé par la conférence épiscopale allemande d’élucider ces affaires d’abus sexuels. Il fait valoir que, dans « la pratique », l’Eglise catholique saisit la justice.
Plusieurs responsables politiques, à l’instar de la ministre fédérale de l’éducation Annette Schavan (CDU), souhaitent prolonger les délais de prescription, actuellement de vingt ans au maximum à compter du 18e anniversaire d’une victime. « D’après notre expérience, il arrive souvent qu’un abus ne soit révélé que de nombreuses années plus tard », a-t-elle déclaré sur la chaîne de télévision ZDF.
En revanche, pour la ministre de la justice, la discussion devrait uniquement porter sur les abus commis au sein d’établissements catholiques, avec pour objectif le versement d’éventuels dédommagements aux victimes.
Depuis la révélation, fin janvier, d’une série d’abus sexuels commis entre 1975 et 1983 dans le collège berlinois Canisius tenu par des jésuites, les accusations se multiplient contre les écoles religieuses de renom. Dans le lycée bénédictin d’Ettal, en Bavière, une centaine d’élèves auraient été victimes de sévices infligés pendant des décennies par une dizaine de prêtres. Or ce prestigieux établissement dépend du diocèse de Munich, où officiait le pape Benoît XVI en tant qu’archevêque de Munich et Freising de 1977 à 1982. "La question est de savoir s’il était au courant à l’époque et comment il a réagi, et s’il a agi, souligne Christian Weisner, du mouvement laïque Nous sommes l’Eglise.
Peines de prison
Il y a une semaine, c’était au tour du célèbre choeur des petits chanteurs de Ratisbonne, dirigé pendant trente ans par le frère du pape Benoît XVI, Georg Ratzinger, d’être touché par le scandale. L’évêché de Ratisbonne a reconnu l’existence d’au moins deux cas d’abus sexuels remontant aux années 1950 et 1960 dans le plus ancien choeur d’Allemagne, fondé en 975. Dans ces deux affaires, les coupables, entre-temps décédés, avaient été condamnés par la justice à des peines de prison. D’autres « informations sur plusieurs cas d’abus présumés entre 1958 et 1973 » sont parvenues au diocèse.
Fin février, le président de la conférence épiscopale et évêque de Fribourg, Robert Zollitsch, avait présenté ses excuses aux victimes et avait annoncé une révision des règles de conduite de l’Eglise allemande dans ce genre de cas. Nul doute que ces scandales domineront son entrevue avec le pape, vendredi 12 mars au Vatican.
Cécile Calla
L’EGLISE DES PAYS-BAS VEUT UNE ENQUÊTE INDÉPENDANTE
L’évêque de Rotterdam, président de la conférence épiscopale néerlandaise, Adrianus van Luyn, a demandé, lundi 8 mars, le lancement d’une « enquête indépendante » afin de faire la lumière sur quelque 200 cas d’abus sexuels sur mineurs perpétrés par des religieux au cours des dernières décennies.
Ces actes se seraient notamment produits dans des établissements scolaires tenus par les salésiens. La conférence épiscopale, réunie mardi, s’attend à de nouveaux « développements ».