Par quel cheminement as-tu rejoint les Faucheurs volontaires ?
Bruno Gaudinat – Je m’étais porté volontaire en 2003, mais j’ai attendu avant de franchir le pas. En 2007, je trouvais injuste que ce soient toujours les mêmes qui payent. Mes enfants étant majeurs et soutenant ces actions, j’ai rejoint les faucheurs à Poinville (28).
Comment s’est passée l’action à laquelle tu as participé ?
Il faut préciser d’abord que plus de 90 % des OGM cultivés sur la planète fabriquent des insecticides ou absorbent des désherbants. Lorsque nous sommes arrivés sur la parcelle d’essai de Monsanto, nous étions attendus par une douzaine de gendarmes. Mais nous étions plus de 60, alors ils n’ont pas pu nous empêcher de neutraliser ce champ qui contaminait l’environnement avec la bénédiction de l’État. Nous nous sommes rendus en tant que « comparants volontaires » à la gendarmerie pour revendiquer nos actes et nous avons été placés en garde à vue. Certains d’entre nous ont refusé le prélèvement ADN et ont commis alors un second délit. Mais l’appel les a relaxés car « les officiers de police judiciaire les ont soumis à cette mesure de manière irrégulière ». C’est déjà une première victoire.
Le tribunal de Chartres vous avait relaxés en mai 2008, vous voilà maintenant condamnés. Que s’est-il passé ?
Nous avons été relaxés car nous avions agi pour l’intérêt commun. Nous avons interrompu une contamination avérée de l’environnement. Nous avons été reconnus en « état de nécessité », ce qui équivaut à de la légitime défense.
La cour d’appel a considéré que l’atteinte à une propriété privée était condamnable, même si celle-ci met en danger l’environnement. C’est comme si on condamnait pour vol quelqu’un qui a retiré le pistolet des mains d’un tireur fou !
Quelles sont les perspectives pour le combat contre les OGM ?
Nous irons le plus loin possible : si la loi a une justification à mes yeux, c’est parce qu’elle doit protéger les plus faibles. Le droit à vivre dans un environnement sain, à ne pas se faire empoisonner en buvant un verre d’eau ou en mangeant du pain est inscrit dans notre Constitution, c’est un droit universel. Les cultures d’OGM en plein champ sont des atteintes aux libertés de consommer et de produire sans OGM. L’État ferme les yeux en donnant des autorisations sans études sérieuses. Je pense même aujourd’hui qu’il est complice : en 2007, la France était dans l’illégalité vis-à-vis de la réglementation européenne, ce qui ne l’a pas empêchée de faire appel !
La cour de cassation devrait confirmer l’appel de Versailles, et c’est ce que j’attends, car pour saisir la Cour européenne il faut avoir « épuisé » tous les recours juridiques au niveau national. En posant cette question à l’Europe nous pourrons vérifier si la protection des citoyens prime sur les intérêts des transnationales.
Avec ce combat contre les OGM cultivés en plein champ sans études sérieuses, il faudra aussi imposer l’étiquettage des produits contenant des OGM. Aujourd’hui, nous n’avons pas le droit de savoir ce que nous achetons ! Nos « responsables » considèrent qu’un aliment est bio même s’il contient entre 0, 1 et 0, 9 % d’OGM. C’est comme si le porteur d’un virus extrêmement contagieux crachait dans la soupière et qu’on vous forçait à manger ! Ils nous prennent pour des imbéciles, mais ça commence à se savoir.
De quelle solidarité avez-vous besoin ?
Tout est bon à prendre. L’aide financière, bien sûr, car les amendes à payer, les frais d’avocats sont très importants. Mais nous savons aussi combien la vie est dure : si la crise est déjà finie pour les traders et les banquiers, elle s’aggrave pour les ouvriers et les précaires. Tous les gestes de soutien sont donc les bienvenus : présence auprès des tribunaux, petits messages de soutien, participation aux différentes manifestations organisées tout au long de l’année... tous ces gestes nous donnent de l’énergie. Le combat est loin d’être terminé, car les puissantes transnationales tentent d’imposer leurs poisons par tous les moyens. La lutte continue, dans la rue... et dans les champs !
Propos recueillis par Pierre Vandevoorde
* Soutiens à l’ordre de Vigilance OGM 36. 49, allée de l’Hippodrome 36000 Chateauroux.
* Paru dans Hebdo TEAN # 47 (18/03/10).
COMMUNIQUÉ DU NPA. RELAXE POUR LES FAUCHEURS VOLONTAIRES
58 Faucheurs volontaires comparaissent aujourd’hui devant la cours d’appel de Versailles, bien qu’ils aient été relaxés en première instance par le tribunal de Chartres.
Le 18 août 2007, ces 58 militants anti-OGM avaient neutralisé à Poinville, en Eure-et-Loir, une parcelle d’essai de maïs génétiquement modifié de la firme Monsanto, entendant ainsi montrer leur opposition à la culture des OGM en plein champ et à leur généralisation dans nos assiettes.
Le 5 juin 2008, le Tribunal de Chartres les a relaxé au nom de l’état de nécessité, suivant en cela les mesures du Grenelle de l’environnement.
Le tribunal a admis que l’état de nécessité répondait à des intérêts sociaux et environnementaux de valeur constitutionnelle définis dans la Charte de l’environnement. Les juges ont relevé la carence de l’État français, lésant les citoyens tant au niveau de l’information que de leurs possibilités d’action. De plus, ils ont notifié que les expérimentations de Monsanto en plein champ portaient atteinte à l’environnement et aux droits des cultivateurs voisins de produire sans OGM.
Le NPA condamne cet acharnement judiciaire visant à décrédibiliser et à pénaliser des actions non-violentes de résistance face à l’hégémonie des multinationales de l’agro-alimentaire et apporte son soutien total aux faucheurs volontaires qui comparaissent.
C’est pourquoi, Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, participait à la manifestation dans les rues de Versailles en solidarité avec les faucheurs volontaires et pour la confirmation de leur relaxe.
Il appelle la gauche politique et sociale à exprimer sa solidarité avec tous les militants poursuivis par la justice.
Le 18 novembre 2009