A Madère, on peut trouver un des exemples les plus déplorables de connivence entre un pouvoir politique despotique et peu transparent et la voracité des entreprises immobilières qui font du profit avec la destruction du territoire. A l’occasion, cette connivence corrompue a fait ses victimes.
Les morts causées par des catastrophes naturelles sont, en majorité, fort peu naturelles. D’une part, les catastrophes naturelles sont fréquemment causées ou aggravées par des facteurs humains (il suffit de voir la relation entre changements climatiques et des événements comme les crues ou les ouragans, par exemple). D’autre part, la capacité d’adaptation des populations à des événements climatiques extrêmes est déterminée par des facteurs sociaux qui découlent d’options politiques. La résilience des communautés est donc quelque chose qui se construit avec le temps et qui requiert une attention spéciale aux politiques d’aménagement du territoire et de protection civile.
Ce que nous avons vu récemment à Madère est le résultat d’une politique d’expansion de la construction outrepassant largement les limites déterminées par la Nature. Il y a un an, le programme Biosfera montrait le témoignage de spécialistes qui décrivaient ce qui allait arriver [1]. La construction dans le lit de cours d’eau sujets à des crues conduit à l’imperméabilisation des sols et à la destruction d’importantes zones naturelles. Le rétrécissement du lit des rivières fait en sorte que l’eau coule plus vite, entraînant au passage de la terre et des résidus organiques tels que des troncs d’arbre et des pierres. Ajoutez à tout cela des précipitations élevées et nous avons les ingrédients d’un désastre imminent.
Quand cette alerte fut rendue publique, Alberto João Jardim, avec son arrogance coutumière, a ignoré l’opinion des « savants fous ». Recourant à la fourberie bien connue de la distinction entre le développement et la préservation de l’environnement, le Président de la Région Autonome a toujours défendu la nécessité de construire sur chaque centimètre carré disponible, en s’opposant aux « escrocs » et aux « analphabètes » qui osent avoir une opinion différente [2].
Hélas, les écologistes et les scientifiques avaient raison. La tragédie a bien fini par se produire et des personnes sont mortes. Mais la leçon n’a pas été tirée. Les aides du gouvernement de Madère ne vont guère servir à autre chose que la reconstruction des bâtiments en ruines, pour qu’ils puissent de nouveau se faire détruire lors de la prochaine crue. Les déblais accumulés seront utilisés pour un dangereux projet de conquête de la terre sur la mer. L’avis de ceux qui avaient prévu la catastrophe seront de nouveau ignorés par le gouvernement régional.
Jardim a annoncé dans une interview que ceux qui ne sont pas d’accord avec ses projets urbanistiques devront le battre sur le terrain électoral. Voilà un défi que la gauche ne peut manquer de relever. C’est ce qu’exigent les vies qui ont été perdues sans que les coupables soient jugés.
Ricardo Coelho