Cette semaine, le gouvernement d’Abhisit Vejjajiva, a révélé sa véritable nature. Deux séances de négociations avec les représentants des « chemises rouges » ont vite tourné court. Sous pression de sa base électorale conservatrice, Abhisit refuse toujours de dissoudre l’assemblée et de soumettre son parti, le Parti Démocrate, au verdict des urnes. Pariant d’abord sur le délitement des manifestations des « chemise rouges », le gouvernement et les élites qui le soutiennent ont déchanté. Après un mois de manifestations, plusieurs dizaines de milliers de manifestants continuent de réclamer plus de justice et la démocratie. Ne sachant plus comment obliger les manifestants à rentrer chez eux, Abhisit a fini par déclarer l’État d’urgence mercredi à Bangkok et dans les provinces avoisinantes. Dans la foulée, il a fait fermer la « chaîne de télévision du peuple (PTV) » très populaire parmi les « chemises rouges » ainsi qu’une trentaine de sites internet indépendants, qui ne relayaient pas la propagande gouvernementale. Justifiant ces mesures par sa volonté de « stopper la diffusion d’informations déformées », Abhisit n’a fait qu’attiser la colère des manifestants qui ont pris d’assaut le siège de Thaicom afin de rouvrir le signal d’émission. Les mandats d’arrêts contre les principaux dirigeants des « chemises rouges », n’ont pas empêché les manifestants de braver les interdictions de rassemblement et de manifestations. Ils étaient encore plusieurs dizaines de milliers vendredi et samedi dans les rues de Bangkok.
C’en était trop pour le gouvernement, les militaires et les élites bureaucratiques qui refusent de lâcher une miette du pouvoir qu’ils accaparent depuis plusieurs décennies. Samedi, les militaires ont férocement réprimé les manifestants désarmés, tirant dans certains cas à balles réelles selon de nombreux observateurs. Plus de 20 morts et 800 blessés sont recensés, la plupart parmi « les chemises rouges ». Ce bilan est le pire qu’ait connu la Thaïlande depuis le coup d’État de 1992. Dans une prestation télévisée, samedi soir, Abhisit a présenté ses condoléances aux familles des victimes mais a justifié la répression, affirmant que les « chemises rouges » étaient à l’origine des affrontements. Il a couvert les militaires, prétendant que lorsqu’ils étaient armés de balles réelles, ils tiraient en l’air…
Le bilan politique est lourd pour le gouvernement et les militaires.
Malgré les moyens déployés, l’armée n’a pas été en mesure de faire reculer les manifestants et les militaires ont dû se replier. L’avenir semble très incertain : l’État major de l’armée est en état de choc après cette défaite militaire. L’armée est divisée, de nombreux soldats éprouvant de la sympathie pour les « chemises rouges ». Cela a conduit les cadres de l’armée a organisé une chasse aux sorcières contre ceux qu’ils dénomment les soldats « pastèques » : verts à l’extérieur comme leurs uniformes mais rouge à l’intérieur.
De nouvelles tentatives de répression pourraient conduire à des émeutes d’une autre ampleur et aux conséquences imprévisibles. Il n’est pas sûr que cette option soit envisagée aujourd’hui par le gouvernement.
Dans le même temps, les jours d’Abhisit comme premier ministre pourraient bien être les derniers. Sa longévité est suspendue à la capacité de l’armée et des élites bureaucratiques qui l’ont mis en place à trouver une solution de remplacement qui leur soit acceptable. Un nouveau coup d’État militaire n’est pas à écarter.
Reste une inconnue majeure : que se passe-t-il du côté du palais ? Le roi, à l’hôpital depuis le mois de septembre dernier, n’est plus en mesure d’intervenir comme il l’a fait par le passé pour tenter d’étouffer les protestations. Les membres de la famille royale sont eux-mêmes en proie à des luttes intestines pour la succession. Chacun des prétendants a noué des alliances avec des fractions de l’armée et de la police, ce qui explique en partie les indécisions du gouvernement depuis un mois.
Les « chemise rouges » réclament le rétablissement de la démocratie. Cela passe par la démission immédiate d’Abhisit qui a du sang sur les mains et la convocation de nouvelles élections législatives. Il s’agit d’un moment critique dans l’histoire de la Thaïlande.
Le NPA est aux côtés de tous les travailleurs, paysans et pauvres de Thaïlande et soutient leur combat légitime pour la justice sociale et la démocratie.