Comme un espoir de revivre la campagne du référendum européen, mais sans se faire trop d’illusion non plus. Organisé par la Fondation Copernic et Attac, le meeting unitaire contre la réforme des retraites a marqué le début de la mobilisation du mouvement social, sur un sujet qui peut voir la gauche s’affirmer dans l’opposition unitaire ou s’échouer dans la division partidaire.
Organisée dans la salle parisienne de La Bellevilloise où l’on a refusé du monde à l’entrée, la réunion a vu l’ensemble des leaders des partis de gauche se succéder au micro devant près de 500 personnes, à l’exception de Lutte Ouvrière, refusant de « cautionner la position du PS ». Ce dernier fut le seul à se faire représenter par un « second couteau », le secrétaire national aux Services publics Razzy Hammadi, un proche de Benoît Hamon, le porte-parole socialiste un temps annoncé.
Si les références à la dernière campagne unitaire des nonistes de gauche ou à la mobilisation du CPE furent sans cesse présentes dans les paroles, les divisions et désunions qui ont rythmé la vie partisane depuis semblent avoir refroidi les ardeurs et donné à la soirée un esprit de modestie et de responsabilité aux intervenants, encore prudents devant leurs chances de succès et leur capacité à construire un front le plus large possible.
A l’instar de Willy Pelletier de la fondation Copernic, soucieux que le rassemblement du jour permette de préparer « un mouvement qui s’impose par la force du nombre », il s’agit pour les personnalités présentes de remobiliser le peuple de gauche sur l’un des derniers grands acquis sociaux, obtenu à la Libération : « Parlent avec nous tous les militants communistes, tous les militants féministes, tous les militants altermondialistes, tous les militants socialistes… quand ils étaient tous socialistes. »
Devant une salle pas franchement accueillante à son égard, Razzy Hammadi a tenté de caresser l’autre gauche dans le sens du poil, appelant à « la nécessité de se rassembler pour démontrer au gouvernement que ce débat n’est pas réservé aux experts ». Sans s’avancer de trop, ce représentant de l’aile gauche du parti a estimé que, pour aborder la question des retraites, il fallait « partir du projet de société que l’on souhaite, plutôt que de partir de seules données comptables ». Conscient que l’attitude globale du PS pourrait ne pas forcément être aussi catégorique que lui, il prévient : « Evidemment qu’ici, nous ne sommes pas toujours d’accord sur tout au même moment, mais la gauche doit montrer que, quand l’essentiel est en jeu, elle est capable de se rassembler pour lutter. Avant je l’espère de se rassembler pour proposer… »
Plutôt sur la même longueur d’onde que son désormais partenaire privilégié socialiste, la secrétaire nationale des Verts Cécile Duflot a de son côté jugé « nécessaire d’avoir ensemble des discussions sur les solutions alternatives, afin de préparer un discours en même temps qu’on organise la mobilisation citoyenne. Un discours où l’on ne cacherait pas nos désaccords mais d’où il ressortirait que nous sommes quand même d’accord sur l’essentiel ». Et la chef de file écolo de citer pêle-mêle « un meilleur partage des richesses, une réduction des inégalités hommes/femmes, une lutte contre la pénibilité du travail et l’exposition à la pollution ».
Mais devant une salle majoritairement désireuse de radicalité, c’est la porte-parole du syndicat Sud-Solidaires, Annick Coupé, qui a emporté l’applaudimètre en réveillant une assistance assez studieuse (et franchement âgée) au moment d’évoquer la prochaine journée de grève le 27 mai prochain : « A un moment ou un autre, il faudra bien qu’il y ait une grève générale sur la question des retraites ! »
A sa suite, l’un des leaders martiniquais du mouvement antillais de l’année dernière, Philippe Pierre-Charles, s’est réjoui de voir « le Lyannaj en train de commencer ce soir », en référence au Lyannaj kont la pwofitasion (LKP) guadeloupéen, tout en demandant aux métropolitains de « ne pas oublier de penser à nous, car nous voulons aussi défendre nos retraites en outre-mer ».
Les autres représentants, telles la CGT ou la FSU, ont davantage mis l’accent sur le travail de conviction et d’explication actuellement en cours dans les entreprises, tandis que le président de l’Unef Jean-Baptiste Prévost a rappelé « la nécessité de prendre en compte dans le calcul des années de cotisations les études et les périodes de précarité forcée ».
A la gauche de la gauche enfin, après les tensions électorales et post-électorales, tout le monde semble avoir envie d’une bonne lutte. Pour le PCF, le futur secrétaire national Pierre Laurent a fait du Besancenot (« Ils veulent nous faire payer leur crise ! »), appelant à « se battre contre l’excès de croissance financière » et à « amplifier chaque jour la mobilisation, très au-delà du 1er mai ». Quant à Olivier Besancenot, il s’est fait le chantre de l’unité, décontenançant un brin le public en s’exclamant : « Il n’y a pas de place pour les sectarismes ! Quand l’ensemble de la gauche parle d’une seule voix, la droite n’est pas aussi forte que cela, encore plus quand elle est divisée par une crise financière qui la travaille. »
Jean-Luc Mélenchon fut le seul à avancer une proposition concrète, axée sur la révolution par les urnes à laquelle il aime tant et tant se référer. Face à la « cohorte des bien-pensants » et à « un gouvernement qui voudrait dorénavant que toute délibération soit prise sous l’empire de la peur », le président du Parti de gauche défend l’idée d’un référendum d’initiative populaire, mesure incluse dans la réforme constitutionnelle de 2008 mais dont le gouvernement n’a toujours pas rédigé les textes d’application (lire notre article). Manière de mettre le gouvernement devant sa responsabilité d’une promesse non tenue.
« S’il était en vigueur, il nous faudrait 185 parlementaires, nous les avons, et 4 millions de signatures citoyennes, nous les aurions, pour soumettre le débat des retraites au vote des Français, explique le député européen, avant de lancer : Entre le capital et le travail, il y a la souveraineté populaire ! Si nous laissons la décision se prendre entre les politiques au pouvoir, alors nous avons perdu. » Et de conclure : « A nous tous, je nous souhaite bon courage et bon militantisme… »
Stéphane Alliès