« En révolte permanente contre l’injustice du système capitaliste »
Texte présentant sa candidature aux élections du 13 juin 2010 en Belgique sur la liste Front des Gauches
Née en 1949, pas mariée, pas d’enfants mais très heureuse en amour !
J’ai fait des études d’Histoire de l’Art et Archéologie et pendant ces
années universitaires (1967-1972), j’ai participé à toutes les luttes
estudiantines (mai 69, enseignement rénové, minerval des étudiants
étrangers, etc.). Je me suis à l’époque conscientisée à la question de
la dépénalisation de l’avortement et, plus largement, au féminisme.
Employée à la Ville de Liège, j’ai participé très activement aux grands
mouvements de grève qui ont secoué la cité en 1982-1983, 1985, 1987 et
1989. A ce moment-là, je suis devenue déléguée syndicale du secteur
administratif (FGTB-CGSP-ALR) et militante politique à ce qui était
alors la Ligue Révolutionnaire des Travailleurs (LRT - ancien nom de la
LCR). Je suis donc membre de ce parti depuis 1984 sans interruption.
Dans les années 1990, j’ai eu la possibilité, tout en restant dans le
cadre de la Ville de Liège, de travailler au CADTM (Comité pour
l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) et cela, jusqu’à ma retraite en
2009. Le CADTM est une ONG d’éducation au développement dont le sérieux
et la force de conviction ont permis de créer un réseau international. A
ce titre, j’ai voyagé en Amérique latine (que j’avais découverte
auparavant avec les brigades de travail FGTB au Nicaragua), en Afrique
et en Asie. Actuellement, je me replonge dans les questions du féminisme
étant donné que la crise financière, économique, sociale, écologique va
avoir des répercussions spécifiques sur le quotidien des femmes.
Je suis en révolte permanente contre l’injustice du système capitaliste
dont j’ai vu les effets dans ma vie de femme, de travailleuse. C’est
pourquoi je milite. J’ai accepté d’être sur la liste Front des Gauches
parce que, enfin, après tant d’années d’essais, on a fait un pas vers
l’unité de la gauche radicale. Il faudra que cette unité se concrétise
par un travail et une ligne commune sur le long terme (air connu : ce
n’est qu’un début, continuons...).
Dans les plateformes, je suis particulièrement sensible à la
revendication "*Révocabilité des élu-e-s *s’ils n’accomplissent pas
leurs devoirs et limitation de leurs rétributions au salaire d’un-e
travailleur/euse qualifié-e". Des pays comme le Venezuela, l’Equateur,
la Bolivie ont fait la démonstration tout récemment qu’il était possible
d’inscrire cette revendication dans une Constitution. Ils nous ont
d’ailleurs démontré que de véritables processus constituants avec large
participation démocratique permettent d’obtenir des avancées politiques
et sociales cruciales. En Belgique, les politiciens font tous les jours
la preuve non pas de leur incapacité mais au contraire de leur grande
capacité à trahir la population et à la sacrifier sur l’autel du profit.
« Que se vayan todos » comme on dit en Amérique latine... Révocabilité
des mandats !
Denise Comanne
Denise : une voix vibrante parmi les autres voix de la planète
Texte écrit par Eric Toussaint à l’occasion du soixantième anniversaire de Denise Comanne.
J’ai rencontré Denise en avril-mai 1983 au début d’un combat syndical qui cette fois-là allait durer environ une douzaine de semaines. Nous étions des milliers de travailleurs et travailleuses de la Ville de Liège à entamer une lutte emblématique. 17 500 salariés de la Ville se rebellaient contre le plan d’ajustement structurel que le « gouvernement » de la municipalité (le conseil échevinal appuyé par le conseil communal) avait décidé d’imposer au personnel et à la population. L’alliance politique au pouvoir était de type « olivier » : socialistes (PS) + écologistes (Ecolo) et « sociaux chrétiens » (PSC devenu aujourd’hui le CDH). Selon eux, afin de rembourser une dette liégeoise d’un milliard d’euros (44 milliards de francs belges à l’époque), il fallait privatiser plusieurs services à la population, réduire le nombre de travailleurs et leur imposer une réduction de salaire. Denise était à l’époque employée au service de l’urbanisme et j’étais enseignant à l’école technique et professionnelle connue sous le nom de la « Grosse Mécanique ». Nous nous sommes rencontrés dans un véritable tourbillon de luttes et de prise de conscience : une grève de longue durée, des piquets de grève, des manifestations de rue, les réunions du comité de grève avec une vingtaine de personnes (dont Denise), des assemblées syndicales régulières avec plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes présentes, des actions musclées, la répression par les gendarmes, des actions de protestation lors des réunions du conseil communal qui entérinaient les mesures antisociales, la recherche de la jonction entre travailleurs des services publics et ouvriers de l’industrie, les discussions de bilan et perspectives plusieurs fois par semaine au restaurant Le Bosphore, au café A l’ombre de la Cathédrale ou ailleurs. Que dis-je, un tourbillon ? Non plutôt une tornade sociale et politique. Tout allait très vite et on le vivait de manière très intense.
J’avais remarqué et beaucoup apprécié (cela continue jusqu’à aujourd’hui) Denise pour sa ténacité, sa combativité, sa volonté de prendre la parole en assemblée (alors que ce n’est pas facile et qu’elle le faisait pour la première fois), son rejet de l’injustice et son refus de se plier devant les ukases d’où qu’elles viennent. De son côté, elle m’a dit plus tard que ma prise de parole lors d’une assemblée dans l’usine de la sidérurgie (à l’atelier de Jemeppe Kessales) l’avait convaincue de chercher à pousser plus loin notre relation qui était juste amicale et très récente. J’étais intervenu devant une assemblée d’ouvriers et une délégation des travailleurs de la ville de Liège pour expliquer les liens entre les différents combats ainsi que leur dimension politique. Avant la fin de la grève, on a commencé une relation amoureuse, cela devait être en juin 1983. Vingt-six ans déjà !
Je vous passe les détails. Notre relation a toujours eu une dimension politique, sociale et l’internationalisme a joué un grand rôle. En 1983-1984, Denise s’est jointe au Xe voyage que j’effectuais en Pologne pour porter de l’aide à des syndicalistes radicaux, mais surtout on a lancé ensemble avec d’autres camarades les brigades de travail volontaire au Nicaragua révolutionnaire. La révolution avait triomphé dans ce pays en juillet 1979 et nous participions activement à un vaste mouvement de solidarité en y jouant un rôle fort actif. De 1984 à 1989, chaque année ou presque nous avons collaboré à l’organisation de ces brigades qui partaient travailler avec les paysans nicaraguayens. On se cotisait, on organisait des fêtes en Belgique pour apporter de l’aide matérielle à la révolution et chaque brigadiste utilisait ses jours de congé pour aller travailler bénévolement 3 semaines avec les paysans en ayant soin de payer son billet d’avion. Dans les brigades que nous avons contribué à organiser, il y avait presqu’une moitié d’ouvriers de la métallurgie, notamment de Caterpillar et de Cockerill (aujourd’hui Arcelor-Mittal). Une très belle expérience que Denise et moi ne regrettons pas, loin de là. Nous en profitions pour rester en Amérique centrale et à Cuba quelques jours de plus, pour apporter notre soutien à d’autres processus révolutionnaires. A une occasion, cela a failli tourner très mal pour elle et moi, quand nous avons été arrêtés par des militaires honduriens à la frontière entre le Salvador et ce pays alors que nous étions en possession de documents de la guérilla salvadorienne qu’une religieuse m’avait remis la veille dans la capitale salvadorienne. Dans les moments difficiles, face au danger, on n’a pas eu froid aux yeux. Denise fait très bien face à des situations très tendues avec les forces de répression.
Denise, au cours de ces voyages, n’a jamais cherché le confort. On s’est très souvent contenté d’un sommier avec ou sans matelas, d’une paillasse sur le sol ou sur quelques planches de bois. Si Denise vous fait croire qu’elle ne parle pas espagnol, elle vous ment. Les brigadistes qui étaient avec elle dans la « 5ta Région » au Nicaragua en 1989 vous diront qu’elle était la responsable de la brigade et qu’elle dialoguait avec les Nicaraguayens quotidiennement. Mais elle préfère dire qu’elle ne parle pas espagnol. Il faut dire qu’il faut vivre au quotidien avec elle pour savoir combien elle doit faire d’efforts pour entendre ce que les gens disent. Pour elle, à cause de son problème d’ouïe, rester à l’écoute et comprendre tout ce qui se dit est un véritable combat.
Il m’est impossible de raconter davantage ces 26 années d’actions et de lutte dans la place impartie. Mais je dois dire que Denise a déjà vécu plusieurs vies. Elle a été à deux doigts de s’arrêter en chemin un peu après le 11 novembre 2005, mais elle est finalement ressortie très forte de cette épreuve. Elle en a déduit que la vie devait encore être plus pleinement vécue car elle a une fin. Elle a bien raison. Il faut vivre intensément la vie.
Maintenant elle a commencé une nouvelle vie qui correspond à l’âge de la retraite. Comme de très nombreux retraités, elle ne se mettra pas à l’écart des luttes. Elle restera très active et apportera encore énormément à la réflexion et à l’action. Denise a encore beaucoup de choses à recevoir et à donner.
Elle fait bien partie de manière active et créatrice de ces Autres Voix de la Planète dont elle a pendant deux ans assumé l’entière responsabilité avec succès.
Eric Toussaint, 2009