Edito
L‘annonce par la ministre de l’Industrie, Nicole Fontaine, de la construction
d’une nouvelle série de réacteurs atomiques, de type EPR (European
Pressurized Reactor), ne surprendra que ceux qui voulaient bien croire à la
mascarade de débat démocratique organisée au printemps dernier. Elle
confirme ainsi l’intention du gouvernement de céder au lobby nucléaire.
En dépit du raisonnable.
Car n’en déplaise à Mme Fontaine, faire croire que le développement du
nucléaire serait une réponse à l’effet de serre est une imposture complète. La
production électronucléaire n’est en aucun cas un modèle industriel extensible à
la planète entière. Multiplier le nombre de centrales par dix, c’est multiplier
d’autant le risque d’accident majeur, sans oublier la pollution insidieuse de la
radioactivité et l’accumulation des déchets radioactifs pour lesquels n’existe
aucune solution. Sans oublier non plus la prolifération et les usages militaires
de l’atome... EPR ou vieilles centrales, le nucléaire est toujours aussi
dangereux. Il n’y pas de solution technologique « miracle » face au
réchauffement global, mais la nécessité d’une remise en cause du mode de
développement capitaliste.
Agir sur la production d’électricité est indispensable mais ne peut suffire : si les
rejets de gaz à effet de serre ont tant augmenté ces dix dernières années en
France (contrairement à l’Allemagne) c’est à cause des transports qui est la
principale source de CO2 ; l’énergie atomique n’y peut rien ! Au contraire, le
nucléaire encourage une politique énergétique dispendieuse et laxiste.
Une voie de rupture s’impose pour le modèle énergétique français et européen.
Elle doit se traduire en priorité par une politique multi-sectorielle d’économie
d’énergie : transports, production industrielle, biens de consommation... et
parallèlement par la diversification des modes de productions : l’éolien, qu’il
faut arrêter de dénigrer mais réglementer, le solaire, le bois...
Cela n’est possible qu’avec un rééquilibrage et un renforcement de l’effort de
recherche. Le coût de développement des filières atomiques est prohibitif pour
une rentabilité des plus faibles. Socialement, c’est un gâchis qui conduit à
l’aberration du chauffage électrique et son coût insupportable pour les ménages
les plus pauvres. Développons le service public pour consommer moins et mieux
l’énergie. Renforçons la recherche publique pour des alternatives !
Les mobilisations doivent maintenant s’organiser contre la construction de
nouveaux réacteurs, pour la défense du service public (voir encadré) et la fin de
« l’exception française » du tout nucléaire !
Durcissement à la CGT-Energie
« Si on ne fait rien, on va vers un AZF
nucléaire ». Ainsi s’exprimait, le 14 octobre
2003, Jean-Pierre Bernasconi, secrétaire
du syndicat CGT de la centrale du Bugey
(Isère) en faisant référence à la
détérioration des conditions de travail des
sous-traitants dans le parc nucléaire
d’EDF.
Un « non catégorique à la privatisation »,
« une confrontation majeure avec le
gouvernement », tel est le message
inhabituel qu’a voulu délivrer le congrès
CGT-énergie. « Refuser la culture du non,
cela ne veut pas dire déboucher
systématiquement sur le oui » a affirmé
Bernard Thibault au congrès. Sûrement
pas un changement de ligne, mais un
coup de barre à gauche. F. Imbrecht, le
nouveau secrétaire, martèle « un triple
non » : à la modification de statuts, à
l’ouverture du capital, à la privatisation. La
direction sortante a dû répondre aux
assauts des syndicats qui ont imposé
cette orientation. Une dynamique portée
par les délégués et orientée vers l’action.
Une façon peut-être de laver l’affront de
l’épisode sur les retraites où la CGT avait
choisi le camp de l’accompagnement. La
nouvelle direction (80 élus) compte plus
d’une douzaine de représentants de la
contestation à la ligne Cohen. Cependant,
plusieurs figures marquantes de
l’opposition ont été écartées. Mais le
mandat donné par les syndicats est clair, y
compris sur la nécessité de procéder à
des coupures de courant en cas de grève.
Le texte d’appel du congrès, très en
dessous de la tonalité des débats, a été
repoussé sans ménagement. Et c’est une
réécriture quasi intégrale qui était
approuvée pour avertir le gouvernement
d’une « confrontation majeure ». Mais pour
« imposer une première défaite au
libéralisme », comme le réclamait une
déléguée de Toulouse, il reste encore du
chemin à parcourir.
d’après Rouge n°2036
Ligue communiste révolutionnaire
Commission nationale écologie
NON à l’EPR ! Sortons du nucléaire !
« Pour un vrai service public de l’électricité sans nucléaire ! »
Tel est le titre de la campagne lancée fort opportunément par le réseau Sortir du
nucléaire cet automne (et décidée à l’AG de février 2003). La défense du service
public « indispensable pour garantir à tous l’égalité d’accès à l’énergie » est sans
ambiguïté, surtout face à la privatisation qui menace, avec pour conséquences des
« risques accrus d’accidents nucléaires [...] de coupures de courant pour les plus
modestes [et la] dégradation des conditions de travail des agents EDF ». Mais pas
question de statu quo ! Car « EDF pas encore privatisée, il y a des domaines où
elle ne remplit déjà plus son rôle de service public », notamment en privilégiant le
nucléaire, « contre l’avis de la majorité de l’opinon ». Une campagne à soutenir et
faire connaître absolument !
Pour recevoir le matériel de campagne : Réseau Sortir du nucléaire
9 rue Dumenge,
69317 Lyon cedex
04. Tél. 04 78 28 29 22.
www.sortirdunucleaire.org
Nucléaire civil
Comment ça marche ?
A l’image de toute les autres centrales de production d’énergie
électrique (au fioul, au charbon ou au gaz), les centrales
nucléaires fonctionnent comme de grosses bouilloires : la combustion
de l’uranium enrichi (extrait de l’uranium naturel) dégage de la chaleur
qui est utilisée pour produire de la vapeur d’eau sous pression. Celleci
alimentera des turbines pour finalement produire de l’électricité. Le
processus de base est la fission* des noyaux des atomes d’uranium.
Lorsqu’ un noyau se casse en deux il libère de l’énergie, notamment
sous forme de rayonnement. Ce rayonnement permettra de scinder
d’autres noyaux : c’est la réaction en chaîne.
Si le principe est simple, le réglage est délicat ! La réaction en chaîne
risque de s’emballer, ce qui peut provoquer la fusion du réacteur (le
« syndrome chinois », type accident de Three Miles Island) ou son
explosion comme à Mayak*. Donc une fois qu’on a réussi à stabiliser
la réaction, on évite de trop toucher aux boutons ! Ce phénomène est
important car il conditionne les modes de production et de
consommation de l’énergie électrique dans notre pays : cette
indispensable stabilité implique qu’une centrale nucléaire débite, le
jour comme la nuit, été comme hiver, la même quantité d’électricité...
alors que les besoins en électricité varient considérablement suivant
le temps. On se retrouve donc l’été et la nuit en situation systématique
de surproduction, d’où les campagnes pour la climatisation, une
politique tarifaire incitative de consommation la nuit (les patrons qui
veulent généraliser le travail de nuit peuvent dire merci), et surtout de
ventes à pertes à l’étranger. Le comble de l’absurdité réside dans le
fait que les pics hivernaux de consommation sont au contraire
assurés par des centrales thermiques vétustes et très polluantes !
De plus, ce mode de production hyper centralisé, entraîne des pertes
en lignes : des centaines de milliers de kilomètres de lignes haute
tension sont nécessaires pour acheminer l’énergie sur tout le
territoire. Ce transport entraîne un réchauffement des câbles (effet
Joule), dans lequel presque 15% de l’énergie produite est
consommée.
Lors de la réaction, un premier déchet est produit : le plutonium. Un
précieux déchet ! Très dangereux, quelques millionièmes de
grammes de plutonium sont une cause certaine du cancer, il constitue
néanmoins l’ingrédient de base des bombes. (5 kilos de ce déchet
suffisent à faire une bombe de la puissance de celle de Nagasaki) Le
plutonium est donc l’élément clef des liens inextricables entre
nucléaire civil et militaire.
Lorsque l’uranium a fini son cycle de combustion, on doit tout de
même arrêter la machine et sortir les déchets. Les plus dangereux,
car extrêmement radioactifs et à très longue durée de vie sont le
Plutonium, le Césium 137, l’Iode 129, etc. La plupart de ces déchets
sont simplement stockés dans des fûts et envoyés à la Hague*. Ils y
sont alors entreposés dans des piscines servant a les refroidir et
oubliés : ils finissent par se désagréger et contaminent l’eau qui les
refroidit. Cette eau est purement et simplement rejetée à la mer.
Mais il existe d’autres types de déchets : tous les matériaux entrés en
contact avec le combustible ainsi que ceux utilisés pour les
manipulations des précédents. Le tonnage de ces déchets se chiffre
en milliers : c’est d’ailleurs une des batailles menée par le réseau
Sortir du nucléaire que d’empêcher ces déchets d’être recyclés et de
les retrouver dans nos petites cuillères !
La dernière catégorie de déchets à venir, non considérées comme tel
par nos nucléocrates (abréviation de nucléairophile-bureaucrate),
seront les centrales elles-mêmes. Leur démantèlement qui ne cesse
d’être repoussé sera, en plus des problèmes techniques et financiers
qu’il posera, une source immense de déchets supplémentaires.
Laurent Grouet
Petit Glossaire
Fission. Principe de fonctionnement des
premières bombes dites A, et des centrales
nucléaires. Des atomes aux noyaux très
lourds se fissionnent et dégagent de
l’énergie.
Fusion. Principe de fonctionnement des
bombes H. Des petits noyaux fusionnent et
dégagent de l’énergie. Ce phénomène
dégage beaucoup plus d’énergie que la
fission et reste difficilement contrôlable. Le
projet ITER, combattu par le réseau Sortir du
nucléaire (les élus LCR au Parlement
européen ont voté contre), a pour but de
faire aboutir la fusion contrôlée.
Indépendance ? Actuellement, après la
fermeture du site d’extraction prés de
Limoges (et la récente mise en examen de la
Cogema pour « pollution, abandons et
dépôts de déchets »), la France importe
100% de son uranium. Quid des normes de
sécurité des pays producteurs et de l’impact
sur les travailleurs et populations concernées
? On dit souvent que 80% de
l’électricité produite en France est d’origine
nucléaire. C’est vrai. Mais cela ne représente
que 15% de l’énergie consommée en
France. Pour le reste nous sommes de plus
en plus dépendants de nos importations de
pétrole, de gaz et même de charbon... qui ne
cessent d’augmenter.
Effet de serre. Indispensable à la vie sur
terre l’effet de serre permet de transformer
une partie du rayonnement solaire en
chaleur dans l’atmosphère. Le gaz
carbonique et le méthane sont les deux
principaux gaz à effet de serre. Or, depuis le
début de la révolution industrielle, leur
proportion a quasiment doublé du fait de la
combustion des énergies fossiles : charbon,
pétrole, bois... entraînant une hausse brutale
de la température terrestre.
Nucléaire ou effet de serre ? Nous
refusons les deux. Pourquoi choisir entre
« peste ou choléra » ? La première source
d’émission de gaz à effet de serre est le
transport routier.
Alternatives. Une vraie politique de réduction
des dépenses d’énergie : diffusion
des ampoules basse consommation (et pas
seulement à ceux qui ne peuvent pas payer
leur facture comme le fait cyniquement
EDF), programme d’isolation de l’habitat,
cogénération, priorité absolue à tous les
modes de transport collectifs, développement
de l’éolien et du solaire.
La Hague. Aucune recherche n’est menée
par les autorités dites compétentes sur
l’impact sur la santé à proximité de la Hague.
Pourtant une recrudescence de leucémie, en
particulier infantile, est dénoncée par de
nombreuses associations. Une récente
étude montre que la chute d’un petit avion
sur une des quatre piscines de stockage
équivaudrait à 67 Tchernobyl.
Cogénération. Mécanisme qui permet de
récupérer une partie de la chaleur produite
sur tout type de site industriel.. à l’exception
des sites nucléaires !
Mayak. Siège du programme nucléaire
soviétique à partir de 1945. En 1957 une
explosion dans la centrale libère l’équivalent
de la moitié des effluents radioactifs de
Tchernobyl. Les villages alentours ne sont
pas prévenus : aujourd’hui 50% des femmes
sont stériles, 30% des enfants naissent avec
des difformités, les villageois meurent de
leucémie, de cancer du système digestif, des
os, de la peau... Les autorités russes se
proposent de recevoir 20 000 tonnes de
déchets en provenance du Japon, de la
Corée, de l’Allemagne de l’Espagne.
L.G.