Janvier 1999. Un pic noir et blanc est accroché à un tronc d’arbre, dans le boisement de feuillus qui couvre le coteau ouest du parc des Beaumonts.
Sa taille et le grand ovale blanc à l’épaule excluent d’emblée le petit pic épeichette ; en revanche, il ressemble à l’épeiche. Pourtant, les jumelles aidant, on note rapidement la calotte rouge de son crâne, sa face « ouverte » (la joue n’est pas entièrement encadrée de noir, à la moustache et à l’arrière de la tempe), ses flancs finement rayés et son bas-ventre rouge clair, violacé, mal délimité. Une observation attentive fait aussi apparaître un bec relativement faible et une tête ronde où l’œil se détache comme isolé, une allure d’ensemble quelque peu modeste. C’est un pic mar !
Attention : le pic épeiche à la calotte crânienne noir avec seulement, pour le mâle, la nuque rouge, mais chez le juvénile, elle est rouge, ce qui peut créer une confusion avec le pic mar.
En plus des autres critères, notons que chez le jeune épeiche, la calotte rouge est bordée de noir, ce qui n’est pas le cas pour le mar. Par ailleurs, il prend sa livrée adulte bien avant le vagabondage hivernal de ce dernier, mais en août le danger de confusion est bien réel !
N’oublions pas non plus que le pic épeichette à lui aussi la calotte rouge (toute l’année), mais il est beaucoup plus petit et il est rayé de blanc dessus (au lieu d’afficher le grand ovale blanc de ses espèces cousines).
Vagabondage. Le pic mar, un oiseau forestier, a pour la première fois été observée aux parc des Beaumonts (Montreuil, 93) en janvier et décembre 1999… soit deux hivers consécutifs, la même année légale, ce qui a immédiatement évoqué la possibilité d’un erratisme saisonnier susceptible de se reproduire.
Une hypothèse qui s’est vue à la fois confirmée et élargie. Malgré un comportement discret qui rend son observation aléatoire, il a en effet été revu à diverses reprises de la fin octobre à la mi-février (surtout en décembre-janvier). Cependant en 2010, David Thorns l’a trouvé sur le site en été, tout début août : probablement un juvénile (dispersion post-nuptiale en provenance du bois de Vincennes s’il y a niché cette année ?) et j’ai moi aussi revu un juvénile (le même ?) cinq jours plus tard. Le vagabondage n’est pas qu’hivernal !
Les observations mentionnées ci-dessous sont de Pierre Rousset sauf deux réalisée par Alain Bloquet (qui a réussi à prendre l’individu en photo !) et David Thorns.
Pour récapituler :
le 24 janvier 1999,
le 9 décembre 1999,
le 20 janvier 2001,
le 7 décembre 2003,
le 17 février 2006,
le janvier 2007,
le 29 octobre 2008,
le 23 janvier 2009,
le 15 février 2009 (AB),
le 4 août 2010 (DT),
le 9 août 2010.
le 15 octobre 2010.
Le pic mar est observé aux Beaumonts dans les zones de boisements « spontanés » qui n’ont pas subi d’aménagement de style parc urbain et comprennent notamment des arbres morts – ainsi qu’une fois volant au-dessus des pelouses pour rejoindre les coteaux boisés.
Cinq espèces de pics sont observées aux Beaumonts. Trois sont résidentes : les pic vert (Picus viridis), épeiche (Dendrocopos major) et épeichette (Dendrocopos minor). Deux ne sont que rarement observés : les pics noir (Dryocopus martius) et mar (Dendrocopos médius).
Le pic mar (Dendrocopos médius) est un « forestier » ; il ne niche pas dans les parcs urbains classiques, en ville ou dans les jardins. Il se reproduit dans les bois et forêts d’Ile-de-France où se trouvent des arbres âgés comme des chênes, charmes ou hêtres, en particulier le massif de Fontainebleau dont c’est l’une des espèces emblématiques.
Il est devenu plus commun en région parisienne que ce n’était encore le cas au milieu du siècle passé ; il est en effet en nette progression depuis les années 1990 et fréquente aujourd’hui le bois de Vincennes (où il a au moins niché en 2005). Il a été pour la première fois observé dans Paris intramuros le 17 novembre 2008, puis à nouveau le 17 février 2009 dans le parc des Buttes-Chaumonts (cf. Frédéric Malher, Oiseaux nicheurs de Paris. Un atlas urbain, Corif/Delachaux & Niestlé 2010, p. 175).
Les populations significatives les plus proches se trouvent dans le parc de la Poudrerie (Sevran), dans la forêt de Notre-Dame et au bois de Ferrières.
La progression du pic mar dans notre région est d’autant plus à protéger qu’il est menacé en Europe par les méthodes « modernes » de sylviculture.
Les observations du pic mar aux Beaumonts donnent des indications sur ses déplacements en dehors des périodes de nidification. Le ou les individus des Beaumonts viennent peut-être du bois de Vincennes, encore que celui observé survolant les pelouses arrivait du nord-est, alors que Vincennes est au sud.
Pierre Rousset
Sous l’objectif d’Alain
Alors que ce discret pic est rarement observé aux Beaumonts, Alain Bloquet a su le saisir dans son objectif !
![](IMG/jpg/PicMar-1.jpg)
Pic mar aux Beaumonts le 15 février 2009. Cliché Alain Bloquet
Le Pic mar en Ile-de-France
Fiche du Corif
Pic mar, Dendrocopos medius. Famille des Picidés.
Que pouvons-nous bien observer en mars ?
Les oiseaux hivernants, si tant est qu’il y en ait eu, sont partis, et beaucoup de ceux qui nous avaient quittés à l’automne dernier ne sont pas encore revenus... Et bien, il nous est possible d’observer ceux qui « demeurent » sur leurs sites tout au long de l’année !
Notamment les pics, qui, depuis plusieurs semaines déjà, revendiquent leur territoire à coup de bec-marteau sur de grosses branches sèches bien sonores.
Parmi les six espèces présentes en Ile-de-France (Pic cendré rare et localisé, Pic vert, Pic noir, Pic épeiche, Pic mar, Pic épeichette), le Pic mar est un véritable forestier.
Mais n’accueille pas Maître Mar boisement qui veut ! Non, car il semble bien que notre pic n’affectionne pas les mornes champs de peupliers, ni les rigides plantations de résineux, encore moins les carrés de faux-acacia.
Auprès de mon arbre...
Non, le Pic mar recherche principalement les habitats forestiers feuillus, mêlant chênes de gros diamètre (plus de 60 cm) et autres arbres de moindre corpulence. Ces indispensables chênes, notamment sessiles, présentent de belles écorces bien crevassées riches en insectes et, pour les plus âgés, des branches sénescentes où les oiseaux peuvent creuser des loges. D’où, également, l’intérêt de conserver les arbres morts sur pied.
L’enquête coordonnée par le CORIF et le CERF en 1998 et 1999 a démontré que le Pic mar occupait une assez large part du territoire francilien, avec une nette préférence pour la Seine-et-Marne et ses massifs de Fontainebleau ou de Ferrières-en-Brie qui abritent à eux seuls plusieurs centaines de couples.
Depuis lors, l’oiseau entame ou poursuit sa progression géographique vers l’ouest et les massifs de Rambouillet ou de Saint-Germain. Il fréquente également le Parc Forestier de la Poudrerie (rappel : où se trouve le local du CORIF...) qui offre sur certaines parcelles une physionomie de vieille forêt feuillue de plaine.
Pic et pic et colégramme...
Le Pic mar est un peu plus petit que son proche parent par ailleurs bien plus commun, le Pic épeiche.
Il arbore un plumage aux teintes générales noires, blanches et rougeâtres. Les deux sexes ne sont pas discernables sur le terrain.
Pour le différencier du Pic épeiche, un petit examen de la tête, des flancs et des sous-caudales est requis.
L’oiseau possède une calotte quasi-entièrement rouge, moins de noir et donc plus de blanc sur la face ; de minces flammèches sur les flancs (absentes chez le Pic épeiche) et des sous-caudales rouge délavé voire « rosées » et non rouge vermillon comme chez l’épeiche. Précisons qu’il arrive d’observer les deux espèces sur le même tronc !
Ce n’est pas un pique-assiette !
En tant que forestier le mar sera, sauf exception, observé sur les arbres, souvent à hauteur respectable et au cœur des parcelles. Recherchant sa nourriture notamment sous les écorces, il peut parfois se laisser admirer à quelques mètres, avec un peu de chance. Son comportement diffère en cela nettement de celui du Pic vert, qui cherche très fréquemment sa nourriture au sol.
Précisons enfin que pour le trouver, il ne faudra pas compter sur un tambourinage, car l’espèce n’exerce a priori pas cet art. Son chant typique et sonore constitue évidemment une aide ; quant à ses cris, ils ressemblent beaucoup à ceux du... Pic épeiche.
Pour en savoir plus sur l’espèce en Ile-de-France :
ARNABOLDI, F. et LETOURNEAU, C. (2000) - Le Pic mar Dendrocopos medius en forêt domaniale de Rambouillet (Yvelines) : historique, distribution, effectifs, densités. Le Passer vol. 37 pp. 32-47.
BARTH, F. et FREY, C. (2004) - Forêt régionale de Ferrières-en-Brie : Inventaire ornithologique et préconisations de gestion. Centre Ornithologique Ile-de-France (CORIF) / Agence des Espaces Verts (AEV). 52 p.
COMOLET-TIRMAN, J. (1998) - Le Pic mar Dendrocopos medius dans le massif de Fontainebleau : premier bilan d’un recensement. Bulletin de l’ANVL 74-3 pp. 112-117.