Le Collectif Citoyen pour la Restitution et le Développement Intégré du Rail (COCIDIRAIL) a tenu lors du Forum Social Mondial Polycentrique de Bamako (FSMP) les 20, 21 et 22 janvier 2006 au Centre de Recherche sur l’Energie Solaire (CRES) et à la Maison des Cheminots Retraités un Séminaire sur l’avenir du chemin de fer (cas du Mali). Ce Séminaire du Cocidirail a rassemblé ses démembrements de Kayes, Mahina, Kalé, Toukoto, Oualia, Fangala, Boulouli, Bagouko, Kita, Kati et Bamako.
A l’issue de ces travaux marqués par des témoignages poignants des populations vivant le long du rail, une forte mobilisation des femmes et des retraités et une combativité impressionnante de tous les délégués, ainsi que l’expression de la solidarité de délégations étrangères (comme la CGT France, l’Association Lanaya) le Cocidirail a tenu à rendre publique la déclaration suivante :
– Considérant la concession désastreuse et illégale du chemin de fer à Transrail le 01 octobre 2003 ;
– Considérant les conséquences immédiates et lointaines catastrophiques de cette privatisation (licenciement massifs (618 déflatés), fermeture de gares induisant la destruction de l’économie locale, déperdition de l’expertise nationale, spoliation du patrimoine foncier et immobilier, endettement accru du Mali et du Sénégal pour acheter le matériel roulant à l’Inde et investir pour rénover le rail aux fins de le donner en exploitation pendant vingt-cinq ans à Transrail, qui refuse par ailleurs d’assumer la responsabilité du trafic voyageur) ;
– Considérant particulièrement un endettement effréné du Mali à hauteur de 11 milliards de F. CFA dont une partie, les 2 milliards de FCFA ayant servi à acheter les ballastes ;
– Considérant que Transrail transfèrent ce ballaste (que les maliens vont rembourser) pour aller poser des rails au Sénégal ;
– Considérant que le chemin de fer, vendu à l’origine aux privés canadiens CANAC et aux français GETMA est désormais propriété de la multinationale américaine SAVAGE Companies qui a racheté CANAC et du français « Jean Lefèbvre » - prête nom d’Abdoulaye Wade ;
– Considérant que ce sont ces privés américains et franco-sénégalais qui exploitent ensemble la ligne malienne.
– Considérant que pendant ce temps le Sénégal a conservé une partie de sa souveraineté sur les lignes intérieures du Petit Train Bleu (PTB) Dakar-Thiaroye, Dakar-Rufisque, Dakar-Kaolack ;
– Considérant que l’Assemblée Nationale du Mali, interpellée par les lettres et marches de protestation du Cocidirail a rejeté par trois fois cette concession inacceptable du gouvernement ;
– Considérant que l’Assemblée nationale a fini sous la pression du gouvernement morale et financière par dissoudre la Régie du Chemin de fer du Mali (RCFM) et légaliser Transrail le 17 janvier 2005, en avançant l’argument inconsistant « d’honorer la signature du Mali », en donnant en outre des financements supplémentaires à Transrail pour quelques réouvertures de gares et une reprise des trains intérieurs ;
– Considérant qu’en deux ans de privatisation, on assiste au déclin continu de la ligne du chemin de fer, marqué par de nombreux accidents, des conditions de voyages dégradantes et une violence inacceptable des gardes voitures notamment sur les femmes et les personnes âgées ;
– Considérant la destruction au lendemain de la privatisation d’une trentaine de voitures et wagons du chemin de fer, pourtant en bon état, mais qui ont été bradés à 10.000 frs pièce aux ferrailleurs ;
– Considérant que malgré toutes les promesses répétées, personne ne voit venir les nouvelles locomotives et voitures ;
– Considérant que les trains intérieurs Bamako-Koulikoro, Bamako-Kita et Mahina-Kayes sont toujours supprimés et que les bonnes traditions du train de Diassane, où la population pouvait voyager gratuitement ou a moitié tarif à l’occasion du Maouloud n’existent plus ;
– Considérant qu’on assiste aujourd’hui sous la pression de nos luttes à un semblant de réouverture des gares accentuant les pertes de bagages et les accidents (Il n’y a ni chef de gare, ni aiguilleurs dans des localités où les arrêts ne dépassent pas 2 minutes !) ;
– Considérant que dans le même temps Transrail amasse plus du milliard par mois, sans investir quoi que ce soit ;
– Considérant que le trafic marchandise a de tout temps été rentable au Mali ;
– Considérant la diabolisation et le licenciement arbitraire et illégal du Docteur Tiécoura Traoré, pour avoir osé, à la tête du Cocidirail et SYTRAIL, élevé la voix pour demander de « rendre le chemin de fer au peuple malien » ;
– Considérant l’inégalité continue de traitement (Salaires, Primes et Indemnités, pensions) entre les travailleurs sénégalais et maliens, malgré la grève du syndicat malien SYTRAIL, les 15 et 16 mars 2005 ;
– Considérant que la nouvelle grille salariale adoptée unilatéralement par Transrail entraîne au contraire une baisse de salaires, créant un grand mécontentement au sein des travailleurs actifs ;
– Considérant la perte intrinsèque des avantages sociaux anciennement acquis par les travailleurs actifs et retraités maliens et leurs ayant droits (permis de circulation, rente viagère, gratuité des soins médicaux) ;
– Considérant que malgré toutes ces conséquences catastrophiques, le président de la République Amadou Toumani Touré et les pouvoirs publiques maliens prétendent justifier par « le duga » (la mauvaise gestion) les privatisations non seulement du chemin de fer, de l’EDM et de la CMDT (prévue pour 2008), privatisations dont ils disent eux-mêmes, qu’elles ne sont « ’pas honorables » et qu’elles « tuent l’économie nationale » ;
– Considérant que les autorités n’ont aucune volonté de lutter contre le duga, la mauvaise gestion mais au contraire cultivent l’impunité ;
– Considérant que par la suite le gouvernement malien par la voix de son ministre actuel en charge de l’énergie et de l’eau, pour justifier la rupture du contrat de concession EDM Saur-International a affirmé que la privatisation de l’Energie a été « un échec » et que les concessions au Mali n’ont pas été un succès ;
– Considérant que la dite « mauvaise gestion » est d’abord le fait des pillages du gouvernement sur les caisses du chemin de fer et des autres sociétés ;
– Considérant que dans le cas particulier du chemin de fer la privatisation tire notamment sa source, non pas du « duga » et de la « mauvaise gestion », mais bien du sabotage des 14 locomotives de l’ex-Régie de Chemin de Fer du Mali (8 canadiennes, 4 américaines et 2 françaises) par une huile totalement inadaptée dénommée FINA ;
– Considérant que cette huile FINA a été imposée par Alpha Oumar Konaré et ses ministres en quête de marché pour leurs intérêts personnels et par le limogeage de tous les directeurs compétents qui ont combattu avec succès le duga et la mauvaise gestion et se sont opposés à l’achat de l’huile FINA ;
– Considérant qu’à cause de cette huile FINA, le Mali a ainsi perdu toutes ces locomotives au point de dépendre des locomotives du Sénégal (qui lui a expressément refusé l’huile FINA) ;
– Considérant que pour sa part, la responsabilité du Président ATT est également totale, car il a accepté après Alpha Oumar la « concession globale » du chemin de fer imposée par le Président de la république du Sénégal au lieu d’une concession partielle ;
– Considérant qu’ATT a dit à cet effet à Abdoulaye Wade le 23 septembre 2003 autour d’un plat de Thiéboudieune : « tu es l’aîné, tu dis ce qu’il y a à faire, nous l’exécutons » ;
– Considérant que ce propos d’ATT est venu après que lui-même, pendant la campagne pour son élection comme Président de la République, ait promis à toutes les populations du rail que « le chemin de fer ne sera pas vendu » ;
– Considérant qu’ATT n’a pas honoré les promesses qu’il a faites aux populations de la 1re région et que celles-ci constatent tous les jours qu’ATT respecte les promesses qu’il fait aux populations des régions du Nord du Mali.
En conséquence,
Les participantes et participants au Séminaire du Cocidirail sur l’avenir du chemin de fer :
– Déclarent que la concession du chemin de fer et les privatisations désastreuses qui l’accompagnent sont avant tout le résultat de la démission nationale et totale des dirigeants maliens, c’est à dire une volonté politique au profit des multinationales et d’eux-mêmes les dirigeants, contre les intérêts de la patrie et sous la pression du FMI et de la Banque Mondiale ;
– Appellent à la mobilisation nationale et populaire pour annuler cette concession et renationaliser le chemin de fer et tout notre riche patrimoine économique, culturel national et humain, y compris le ballaste et la terre qu’on veut vendre à présent au plus offrant, et d’abord aux multinationales et gouvernements étrangers ;
Se félicitant particulièrement que ce Séminaire de 2006 a été le plus grand rassemblement du Cocidirail depuis sa création le 31 août 2003, les participantes et participants se sont solennellement engagés à travailler d’arrache-pied pour développer et renforcer l’implantation des sections et sous-sections du Cocidirail dans toutes les localités de la ligne du chemin de fer ;
Les participantes et participants et leurs délégations proclament que c’est seulement un Cocidirail fort, représentatif et puissamment organisé qui pourra travailler avec succès à utiliser toutes les formes de luttes légales de masse nécessaires (déclaration, affichage, meeting, marche, protestation, campagne de pétition ou électorale, grèves, ville morte, occupation du rail etc...) pour atteindre ses objectifs ;
Les participantes et participants, conscients des fausses promesses électorales d’ATT en 2002, ont résolu à l’unanimité de ne pas voter et d’appeler à ne pas voter ATT lors des élections présidentielles en 2007 ;
A cet effet, le Séminaire engage toutes les participantes et tous les participants, toutes les sections et tous les comités de base, à mener d’ores et déjà campagne le long du rail pour convaincre les populations de faire de la restitution du chemin de fer au peuple malien le critère fondamental des élections de 2007. Il s’agit de refuser de voter pour tous les candidats présidentiels, législatifs et communaux qui démissionnent devant la sauvegarde de notre patrimoine national et l’intérêt des populations ;
Luttons partout pour :
– La réouverture immédiate et inconditionnelle de toutes les gares (en bonne et due forme) et le rétablissement de toutes les lignes intérieures du Mali (Bamako-Koulikoro, Bamako-Kita, Mahina-Kayes) et l’arrêt des violences des gardes voitures ;
– La lutte sans concession contre les dilapidateurs connus des biens publics, la lutte contre l’impunité par des sanctions ;
– La réintégration du Docteur Tiécoura Traoré dans tous ses droits et lui apporter solidairement un soutien moral et financier ;
– L’apurement des droits des licenciés et des déflatés et leur reclassement ;
– L’égalité de salaires, indemnités et primes d’ancienneté entre les travailleurs de Transrail ;
– La sauvegarde et le respect du bénéfice des avantages sociaux acquis aux cheminots de toutes les générations et leurs ayants droits (permis, rentes viagères, gratuité des soins médicaux) ;
– L’annulation des concessions et privatisations (non à la loi d’orientation agricole dite LOA ! oui à la renationalisation du chemin de fer).
Bamako les 20, 21, 22, 23 janvier 2006
Le Séminaire du COCIDIRAIL