Deux ministres à Colmar : l’affichage d’une volonté de passage en force
Communiqué de presse - 23 août 2010
En déplaçant deux Ministres sur la station de recherche de Colmar, le gouvernement démontre à nouveau que le développement des OGM en France est pour lui un objectif politique et non une question scientifique pour résoudre le problème du court-noué, maladie de la vigne. Le gouvernement est prêt pour cela à faire prendre aux vignerons français les risques d’une nouvelle crise commerciale résultant de l’introduction des OGM dans le vin, ainsi que d’une crise sanitaire pouvant résulter de la dissémination par les insectes de produits du transgène installé en milieu ouvert à Colmar.
L’autorisation donnée à cet essai au mois de mai dernier a été la première rupture du moratoire politique sur les cultures OGM instauré en 2008 [1]. La récente autorisation, en plein repos estival, de commercialisation de semences, et donc de culture, de deux variétés de maïs transgénique T25 du groupe Maïsadour confirme que le gouvernement essaye bien de siffler la fin de la résistance aux OGM.
La Confédération Paysanne demande pourquoi l’INRA ne communique que sur les recherches OGM alors qu’un de ses chercheurs de Montpellier a mis au point par des croisements traditionnels un porte-greffe non OGM résistant au court-noué qui sera très prochainement commercialisé.
Les déclarations répétées de l’INRA sur la nécessité de « développer des produits (transgéniques) « alternatifs » à ceux des grandes firmes » et celles de Ministres sur la possibilité d’autoriser les vignes transgéniques et d’envisager leur commercialisation ne cachent plus leurs intentions de passage en force. Les mots utilisés tels « alternatif » tout comme la méthode de « concertation » au sein du « comité local de suivi » de l’essai, qui n’a pas de rôle décisionnel, sont des outils de communication destinés à dissimuler ce passage en force.
On peut aussi s’interroger sur « l’indépendance française » face à ces grandes firmes, quand on sait que la technologie développée par l’INRA de Colmar est déjà protégée par deux brevets de la multinationale Monsanto et un autre de l’Université de Cornell, et que Monsanto a fait savoir depuis bientôt dix ans qu’il exigerait des droits de licence en cas de commercialisation des porte-greffe transgéniques de l’INRA.
L’agriculture n’a pas besoin des OGM ; la recherche doit travailler sur de réelles alternatives agronomiques adaptées aux besoins des paysans et aux attentes sociétales.
Confédération Paysanne
Arrachage d’un essai de vignes OGM : la fin d’une mise en scène publicitaire ?
Communiqué de presse - 15 août 2010
La Confédération Paysanne rappelle son opposition aux essais OGM en plein champ et demande l’arrêt de toute poursuite contre les faucheurs volontaires qui ont neutralisé ce matin des pieds de vigne transgénique à l’INRA de Colmar.
La poursuite de cette opération destinée à faire accepter, par les viticulteurs et les citoyens français qui n’en veulent pas, les recherches sur la mise au point de plantes transgéniques cultivées dans les champs, n’avait aucun sens. Sans fleurs ni raisins qui n’auraient pu être laissés qu’en milieu confiné, cet essai ne pouvait en effet donner aucun résultat scientifique valable sur les risques de transmission de l’OGM au raisin et au vin, ni sur son efficacité dans la lutte contre le court noué après la floraison de la vigne.
La Confédération paysanne conteste le choix de l’INRA de consacrer une telle part de son budget en amélioration des plantes aux seules manipulations génétiques brevetées et de n’attribuer que quelques miettes aux programmes de recherche alternatifs respectant l’intégrité du vivant et sa libre disposition pour tous.
Pour ce faire, la recherche publique doit s’attacher à rester indépendante des pressions de l’argent au détriment de l’éthique, tout particulièrement actuellement. La recherche agronomique doit être centrée sur les besoins réels de l’agriculture paysanne : l’INRA doit redonner à l’agronomie la place qu’elle n’aurait jamais dû abandonner, hier à la chimie, aujourd’hui à la manipulation génétique.
C’est pourquoi la Confédération paysanne travaille avec l’INRA dans d’autres cadres, notamment un comité de liaison constructif qui se réunit plusieurs fois par an. Elle y fait valoir les besoins fondamentaux pour l’agriculture et l’alimentation, les paysans et la société, centrés sur une meilleure connaissance des processus biologiques et des savoir-faire paysans pour donner du sens à une recherche publique et citoyenne.
Confédération Paysanne
Contact :
Véronique Villain, secrétaire générale de la Confédération paysanne et membre du comité de liaison Inra - Confédération paysanne : 06 12 94 51 18
Michel David, secrétaire national : 06 30 87 21 13
Guy Kastler, représentant au HCB : 06 03 94 57 21
Régis Hochart, membre du comité de liaison Inra -Confédération paysanne : 06 08 75 00 73
Réponse de la Confédération paysanne à la consultation du public sur la demande d’autorisation pour la prolongation de l’essai en plein champ de porte-greffes de vigne génétiquement modifiés pour résister à la maladie du court-noué
Bagnolet le 29/04/2010
Information à la presse :
Le court-noué : des recherches sur des alternatives plutôt que des OGM
Si le court-noué, maladie spécifique des porte-greffes américains utilisés pour combattre le phylloxéra, est effectivement important dans le vignoble français, ce n’est pas la seule maladie du bois. D’autres maladies, comme la flavescence dorée, qui impose chaque année plusieurs traitements obligatoires avec des insecticides neurotoxiques sur une partie très importante du vignoble, ou l’esca, contre lequel les viticulteurs ont aujourd’hui peu de moyens de lutte, sont bien plus préjudiciables et ne font pourtant pas l’objet d’un effort de recherche comparable.
L’expérience professionnelle viticole a depuis de nombreuses années mis à jour des méthodes pour lutter contre le court-noué : rotations culturales et jachère avant de replanter des plants exempts de virus. Tout en freinant le développement d’autres maladies liées à la monoculture de la vigne, ces pratiques ont l’avantage de permettre la reconstitution des réserves et des qualités physiques du sol avec des rotations de cultures adaptées. Par ailleurs d’autres expériences sont ouvertes par des professionnels : culture franc de pied et effets nématicides de certaines plantes. Tout ceci n’a pas suscité un effort de recherche suffisant.
Dans le cadre de la politique de diminution des pesticides, la maîtrise des pathogènes de la vigne nécessite l’installation dans les vignobles de zones de jachères, de haies et autres cultures permettant l’hébergement et la multiplication des insectes, oiseaux et autres micro-organismes auxiliaires. La diversification des cultures et les jachères générées par le repos du sol entre deux plantations de vigne constituent donc un service écologique et économique indispensable et non une perte, d’autant que la viticulture française et européenne est en crise de surproduction chronique depuis la création de la CEE. Chaque année, l’Union Européenne finance l’arrachage de centaines de milliers d’hectare de vignes dans le but de diminuer le potentiel de production. Dans de nombreuses régions, la suppression du repos du sol entre deux plantations de vigne est susceptible d’aggraver l’excédent de production et de provoquer un effondrement des cours du vin et donc une augmentation de la dépense communautaire liée aux primes d’arrachage et aux distillations exceptionnelles. Elle favoriserait aussi le développement d’autres maladies de la vigne transmises par les sols.
Il existe des solutions foncières (individuelles ou collectives), sanitaires (élimination des racines vivaces lors des arrachages, contrôle des pépinières), agronomiques (repos des sols et amélioration de la biologie des sols)...
Par ailleurs, les coûts de production des porte-greffes sains ne peuvent pas être attribués au seul court- noué : cette production vise en effet l’élimination de bien d’autres pathogènes.
Risques liés aux OGM vigne
Le court-noué n’a pas non plus les incidences économiques suggérées dans les documents fournis par le pétitionnaire, dans la plupart des vignobles de France. Dans les vignobles de grandes appellations, la forte plus-value incite les viticulteurs à replanter sans repos du sol malgré les risques sanitaires et écologiques engendrés par cette pratique. Le porte-greffe OGM ne peut cependant pas être considéré comme une solution dans ces vignobles car la plus-value réside pour beaucoup dans l’image de qualité du vin et de produit naturel, qui serait compromise par l’introduction d’OGM. Voilà pourquoi les producteurs d’AOC ont toujours demandé à l’INRA, sans être entendus, de privilégier les recherches de biologie et de physiologie, pour déboucher sur des voies alternatives aux OGM.
La mise sur le marché de porte-greffes OGM résistants au court-noué n’a donc pas d’utilité dans les zones d’appellation. Dans les autres zones, elle inciterait les viticulteurs à développer des pratiques agricoles néfastes d’un point de vue sanitaire, écologique et économique.
Cet essai présente d’autres nombreux risques :
Apporter le virus du court-noué, pour réaliser des expérimentations, dans une région viticole où il est quasiment absent et qui hébergeait il y a peu le dernier important réservoir français de vignes sauvages dont il reste probablement encore quelques exemplaires, constitue une menace inutile pour le vignoble local et pour la biodiversité.
Il est par ailleurs incohérent de proposer des essais OGM en plein champ avec des gènes de résistance aux antibiotiques, aucune évaluation des effets cumulés à long terme de la présence du gène nptII n’ayant été réalisée.
Les précautions de sécurité sont certes importantes, mais l’essai n’est pas protégé des insectes piqueurs suceurs susceptibles de transmettre de nombreux éléments viraux ou génétiques dans la chaîne alimentaire animale, ni des oiseaux. Ces insectes sont pourtant connus comme vecteurs de plusieurs maladies du vignoble, notamment la flavescence dorée.
Les doutes sur la pertinence d’un essai en plein champ
On peut s’interroger sur les motivations qui poussent le demandeur à ne pas effectuer cet essai en milieu confiné et au contraire à insister pour le poursuivre en milieu ouvert.
La suppression des fleurs était justifiée en prévention d’une dissémination de pollen vers les parcelles alentours. Elle limite cependant très fortement l’intérêt de l’essai en plein champ. Ne vaudrait-il pas mieux laisser l’induction florale et la fructification se faire et pratiquer l’essai en milieu confiné ? L’apport scientifique en serait certainement plus conséquent.
En effet, la vigne n’est cultivée que pour son fruit. La suppression des fleurs interdit toute étude sur le possible passage d’éléments du transgène dans le fruit ou le vin. L’induction florale et la fructification modifient de plus beaucoup le métabolisme d’une plante : aucune étude ne pourra donc être faite sur les modifications éventuelles de ces étapes de la vie de la vigne transgénique. L’expérience montre enfin que les plants issus de multiplication cellulaire « in vitro », obligatoirement utilisés suite à toute modification transgénique, présentent des différences importantes par rapport au cépage d’origine.
Les doutes sur la pertinence d’un essai OGM
La non commercialisation de possibles porte-greffes OGM reste l’orientation officielle de l’INRA. Néanmoins, tout essai de culture OGM, notamment en plein champ, est susceptible d’un développement économique ultérieur : la connaissance ou les techniques acquises et les moyens dépensés ne rendent pas le développement économique obligatoire, mais le rendent possible et de toute façon le stimulent.
Enfin, au-delà des risques encourus, et après avoir confronté nos points de vue avec l’équipe de l’INRA de Colmar il nous semble que l’intérêt scientifique de cette expérimentation devient secondaire devant la volonté d’utiliser cet essai controversé comme test sociologique et opération de communication, sur la capacité de la société et du monde professionnel viticole à accepter, malgré leur opposition, un essai en milieu ouvert.
Pour toutes ces raisons, la Confédération paysanne souhaite que l’INRA s’engage pleinement vers la recherche de solutions alternatives, dans une approche globale de la vigne et de son agro- écosystème. La Confédération paysanne est défavorable à la poursuite de l’essai tel que prévu en milieu ouvert. Nous ne trouvons pas d’intérêt scientifique à cet essai ; il est préoccupant vis-à-vis de l’environnement ; il est socialement injustifiable ; et économiquement, c’est un piège qui se refermera sur la production.
Contacts :
Guy Kastler (représentant de la Confédération paysanne au CEES du HCB) : 06 03 94 57 21
Alain Boullenger (vigneron à la Confédération paysanne) : 06 08 42 39 08
Michel David (secrétaire national de la Confédération paysanne) : 06 30 87 21 13