Dans l’histoire générale de l’Europe occidentale, on estime que le 18° siècle a amené les
droits civiques, le 19° siècle les droits politiques et économiques, le 20° siècle les droits
sociaux.
Ceci ne s’est pas fait facilement et au même rythme dans tous les pays. Le plus souvent il y a
eu des luttes sociales et politiques, des crises économiques, des conflits, des guerres, des
révolutions.
Depuis la fin du 20° siècle on constate un recul global des droits sociaux un peu partout, en
France, en Europe, dans tous les pays riches et développés. Les gouvernements et les patrons
disent qu’avec la mondialisation financière et économique chaque pays doit être plus
performant que les autres. Ils mettent en place partout une concurrence très forte entre les
économies, au prétexte de liberté du commerce et de libre-échange. Pour être plus
« compétitifs », ils font pression pour imposer des reculs sociaux, des baisses de pouvoir
d’achat du plus grand nombre des salariés, des conditions de travail plus difficiles, des
diminutions des moyens et des compétences des services publics. Une conséquence très
visible est l’augmentation énorme des inégalités entre une minorité de privilégiés et la grande
masse des populations.
Les origines de la protection sociale en Europe occidentale
La protection sociale qui a été mise en place progressivement avait pour but de protéger la vie
individuelle de chacune et de chacun contre les difficultés de la vie, et ceci, de la naissance à
la mort.
Elle comporte donc,
– des aides à la famille (en cas de naissance d’enfants),
– des aides face à la maladie,
– des aides face au chômage,
– des aides face aux maladies professionnelles et aux accidents du travail,
– des aides face à l’exclusion,
– des aides face à la vieillesse.
De nouveaux besoins de protection sociale apparaissent, compte tenu des évolutions
économiques, sociales, démographiques et des évolutions dans les genres de vie des
populations (de plus en plus de vie dans des villes ; de plus en plus de familles éclatées avec
des divorces et des séparations dans les couples ; de plus en plus de personnes âgées et
dépendantes pour leur vie quotidienne ; de plus en plus de mobilité et de précarité dans les
emplois, etc).
Cette protection sociale a un coût. C’est environ 1/3 du produit intérieur brut, 1/3 de l’activité
de ces pays riches, qui est utilisée pour ces solidarités : solidarités entre célibataires, couples
sans enfants, et parents d’enfants ; solidarités des personnes en bonne santé pour les
personnes malades, handicapées, dépendantes ; solidarités des personnes jeunes et en âge de
pouvoir travailler à l’égard des personnes âgées.
Ces sommes affectées à la totalité de la protection sociale représentent plus que ce qui est
utilisé par les Etats, les régions et les communes pour financer les travaux publics, les services
publics, les administrations.
Mais, en face de ces « coûts », il y a des contreparties énormes : une meilleure santé de la
population, et aussi donc une meilleure santé de la main d’œuvre ; des vies individuelles
moins pénibles et difficiles ; un climat social un peu amélioré ; des rentrées financières pour
de nombreux secteurs de l’économie (les industriels de la chimie et de la pharmacie, les
industriels de la santé, les maisons de retraite, etc).
Au cours du 19° siècle la solidarité s’exerçait essentiellement à l’intérieur des familles. Il était
important d’avoir beaucoup d’enfants pour espérer qu’ensuite ils pourraient travailler et aider
leurs parents devenus plus vieux. La plupart des familles vivaient à la campagne et plusieurs
générations vivaient sous le même toit, ce qui obligeait à un minimum de solidarité entre les
générations.
A côté, on pouvait rencontrer une « charité » venant des églises et de personnes riches qui
avaient leurs bonnes œuvres.
A la fin du 19° siècle et au début du 20° siècle , en Angleterre, en Allemagne, en France, aux
Etats-Unis, l’industrialisation s’est accélérée. Les populations se sont déplacées à l’intérieur
des pays et des migrations importantes se sont faites entre pays (de certains pays d’Europe
vers les pays d’Europe les plus industrialisés ; de l’Europe vers les Etats-Unis ; etc). Les
familles éclatent. Les solidarités anciennes sont plus difficiles et disparaissent
progressivement. Les luttes d’une part, et aussi les besoins de certains employeurs de se
conserver des mains d’œuvre disponibles et qualifiées, ont pu faire naître des systèmes de
solidarité, encore réduits et très insuffisants, à l’intérieur de certaines grandes entreprises : la
marine, les mines, les chemins de fer, etc.
Après la guerre de 1914-1918, progressivement, des systèmes de cotisations des employeurs
et des employés sont mis en place pour couvrir les accidents du travail, la vieillesse,
l’invalidité, la maladie.
Souvent cette solidarité était professionnelle, limitée à une entreprise ou à un secteur
professionnel, mais obligatoire dans ce secteur ou cette entreprise pour tous les salariés, et
toutes les entreprises du secteur.
Dans les années 1920-1940, les systèmes qui étaient accordés à une minorité de travailleurs
sont étendus à d’autres. Avec la crise de 1929 et l’augmentation brutale du chômage, une
solidarité spécifique pour les chômeurs est parfois mise en place.
La mise en place de la Sécurité sociale en France à compter des années 1945-1950.
Après la guerre de 1939 - 1945, les nouveaux rapports de force politiques dans chaque pays,
et particulièrement en France, comme les rapports de forces géopolitiques au niveau
international, conduisent à d’importantes évolutions législatives. En France, c’est à partir des lois de 1945 que toute une législation et une réglementation vont être arrêtées qui vont
construire progressivement le système de protection sociale qui a prévalu dans ce pays
pendant toute la période dite « des trente glorieuses ».
Progressivement la quasi-totalité de la population va bénéficier d’un système de protection
sociale, soit à travers un régime particulier, soit à travers le régime général. En 1945 le
législateur avait envisagé un système universel, identique et égal pour tous, mais ceci n’a pas
été possible, compte tenu des attitudes de certaines catégories sociales qui ne voulaient pas
« perdre » le niveau qui était déjà atteint par leur régime particulier (cheminots, électriciens,
mineurs, etc) ou qui ne voulaient pas cotiser à la hauteur de ce qu’exigeait le régime général
(professions libérales, artisans, commerçants, cultivateurs, etc).
Le financement des systèmes de protection sociale a toujours fait l’objet de débats
importants : soit par l’impôt, ce qui sous-entend que toutes les personnes d’un pays vont
relever de la protection sociale, quelle que soit leur situation face à une activité économique ;
soit par des cotisations, payées par les employeurs et par les salariés, ce qui sous-entend que
pour relever de ce système de protection sociale, il faut avoir tout d’abord cotisé.
En Allemagne, c’est le système de l’assurance professionnelle obligatoire qui prédomine. Des
cotisations sont payées en proportion des salaires et les droits sociaux sont justifiés par
l’exercice d’une activité professionnelle ou par un lien de parenté avec le travailleur.
En Angleterre, c’est le système du financement par l’impôt qui domine. Les droits sociaux
découlent de la citoyenneté.
Le système français fait recours à la fois aux cotisations, des employeurs et des salariés, et à
des taxes et des impôts plus ou moins directement affectés au financement de certaines
dépenses de sécurité sociale.
Les débats et les enjeux actuels de la protection sociale
Avec la mondialisation financière, la totale liberté donnée aux capitaux de circuler sur la
planète, au-delà des frontières, sans contrôles ni contraintes, à la recherche des plus forts
profits, tous les éléments moins mobiles que ces capitaux sont attaqués : salaires, services
publics, cotisations et impôts sur les capitaux et sur les activités des entreprises. Une des
conséquences, depuis une quinzaine d’années, est l’instauration de réformes régressives en
matière sociale dans de nombreux domaines : retraite, maladie, etc.
La politique familiale.
La politique d’aide aux familles peut se concrétiser de multiples façons : attributions de
congés spéciaux pour faciliter la maternité (jours de congés payés à la mère, avant la
naissance et après la naissance) ; attributions de jours de congés pour faciliter les premiers
mois de l’enfant (attribués à la maman et au papa) ; allocations financières directes pour aider
au financement de nourrices ou de personnes privées, ou ouverture de crèches et
d’établissements pour accueillir les très jeunes enfants. Pendant toute l’enfance et la jeunesse
des enfants, des aides peuvent encore être instituées ; c’est ce qui existe encore en France,
avec le versement aux parents, jusqu’à la majorité de leurs enfants, d’allocations
« familiales », en fonction du nombre d’enfants, ou avec une diminution de l’impôt sur le
revenu éventuellement dû par les parents en fonction de leurs revenus.
Il y a des débats constants : faut-il verser des « allocations » à toutes les familles qui ont des
enfants, y compris les familles qui ont des revenus et des patrimoines importants ? faut-il augmenter l’allocation versée dès le premier enfant et plus ou moins « plafonner » les
allocations à partir d’un certain nombre d’enfants ? à quel niveau faut-il plafonner les
avantages fiscaux liés à l’existence d’enfants dans le couple ? comment prendre en compte,
dans la carrière professionnelle des femmes et pour leur retraite ultérieure, le fait que ce sont
essentiellement les femmes qui interrompent plus ou moins longtemps leur activité
professionnelle pour assurer la garde des jeunes enfants ?
La politique de santé
Le financement se fait essentiellement, en France, par des cotisations sociales prélevées chez
les salariés et chez les employeurs, sachant que ces derniers ont de plus en plus d’occasions
d’être exonérées en tout ou partie, de certaines cotisations sociales (au motif d’aide à
l’embauche, d’aide à l’emploi, etc). A côté, existe, depuis le début des années 1990, une
Contribution Sociale Généralisée qui est payée plus ou moins par toutes les familles disposant
de revenus, et en fonction de ces revenus.
L’objectif est de couvrir les dépenses de santé des personnes par des cotisations d’une part, et
par des services publics d’autre part. Il s’agit des dépenses de visite médicale (visite chez un
généraliste, chez un spécialiste, est), des dépenses de médicaments achetés dans les
pharmacies, des dépenses liées à des traitements particuliers (masseurs, rayons, rééducation,
etc), des dépenses chirurgicales et des dépenses d’hospitalisation, des dépenses de
déplacement (ambulance), des dépenses de prévention pour anticiper sur des maladies futures
possibles (examens médicaux, etc) ….
Les politiques menées depuis une vingtaine d’années conduisent à augmenter le coût restant à
la charge directe de chaque malade qui doit, le plus souvent, payer plus de cotisation sociale
obligatoire, essayer de se financer une mutuelle ou une compagnie d’assurance privée qui
viendra prendre en charge tout ou partie du complément non remboursé par l’Assurance
maladie de la Sécurité sociale. Des médicaments, au préalable pris en charge par la Sécurité
sociale, sont rayés de cette prise en charge. Désormais, des personnes aux revenus modestes
n’ont plus les moyens financiers de se soigner, particulièrement pour tout ce qui est peu pris
en charge par la Sécurité sociale, dès lors qu’elles n’on,t pas les moyens de cotiser en plus à
une mutuelle ou à une assurance privée (soins dentaires, lunettes, appareils auditifs, etc).
L’hospitalisation est un enjeu de santé et un enjeu financier très important. Les
gouvernements actuels réduisent les moyens attribués au secteur public de l’hospitalisation et
favorisent les réseaux des cliniques privées dont certains sont maintenant côtés en Bourse.
Les débats portent toujours sur le financement de la médecine privée, sur le financement de
l’industrie pharmaceutique, depuis la production par l’industrie chimique jusqu’à la
distribution de détail par les pharmacies. Au prétexte de « responsabiliser » les malades, les
gouvernements laissent une partie de certains frais médicaux (médicaments, consultations
médicales) à la charge directe de ces malades. La conséquence directe est un recul de l’état
sanitaire des populations les plus modestes et le retour de certaines maladies (tuberculose, par
exemple).
La vieillesse.
En matière de retraite aussi, les attaques des gouvernements depuis une quinzaine d’années
ont été nombreuses.
Alors que le pays connaît toujours un chômage de masse (environ 10 % de la population en
âge de travailler), depuis 1993, par diverses étapes et réformes, l’âge de départ en retraite a
été repoussé. De fait, si l’âge légal est toujours de 60 ans, de nombreuses personnes sont
contraintes de travailler un peu plus longtemps (si elles le peuvent) pour essayer d’avoir une
retraite un peu moins faible. Normalement la retraite devrait représenter 75 % du salaire de
référence (celui des dix meilleures années de la carrière professionnelle d’une personne). Pour l’essentiel encore, malgré les nombreuses tentatives des gouvernements et du patronat, les
retraites en France fonctionnent toujours selon le système dit « de la répartition » : ce sont les
actifs d’aujourd’hui qui, par leurs cotisations prises chaque mois sur leur salaire, qui payent
pour les personnes qui sont en retraite aujourd’hui. Et le fait de cotiser aujourd’hui donne aux
actifs le droit de recevoir, « quand ce sera leur tour », une retraite, en fonction, plus ou moins,
du niveau de leur salaire d’activité et du nombre d’années pendant lesquelles ils auront
travaillé et cotisé.
Les attaques des banques et des organismes financiers sont constantes pour rendre inéluctable
un système fonctionnant sur la base de la capitalisation, où chaque individu aurait une retraite
en fonction de la rentabilité financière durant sa retraite des capitaux qu’il aurait pu amasser
durant sa vie professionnelle active.
Le chômage et l’exclusion.
L’aide aux chômeurs fait elle aussi l’objet d’attaques, de remises en cause et de reculs. Les
batailles s’opèrent déjà sur le recensement des chômeurs et des personnes « sans emplois ».
Régulièrement, des restrictions sont mises en place pour diminuer le nombre de chômeurs qui
pourront prétendre à indemnisation, pour réduire le niveau de leur indemnisation, pour
l’assortir de contreparties, etc. Les aides à la réinsertion sont particulièrement inefficaces ;
l’essentiel serait une politique économique et financière dynamique et créatrice d’emplois liée
à une politique de réduction du temps de travail ; mais c’est l’inverse qui est fait.
La dépendance.
Avec le vieillissement d’une partie de la population, des personnes âgées et très âgées ne
parviennent pas à assurer par elles-mêmes ou par leurs proches leur vie décente au quotidien.
Ces nouveaux besoins sont encore très loin d’être pris en charge solidairement par la
collectivité, tans par la protection sociale (maladie ou vieillesse) que par des services publics
territoriaux.
Le handicap.
Le handicap, qu’il soit physique ou psychique, peut frapper des personnes dès leur naissance,
ou au cours de leur vie, éventuellement en liaison avec leur activité professionnelle, par
maladie ou par accident. En France, la prise en charge des personnes handicapées est encore
très insuffisante dans de nombreux domaines : pour la scolarisation, la formation
professionnelle, l’accès à des emplois adaptés pour les travailleurs handicapés ; pour rendre la
ville et l’environnement plus facilement accessible aux personnes handicapées.