Le courage de ses positions
Fadela, Nico, Marga, Samy
Voter pour nos motions va permettre d’entériner :
1 La concrétisation du refus de positionner notre parti comme athée, et donc d’entériner l’entrée dans le parti des croyants portant ou non des signes religieux. Donc de femmes portant le foulard.
2. Le positionnement commun NPA dans le combat contre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie.
3. Une prise de position commune minimale sur le sens donné au port du foulard.
4. L’égalité de droits entre tous les militants en ce qui concerne la possibilité d’être candidats.
5. Q’une décision positive à ce propos nécessite que sa croyance religieuse soit sans ambiguïté secondaire comparativement à l’engagement qui est le sien dans le cadre des luttes sociales.
Il n’est sans doute pire sourd que qui ne veut pas entendre. Que chacun mène le débat pour faire avancer ses positions, c’est la moindres des choses. Sans avoir aucune information privilégiée, nous supposons que c’est ce que feront Ingrid et Galia (nos excuses pour la personnalisation, c’est pour aller plus vite), ensemble ou séparément. Le NPA en débattra. Notre sentiment est qu’il n’y a cependant aucune chance qu’en moins de deux mois on puisse surmonter des divergences aussi profondes.
Nos motions ne ferment pas ce débat ; elles le permettent. Pour plus tard. Quand nous pourrons approfondir toutes ces choses d’une manière plus apaisée, et après avoir affirmé en commun un minimum, si possible. Si des camarades ne veulent pas de ce minimum commun à tout le parti, libre à eux. La même question s’adresse à celles et ceux qui voteront « comme Ingrid ou Galia ».
Le ridicule ne tue pas en politique. Heureusement. Que tant de messages soient lancés (de bonne ou de mauvaise foi) pour reprocher à FMNS [1] de méconnaître, de refuser, voire de combattre le fait que des personnes puissent arriver à l’anticapitalisme par la religion pourrait finir par dégoûter quiconque de tout débat rationnel. On l’a dit mille fois (mais pas que nous : même Yvan et Galia l’admettent tellement c’est évident) : les voies qui mènent à l’engagement sont aussi multiples et impénétrables que celles du Seigneur. Il ne s’agit donc absolument pas d’une divergence sur ce point, mais d’un accord unanime. S’il fallait rechercher ce qui nous amenés tous et autant qu’on est au NPA…
Une théologie de la libération ?
Le débat, puisque débat il y a est tout autre, sérieux et légitime. Des camarades estiment que nous en sommes, en France aujourd’hui, au point qu’un phénomène comparable à la théologie de la libération est en route en Islam. Pas nous. Mais attention ! Il ne s’agit pas de suivre les réactionnaires islamophobes qui défendent que, par essence, l’Islam est incapable de donner une telle évolution. Il y a eu un Islam de gauche revendiqué, et il y en aura sans doute dans l’avenir. Toute religion donne des engagements soit progressistes soit réactionnaires. C’est une question de période et de lutte de classe, pas d’idéologie. Il s’avère qu’avec l’écroulement du communisme arabe (et dans l’aire musulmane en général, comme en Iran) et aussi celle du nationalisme progressiste (Nassérien entre autres), ce sont les réactionnaires qui dominent (Iran, Arabie Saoudite, Talibans, Pakistan, voire même Erdogan en Turquie…). Ce n’est pas éternel, il n’y a pas qu’eux, loin de là et heureusement, mais c’est ainsi.
Surtout (finalement c’est le seul débat important pour nous) ici en France non seulement aucun signe de « théologie de la libération » un tant soit peu consistant ne se manifeste, mais la question est ailleurs. La grande masse de l’aire musulmane de ce pays refuse de se manifester d’abord au nom de sa religion quand elle est de gauche, mais cherche au contraire la voie de l’égalité par-delà les appartenances religieuses. Et nous devrions nous NPA aller contre ceci ? Certainement pas. La ligne que nous devons défendre est celle de l’entrée par le social et le politique, pas par l’affirmation religieuse. C’est ce qui est de la responsabilité du NPA, c’est l’intérêt de toute la classe ouvrière, dans sa partie originelle comme chez les héritiers de l’immigration. Cela nécessite que l’on combatte les inégalités réelles qui bloquent ce mouvement unitaire : islamophobie, racisme, discriminations de tous ordres. Pas qu’on invente ou qu’on fige de soit-disant courants politiques musulmans.
Il n’est nullement scandaleux de défendre que seule l’affirmation musulmane au plan politique pourrait au contraire venir à bout des divisions racistes, c’est-à-dire défendre une entrée par la religion. Si c’est ce que l’on pense, on assume, on défend, on débat, on vote. On a le courage de ses positions. Sinon, en complet accord avec nos camarades de la CQP 13 [2] qui militent dans des associations majoritairement composées de musulmans (pratiquants ou pas), nous refusons de cliver les classes populaires en privilégiant non seulement des distinctions religieuses, mais aussi des distinctions entre pratiques religieuses au sein d’une même religion, en mettant en exergue le port du voile comme un étendard de la lutte contre le racisme et l’islamophobie.
Et donc on dit tout aussi clairement que la ligne proposée par la CQP13 unanime (celle qui a été enregistrée au CPN et contre laquelle s’élève Danièle Obono, c’est bien son droit) est la bonne. Et on arrête les faux fuyants. Mais voilà, il semble que ce pas soit tellement difficile à franchir ! Danièle a exprimé un désaccord non pas sur nos motions laïcité, mais sur la motion « travail dans les QP », et c’est cela que nous relevions. Voilà ce qu’elle dit : « Il y a bien, par contre, un point qui me semble véritablement faire désaccord. Les camarades renouvellent une affirmation d’un de leur commentaire à la motion 5 : « Pour l’instant, en France, pas plus dans le pays en général que dans l’immigration et ses héritiers, l’entrée politique et sociale par la religion (et donc par sa représentation) n’est pas une option crédible ni souhaitable ». Cette affirmation, je la conteste, même si je reconnais que le terme « fallacieux », utilisé dans un de nos commentaires, était effectivement peut être excessif, mais sans volonté ironique. Tout comme je conteste l’argument selon lequel « une phrase du même type issue de la résolution proposée par les QP13 a été intégrée à la résolution d’orientation sans soulever la moindre remarque des camarades ». Personnellement, je n’étais pas présente au moment où cette intégration a eu lieu, et je n’ai pas voté pour la version de résolution d’orientation à laquelle il est fait référence. Il n’y a donc pas « confusion », mais désaccord. »
Désaccord dit-elle. C’est clair, et c’est sérieux, comme elle le revendique. Ce désaccord éclaire beaucoup de coups de plume glissants dans les rédactions successives des projets d’amendement à nos motions. Il est pour nous inconcevable que des camarades aient pu à un moment proposer de faire voter les phrases suivantes à propos de la religion : « Le fait et le choix – dans un contexte particulier d’islamophobie, ou dans un milieu populaire où la religion est très présente – de la souligner est un choix collectif. Cela s’inscrit donc dans notre appel général à refuser les stigmatisations et divisions ». On a bien lu, « souligner la religion par un choix collectif ». C’est le cœur de la divergence.
Certes les camarades se sont ravisés, et c’est tant mieux. Par pur souci tactique ? C’est ce qu’il faudrait savoir. Pour cela il n’y a qu’un moyen : admettre et dire que la campagne au nom d’une « candidature musulmane » telle qu’elle a été menée le 8 mars à Avignon était une erreur. Mais les camarades jettent un… voile pudique sur cet épisode, préfèrent l’oublier, alors qu’il est parfaitement révélateur. Là encore, le courage de ses positions : c’était justifié ou pas ? Si c’est non, on le dit, et on passe à autre chose. Mais on ne voit guère alors si on le fait, ce qui empêche de voter nos motions, certes insatisfaisantes aux yeux de beaucoup, mais susceptibles d’emporter un accord minimum pour tout le parti.
Fadela (QP13), Marga (QP13 et CPN), Nico (QP13), Samy (CPN)
Aux militant/es anticapitalistes du « foulard ».
Jacques Fortin
Je ne suis pas obtus et je comprends bien le caractère contradictoire du port du foulard à échelle de masse dans nos pays. Il est le produit d’oppressions conjuguées (et non d’élucubrées oppressions croisées) :
– celle que fait peser la poussée religieuse réactionnaire mondiale sur les femmes, en l’occurrence musulmanes, avec le double stigmate misogyne qui est le sens vrai du port du foulard : soumission et impureté de « la femme »,
– celle qu’inflige le racisme capitaliste sur les populations de culture musulmane, qui leur fait retourner le stigmate en fierté et donc le foulard en drapeau de résistance (ce dont une fois de plus on « charge » les femmes !).
Que des milliers de femmes s’y mettent de bonne foi et/ou par conformisme, cela doit se respecter, il y a bien d’autres conformismes à contester. Mais ce respect ne saurait perdre de vue le sens ni la situation historiques.
Que des militant/es s’en réclament jusqu’à en faire une exigence au sein du NPA voire en entorse à la laïcité est bien moins acceptable, pour deux ou trois raisons.
Tout d’abord il est paresseux sinon fallacieux d’avancer l’argument de la simple spiritualité, comme si le stigmate misogyne de ce vêtement n’était qu’une affaire annexe. Pour des militant/es de l’émancipation sensé/es porter un regard lucide et critique ce n’est à tout le moins pas sérieux, le cas échéant de mauvaise foi.
Ensuite il y a de l’indécence, pour des militantes anticapitalistes, de tenir si fort à ce signe « spirituel » quand sa diffusion doit tout à des courants religieux des plus réactionnaires, et surtout que des centaines de millions de leurs « sœurs » y sont contraintes et forcées par les violences théocratiques.
Enfin ce signe est surtout l’ostentation de la différence radicale des sexes, de leur séparation « spiritualisée » donc ontologisée en loi universelle. Dès lors quelle éducation ces militant/es du foulard donneront-ils/elles à leurs enfant/es ? Quelle éducation sur l’égalité homme/femme ? L’égalité s’arrête-t-elle au port du foulard ? à qui le fera-t-on croire ? Alors, en miroir, quelle conséquence sur la façon d’être garçon ?
Sans parler de la liberté sexuelle et d’orientation qui viennent troubler le bel ordonnancement des femmes avec foulard et des hommes sans ?
Certes l’acharnement que mettent le racisme d’Etat et le racisme ordinaire à pointer cette question, est odieux, de là à théoriser... C’est une mauvaise tactique que de régler ses combats sur le terrain où l’adversaire veut nous cantonner. Sur le racisme et les discriminations il y a bien d’autres causes à saisir.
Après des années de réflexion sur la question, ouverte de ma part, ce n’est pas le droit au respect des milliers de femmes qui sont amenées à porter une coiffure qui ne passe pas, mais la revendication que des militantes anticapitalistes en font avec ceux qui les soutiennent, dans une grande désinvolture envers la vraie question et les vrais protagonistes : à qui cela profite-t-il ? aux racistes capitalistes ? aux courants théocratiques sexistes ? au machisme universel ? ou à l’émancipation des femmes ?!
Jacques Fortin
(Sans compter que cette coutume n’a rien de coranique).