Le général en chef de l’armée Prayut Chan-ocha affirme que la priorité absolue des militaires est de réprimer le mouvement des chemises rouges pro-démocratie et de défendre la monarchie. Récemment, il a déclaré que « toute personne est tenue, dans un acte de loyauté, d’empêcher certaines personnes de commettre des infractions contre la vénérable institution du pays parce que, sans la monarchie, on peut vivre, mais les choses ne seront jamais les mêmes ...". La vérité est que, sans la monarchie, les militaires ne sauraient pas comment légitimer leur brutalité.
Le point de vue de Prayut est soutenu par le général Wantip Wongwai, chef de la 3e armée, qui affirme qu’il existe un mouvement républicain important dirigé par Jakrapop Pencare et moi-même. L’armée va se rendre dans les villages et dire la vérité au peuple sur l’armée et la monarchie !
Les principaux comptes rendus sur la société et la politique thaïlandaise incluent toujours le cliché selon lequel « le roi est aimé et respecté par tous les Thaïlandais ». Ceci peut avoir eu une part de vérité à certaines périodes de l’histoire, mais cela ne prend pas en compte l’évolution constante de l’opinion publique ainsi que la répression sévère, en particulier l’utilisation de la loi lèse-majesté, et la propagande maniaques associés à l’idéologie de la monarchie. Aujourd’hui, il y a des gens qui purgent des peines allant jusqu’à 18 ans de prison pour avoir simplement critiqué la monarchie, mais, malgré cette répression il y a dorénavant un sentiment républicain important parmi des millions de citoyens. Le roi est ouvertement insulté et critiqué en public, surtout lorsque les manifestations se déroulent. La raison de ceci est que depuis 2006, les militaires et les conservateurs ont systématiquement détruit les droits démocratiques de millions de personnes qui ont voté pour le Thai Rak Thai, sous prétexte qu’ils « protégeaient la monarchie ». Le roi a également gardé le silence lorsque les militaires ont abattus des manifestants pro-démocratie en avril et mai 2010 et la Reine a ouvertement soutenu les fascistes du PAD ainsi que les actions de l’armée.
Il est ironique de constater que la majorité, aussi bien parmi les opposants que les partisans de la monarchie pense aujourd’hui que la Thaïlande est dirigé par le roi dans une sorte de système de monarchie absolue. Pour la plupart des républicains chemises rouges, le roi est la racine de tout le mal, a ordonné les coups d’État militaires et domine la politique pour son propre profit. Pour la plupart des royalistes, le roi est un monarque absolu, un monarque constitutionnel et un « dieu » tous à la fois ! La raison ne fait pas partie de la pensée royaliste. Cette convergence partielle de ces croyances est réalisée en imposant la vue et en socialisant la population comme quoi le roi est un dieu tout-puissant qui doit être aimé et craint. Aujourd’hui, des millions de chemises rouges ont commencé à haïr le roi, mais ils craignent encore son pouvoir. Pourtant, le pouvoir du roi est un mythe, créé dans un but idéologique par la classe dirigeante, en particulier les militaires.
Si nous voulons comprendre le rôle du roi dans la société thaïlandaise, nous devons comprendre la double action effectuée par l’armée et le roi. Dans la plupart des sociétés modernes les classes dirigeantes ont besoin, à des fins d’hégémonie, à la fois de contrainte et de légitimité. Les militaires et leurs alliés bureaucratiques ont leurs forces armées pour faire des putschs et manipuler la société politique. Le roi symbolise l’idéologie conservatrice qui donne une légitimité aux actions autoritaires des militaires et de leurs alliés. Il s’agit d’un double acte de « pouvoir » et de « légitimité idéologique ». Dans ce double acte, ce roi à la volonté faible n’a aucun pouvoir réel, mais c’est un participant volontaire.
L’armée est intervenue dans la politique et la société depuis la révolution de 1932 contre la monarchie absolue. C’est dû en partie parce que le Parti du peuple dirigé par Pridi Panomyong avait trop compté sur l’armée au lieu de construire un parti de masse pour organiser la révolution. Pourtant, c’est aussi un cliché que de dénombrer le nombre de coups d’État qui ont eu lieu afin d’affirmer que la Thaïlande est en proie à des putschs. Le pouvoir de l’armée n’est pas illimité et il s’appuie sur l’idéologie de la monarchie et une alliance avec les hommes d’affaires, les technocrates civils et les politiciens corrompus, afin de compléter ses moyens violents de coercition.
Lors des moments importants de l’histoire, la puissance de l’armée a été considérablement réduite ou maintenue à distance par des mouvements sociaux et des soulèvements populaires. Ceux de 1973 et de 1992 sont de bons exemples. Il serait plus exact de dire que l’armée est un important centre de pouvoir parmi d’autres. Les autres centres de l’élite sont les grandes entreprises, les politiciens patrons et les bureaucrates de haut rang. Ce qui est unique dans le cas de l’armée, cependant, est son armement et sa capacité décisive à renverser des gouvernements à travers des coups d’Etat. Les militaires ont un monopole sur les moyens violents de coercition et ils ont été préparés pour réprimer avec des armes à feu les manifestants non armés dans les rues. Le dernier exemple s’est produit en avril et mai 2010, lorsque plus de 90 personnes sont mortes. Auparavant, les militaire ont tirés sur des manifestants désarmé en 1973, 1992, 2004 et 2009 et en 1976, la Border Patrol Police, une force de police paramilitaire créée pour lutter contre le Parti communiste de Thaïlande (CPT), a été utilisé, avec des foules fascistes, afin d’assassiner et de brutaliser des étudiants à Bangkok.
L’armée a toujours eu un problème quand elle essayait de légitimer ses actions en citant « la démocratie ». Par conséquent, elle s’est fortement appuyée sur l’aide de la monarchie pour revendiquer sa légitimité. Dans le même temps, les militaires ont également été nécessaires pour promouvoir la monarchie. Ce processus a été initié dans les années 1960. Aujourd’hui, les militaires prétendent toujours qu’ils sont « les protecteurs de la monarchie » et qu’ils sont « les serviteurs du roi et de la reine ». Nous voyons régulièrement des photos des généraux, soi-disant aux ordres de la royauté, en train de poser. Pourtant, il y a des généraux qui servent réellement le Palais. Ce dernier coopère volontiers à cet arrangement, gagnant ainsi beaucoup de richesse et de prestige. Revendiquer la légitimité de la monarchie est une façon d’entretenir la peur de critiquer l’armée parmi la population et la loi draconienne de lèse majesté est en place pour étayer cette thèse.