Juin 1956, l’Egypte élit un nouveau président, Gamal Abdel Nasser.
Issu d’un groupe de jeunes officiers nationalistes, il va annoncer le 26
juillet 1956 la nationalisation immédiate du canal de Suez, ainsi que
sa volonté de bâtir un pays indépendant et au service de sa population.
Passage stratégique pour les communications maritimes et militaires,
le canal de Suez est la propriété d’une compagnie anglo-française, qui contrôle
aussi une zone de chaque côté du canal. Après 1945, tous les empires coloniaux
sont soumis à de fortes contestations internes. L’Angleterre met en place en
Egypte un nouveau royaume (!) formellement indépendant. Un coup d’Etat mili-
taire verra l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération de nationalistes.
Nasser va ainsi devenir le leader qui désire unifier les différents Etats arabes
créés par les puissances coloniales et se détacher de leur tutelle économique.
Un nouveau contexte mondial
Nasser a compris que les luttes de libération nationale ont créé un espace poli-
tique mondial. Le monde arabe peut utiliser cette situation.
Nasser veut garder les immenses bénéfices issus de l’exploitation du canal de
Suez afin de moderniser le pays et répondre aux besoins de base d’une population très pauvre. Le projet de barrage à Assouan, pour réguler les crues du Nil et
produire de l’électricité, nécessite un financement colossal. Devant les conditions inacceptables posées par les banques étrangères, puis le refus de finance-
ment des Etats-Unis, Nasser va exiger le départ des troupes britanniques qui
occupent la zone du canal, puis annoncer sa nationalisation. En Egypte et dans
le monde arabe, c’est la liesse. Enfin un chef d’Etat qui tient tête aux
Occidentaux et qui prend des mesures concrètes. A Londres et Paris, c’est la
consternation. La peur d’une extension du nationalisme arabe justifie une réaction immédiate. Le principe d’une
action militaire est rapidement
acquis.
La France veut aussi supprimer le soutien matériel apporté par l’Egypte au
FLN, l’organisation qui mène la
guerre d’indépendance en Algérie.
L’Angleterre est dirigée par un gouvernement conservateur, la France
par un gouvernement socialiste, avec
à sa tête Guy Mollet. Peu importe,
l’essentiel est de maintenir les restes de l’empire colonial et de faire une
démonstration de force.
Défaite militaire, triomphe
politique pour Nasser
Guy Mollet va impliquer rapidement
Israël dans cette alliance. L’attaque et
l’occupation du Sinaï par Israël précédera le débarquement et le parachutage anglo-français. Les attaques
surprises israéliennes permettent
d’occuper le Sinaï, avec la couverture
aérienne de l’armada franco-britannique, qui débarque à Port-Saïd début
novembre. Les forces armées sont
totalement disproportionnées, la surprise a avantagé les assaillants.
Politiquement, l’opération va tourner
au désastre. La France et l’Angleterre
devront retirer leurs troupes et
admettre la perte définitive du canal.
L’agression va donner un élan politique aux idées nationalistes et progressistes dans le monde arabe.
L’indépendance est légitime et doit
aussi être économique. Les richesses
des pays doivent servir à lutter contre
la pauvreté, les nouveaux régimes
parlent de transition vers le socialisme.
José Sanchez
* Denis Lefebvre, Les secrets de l’expédition de
Suez. 1956, Ed Perrin, 2010.