Pape d’une transition qui dure, Benoît XVI met progressivement en place les structures dont héritera son successeur et peaufine les thèmes qui marqueront son pontificat. Les deux jours de consistoire, rassemblement de tous les cardinaux du monde, convoqué les 19 et 20 novembre pour accueillir 24 nouveaux « princes de l’Eglise », résument à leur manière les défis auxquels Benoît XVI est confronté et ceux qui occuperont son successeur.
Si, au Vatican, on se refuse à évoquer un tournant - « ce consistoire constitue un moment important, mais on espère que Benoît XVI en convoquera d’autres ! » souligne-t-on dans son entourage -, certains observateurs voient dans ce rassemblement un « pré-conclave », en prévision de la succession de Benoît XVI, âgé de 83 ans. La publication d’un livre d’entretiens, le 23 novembre, parachève l’impression que l’heure est au bilan pour ce pape, au pontificat plus dense qu’attendu.
Lors de leur première journée « de prière et de réflexion », vendredi 19 novembre, Benoît XVI et les prélats (140 sur 203 ont fait le déplacement) ont évoqué cinq thèmes, parmi lesquels la liberté religieuse dans le monde, la liturgie, la main tendue de Rome aux anglicans, mais aussi « la réponse de l’Eglise aux abus sexuels » commis par des religieux sur des mineurs. Une première sur ce sujet délicat que le pape, face à la série de scandales révélés ces derniers mois, a abordé de manière plus frontale que son prédécesseur. Le choix de traiter de cette question devant l’ensemble des cardinaux rend désormais délicate l’occultation de ces sujets dans l’institution. Certains cardinaux ont d’ailleurs suggéré d’enquêter dans les pays non occidentaux et le Vatican a annoncé la publication d’une circulaire destinée à tous les évêques pour « un programme coordonné et efficace » de lutte contre les abus sexuels.
Le thème de la liberté religieuse, abordé par le pape lui-même, a aussi fait écho à l’une des préoccupations majeures de Benoît XVI. « Nous nous trouvons dans un moment difficile pour la liberté d’annoncer la vérité de l’Evangile et les grands acquis de la culture chrétienne », s’est-il inquiété, dans une allusion à la « dictature » du relativisme qui caractérise, selon lui, les sociétés occidentales et qui risque de « détruire la liberté religieuse ». Son numéro deux, Tarcisio Bertone, a même évoqué un climat de « christianophobie », selon l’un des participants.
Ces déclarations s’inscrivent dans la droite ligne de la « nouvelle évangélisation » que le pape s’efforce de promouvoir dans les pays de tradition chrétienne, au rythme de voyages qu’il réserve désormais aux seuls pays européens ; Allemagne, Espagne et Croatie sont les trois déplacements prévus en 2011.
Attendu sur la liberté religieuse dans les pays musulmans, alors que les chrétiens d’Irak ont été désignés comme « cibles légitimes » par Al-Qaida, le Vatican a rappelé les conclusions du récent synode consacré aux chrétiens d’Orient. Les évêques avaient souligné les difficultés des minorités religieuses, victimes de l’islam radical et soumises à l’islamisation des sociétés dans lesquelles elles vivent.
La création de 24 cardinaux, samedi, symbolise par ailleurs la tonalité que le pape Benoît XVI entend donner au conclave (assemblée des 121 cardinaux électeurs âgés de moins de 80 ans) qui devra choisir son successeur. C’est la troisième vague de cardinaux nommés par Benoît XVI depuis son élection. Avec ces nouvelles créations, le pape aura personnellement nommé 50 des 121 cardinaux, soit 45 % du futur conclave. Or, en dépit de l’évolution de l’Eglise catholique, en perte de vitesse en Europe mais qui connaît une réelle vitalité en Asie et en Afrique, ces prélats sont encore majoritairement occidentaux (62 Européens et 15 Américains), avec une prime aux Italiens, qui représentent 20 % de l’ensemble. Trois figures de l’Eglise d’Afrique et deux évêques latino-américains font toutefois leur entrée au Sacré Collège, mais le tropisme européen du pape se confirme.
Cette procédure vient compléter une série de nominations qui, au fil de ces cinq années de pontificat, ont dessiné une curie modelée par Benoît XVI. Fait exceptionnel, il a même créé un nouveau dicastère, (ministère) consacré à la nouvelle évangélisation. Mais, s’il a changé les hommes, Benoît XVI n’a guère touché au fonctionnement de son gouvernement, au cloisonnement jugé contre-productif. A la tête des neuf congrégations et des onze conseils dont dispose le pape pour gouverner l’Eglise, 15 responsables sont désormais des hommes de Benoît XVI. Cela va du très conservateur espagnol Antonio Canizares, à la congrégation pour le culte divin (liturgie), au plus progressiste Gianfranco Ravasi, au conseil pour la culture. Difficile pourtant de parler d’un nouveau souffle. Ces hommes plutôt âgés, que Benoît XVI connaît personnellement pour avoir travaillé avec eux, sont pour beaucoup issus de la curie.
Stéphanie Le Bars
* LEMONDE | 20.11.10 | 13h18 • Mis à jour le 20.11.10 | 13h18
Arrière, Satan !
Le préservatif peut être, dans certains cas, un moindre mal... C’est le pape qui le dit, tout en réaffirmant le contenu des encycliques. L’Eglise catholique a toujours procédé ainsi : par des virages très doux, à peine perceptibles, qui lui permettent de durer éternellement en s’adaptant avec retard à toutes les évolutions sociales.
L’Eglise orthodoxe de Grèce pratique une autre méthode : l’immobilité absolue. Elle vient encore de le montrer en exigeant que le chiffre 666 ne figure en aucun cas, « ni de manière visible, ni de manière invisible », sur les futures cartes d’identité informatisées des citoyens grecs. Le gouvernement d’Athènes a promis de tenir compte de cette exigence spirituelle.
Pour les mathématiciens, 666 est l’entier naturel qui suit 665 et précède 667. Mais, pour les évêques de Grèce, il représente toujours « le nombre de la Bête », celui de Satan. Il faut dire que l’Antéchrist a mille façons de piéger les préservatifs, si l’on considère la somme des carrés des nombres premiers : 2² + 3² + 5² + 7² + 11² + 13² + 17² = 666. Eh oui ! Pour compléter cette étude, rappelons que la peur du chiffre 666 s’appelle en français hexakosioihexekontahexaphobie.
Robert Solé (Billet)
* Article paru dans le Monde, édition du 23.11.10. LEMONDE | 22.11.10 | 14h20 • Mis à jour le 22.11.10 | 14h20.