Déclaration publique de l’Association des Ex prisonniers politiques chiliens en France
Après douze années d’instruction et d’interminables démarches judiciaires, administratives et diplomatiques, la justice française poursuivra en justice au Tribunal de Grande Instance de Paris, entre le 8 et le 17 décembre, quatorze représentants de la dictature militaire chilienne (1973-1990).
Ce procès est le fruit de la volonté acharnée, maintenue sans failles durant plus de trente ans, des familles des victimes qui n’ont jamais obtenu justice au Chili où la loi d’Amnistie n’a jamais été abrogée. Les associations qui se sont constituées parties civiles, dont la nôtre, se veulent un soutien et une caisse de résonance pour rendre sa véritable importance à cette démarche de recherche de vérité et justice élémentaires.
Les accusés mis en examen sont, d’une part, de hauts officiers des forces armées et de la police de Pinochet et un ex-officier argentin, hommes de main du régime et, d’autre part, des civils acteurs ou complices de crimes. Dans leur ensemble, ils n’ont pas reconnu le droit des tribunaux français de les juger pour des crimes commis contre des citoyens français, raison pour laquelle ils seront jugés en absence.
Responsable de la disparition et de l’exécution sommaire de plusieurs milliers de Chiliens, le régime du Général Pinochet est cette fois-ci spécifiquement accusé par la justice française de l’arrestation-disparition de quatre citoyens français : Jean-Yves Claudet, Alfonso Chanfreau, Georges Klein et Etienne Pesle.
Bien qu’il ne s’agisse que de quatre cas parmi d’innombrables autres victimes, ce procès illustre l’absolue nécessité de juger ces crimes et de permettre à la justice, même hors de frontières chiliennes, de s’exercer de façon libre, indépendante des pressions et des intérêts politiques.
Notre association appelle l’opinion publique française à s’intéresser et à suivre ce procès, extraordinaire à plus d’un titre. Nous appelons aussi nos concitoyens chiliens vivant en France ou ailleurs à se joindre à nous pour apporter leur soutien aux familles des victimes.
Paris, le 15 novembre 2010
Aexppfrance hotmail.com
Site : chiliveriteetmemoire.org
Déclaration publique de FAL
Il y a 40 ans, France Amérique Latine naissait de l’engouement international provoqué par l’Unité Populaire chilienne qui voyait l’accession de Salvador Allende au gouvernement et le début d’un large processus de mobilisation en faveur d’un socialisme démocratique.
Quelques mille jours plus tard, le Coup d’État s’abattait sur le Chili, théâtre d’une répression sanglante et d’atteinte aux droits humains sans précédent.
FAL est toujours restée fidèle au Peuple chilien et s’est donc constituée partie civile, représentée par sa Présidente déléguée, Maître Sophie Thonon, pour le procès que la France ouvrira le 8 décembre à Paris contre 14 membres ou collaborateurs éminents de la dictature chilienne pour la détention et disparition de 4 franco-chiliens, Alphonse CHANFREAU, Jean-Yves CLAUDET, Georges KLEIN et Etienne PESLE.
Après l’arrestation de Pinochet à Londres, en Angleterre, grâce à l’action entreprise par le juge espagnol Balthazar Garzon, et le procès en cours à Rome contre Alfonso Podlech, responsable de la disparition d’un Italien, ce sera la troisième action judiciaire internationale contre des responsables d’un terrorisme d’état.
Nous appelons tous nos militants et le public en général à suivre de près ce jugement et à participer aux activités qui seront organisées en collaboration avec les autres associations parties civiles, pour l’établissement de la Vérité, la condamnation des coupables et la mise en place d’une jurisprudence internationale.
Une soirée de restitution du procés aura lieu le vendredi 17 décembre à Paris, Mairie du 3e arrondissement.
Le Bureau de France Amérique Latine
Paris le 24 novembre 2010
direction franceameriquelatine.fr
Site : franceameriquelatine.org
Pourquoi il faut lutter contre l’oubli et l’impunité
Pour Louis Joinet [Rapporteur de la Sous-Commission des droits de l’homme des Nations unies relative aux questions d’impunité des auteurs des violations systématiques des droits humains civils et politiques], la lutte contre l’impunité se base sur quatre principes fondamentaux.
Le droit à la vérité sur le sort des victimes et sur l’histoire de son pays est un droit pour les citoyens et un devoir de mémoire pour l’Etat. Le droit international fait obligation aux Etats qui ont ratifié les textes protecteurs des droits humains d’enquêter sur la violation de ces droits.
Le droit à la justice : toute victime doit avoir la possibilité de faire valoir son droit à un recours équitable et efficace, qui mène à une sanction juridique de son oppresseur. Un procès même symbolique permet aux victimes d’être reconnues en tant que telles et de rendre inacceptable le sentiment et la volonté d’impunité des bourreaux. Si l’oppresseur est malade ou vieux, on pourrait dire que la sanction est moins importante en soi que la symbolique du procès. Dans le cas Pinochet, il importait peu que le vieillard Pinochet, 93 ans, fasse de la prison ou pas. Il importait grandement que le dictateur Pinochet fut jugé et condamné pour les crimes contre l’humanité commis par son régime.
Un devoir de réparation envers les victimes et leurs familles est inclus dans de nombreux textes internationaux ou régionaux. La réparation doit consister en une pleine restitution des droits à la situation antérieure, une réparation par rapport aux conséquences et une indemnisation des dommages y compris le préjudice moral.
La reconstruction de l’Etat de droit : l’expérience mondiale de l’impunité montre qu’elle rend impossible la (re)construction d’un Etat de droit vraiment démocratique et suppose un recul juridique de l’Etat de droit. La grande leçon est que dorénavant, les dictateurs militaires ou civils et leurs agents pourront vraiment être traduits en justice pour des crimes contre l’humanité, où que ce soit dans le monde, et qu’ils le savent.
La réconciliation
A ceux qui seraient tentés de considérer que des principes de justice pourraient constituer une entrave à la réconciliation nationale et que la réconciliation serait mise en danger par la justice, Louis Joinet répond : « ces principes ne constituent pas des normes juridiques strictu sensu mais des principes directeurs destinés, non à tenir en échec la réconciliation, mais à endiguer les dérives de certaines politiques de réconciliation afin que, passée la première étape faîte de conciliations plutôt que de réconciliation, l’on puisse construire le socle d’une réconciliation juste et durable. Pour pouvoir tourner la page, encore faut-il l’avoir lue ! La lutte contre l’impunité n’est pas qu’une question juridique et politique ; sa dimension éthique est trop souvent oubliée » [Dans le Rapport final sur l’Administration de la Justice et les droits des détenus, question de l’impunité des auteurs des violations des droits civils et politiques, rapport n° 1996/119 de la Sous-Commission des Droits de l’Homme, publié le 2 octobre 1997, document E/CN.4/Sub.2/1997/20/Rev.1 des Nations unies. Document diffusé par l’Equipe Nizkor-Espagne.]
En effet, au nom de la réconciliation, c’est trop souvent aux victimes de montrer de la bonne volonté. N’oublions pas que, au Chili, la droite politique actuelle dont la très grande majorité des membres a été fermement pinochétiste durant la dictature, n’a jamais reconnu les violations aux droits humains, les justifie ou fait semblant de croire que ce furent des excès.
Des pinochétistes notoires ont été nommés à des postes administratifs importants par le président Sebastián Piñera en 2009 et 2010…
La lutte contre l’impunité et l’oubli doit continuer.