Le scandale du Mediator aura entre autres un mérite : ouvrir le débat sur la politique du médicament. Le lanceur d’alerte : la revue médicale Prescrire, qui forte de ses 29 000 abonnés, refuse « subventions, publicité et actionnaires ». Son diagnostic sur la politique du médicament est sans appel : « Manque d’indépendance des agences publiques chargées de l’évaluation des médicaments, tant à l’échelle nationale qu’européenne, pharmaco-vigilance abandonnée aux firmes, formation et information des professionnels de santé majoritairement produites et financées par l’industrie elle-même, décisions publiques où les intérêts économiques ont pris le pas sur la sécurité des populations. »
Car les 500 morts du Mediator, avec l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui refuse de retirer le médicament, ne sont pas des cas isolés. L’efficacité du buflomedil n’est que marginale, il favorise les convulsions, il est toujours en vente !
En 2004, MSD retire du marché le Vioxx et indemnise les patients à hauteur de 3, 64 milliards d’euros. Son anti-inflammatoire de la famille des coxibs favorisait les infarctus. Pourtant l’an passé, MSD lance en France son petit frère de la même famille, l’Arcoxia. Alors que les autorités de santé américaines refusent sa mise sur le marché, l’Afssaps l’autorise. Alors que la commission de transparence refuse d’abord son remboursement, elle l’accepte dans un deuxième temps !
Scandale sanitaire, mais aussi scandale des prix. On ne compte pas les médicaments qui ne sont guère que la copie d’un médicament plus ancien, et qui obtiennent prix élevés et prolongation des brevets. On ne parle pas du vaccin Gardasil, contre le cancer du col de l’utérus, dont chacune des trois injections coûte 123, 66 euros, remboursées à 65 % par la Sécurité sociale, donc notre salaire, alors que son efficacité reste encore largement à démontrer. Certains veulent tuer la Sécu, d’autres ont décidé « d’en profiter ». Avec l’accord complice des gouvernements de droite et de gauche qui délivrent les autorisations de mise sur le marché et fixent les prix, baissent le taux de remboursement, mais acceptent des prix incroyables pour des médicaments aux bénéfices incertains… sauf pour les poches des labos.
Il ne faut pas seulement mettre l’industrie pharmaceutique « sous contrôle ». Trop souvent, elle concentre ses recherches sur les marchés solvables, et « oublie » d’investir pour trouver un vaccin contre le paludisme ou le sida. Hier, elle n’hésitait pas à mettre en procès le gouvernement sud-africain qui osait produire des génériques pour lutter contre le sida. Le médicament n’est pas une marchandise. Il doit faire partie des biens communs de l’humanité.
Les axes de la recherche doivent être le fruit de confrontations citoyennes et scientifiques indépendantes, à l’échelle internationale, la production ne doit pas respecter les sacro-saints brevets et le droit de propriété. Les médicaments indispensables doivent être distribués gratuitement. Cela ne peut se faire qu’en retirant l’industrie pharmaceutique du marché, qu’en socialisant recherche et production, sous le contrôle indépendant des citoyens et des scientifiques.
Frank Cantaloup
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 85 (13/01/11).
MEDIATOR : 500 DÉCÈS QUI POSENT LA QUESTION DE L’INDÉPENDANCE !
Il aura fallu attendre 2009 et l’acharnement du docteur Irène Frachon pour que le Mediator des laboratoires Servier, accusé d’avoir causé plus de 500 morts, soit retiré du marché par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Une attente coupable puisque cet antidiabétique, largement utilisé comme coupe-faim, avait été retiré du marché américain dès… 1997. En France, la revue indépendante Prescrire avait déjà tiré la sonnette d’alarme sur ce produit responsable de destruction des valves cardiaques.
Un scandale de plus pour l’Afssaps, une autorité vampirisée par sa collusion avec les laboratoires pharmaceutiques. Sur 675 personnes siégeant dans cette organisation, 62, 4 % déclarent avoir des intérêts dans l’industrie pharmaceutique. Une structure publique censée être « indépendante », mais financée (en 2003) à 83 % par l’industrie pharmaceutique et à seulement 6, 4 % par l’État, qui devrait s’en retirer définitivement en 2011.
Ce scandale sanitaire a fait gagner 1 milliard d’euros au groupe français Servier. Son PDG avait reçu la Légion d’honneur de Sarkozy en personne avec ces mots : « Vous n’avez eu de cesse de prendre des risques […] Vous critiquez l’empilement des normes, des structures et vous avez raison. »
C’est dire que Sarkozy n’a pas peur de confier notre santé aux labos et aux assureurs. Dans le nouveau gouvernement, en charge de la santé : Nora Berra qui travaillait pour les laboratoires entre 1999 et 2009 ; Xavier Bertrand, un ancien responsable des assurances ; Roselyne Bachelot, une autre ancienne de l’industrie pharmaceutique. Après avoir organisé la casse de l’hôpital public avec la loi HPST, elle va piloter le dossier de la « dépendance », annoncée par Sarkozy comme la « grande réforme » de la fin du quinquennat. Si on se souvient que les experts de sa grippe étaient en fait liés à l’industrie de la vaccination, on voit dans quel sens iront ses « solutions », celle des assurances privées.
* Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 79 (25/11/10).