Une cérémonie doublement exceptionnelle doit se tenir dimanche 30 janvier dans la ville des Lilas (Seine-saint-Denis). Une nouvelle église va être inaugurée et consacrée par l’évêque de Saint-Denis, Mgr Pascal Delannoy, une première dans ce département depuis de nombreuses années. Mais, fait plus rare encore, c’est la municipalité (PS) qui va remettre aux responsables catholiques du diocèse les clés de ce nouvel édifice religieux, entièrement payé par la ville. A l’heure où l’hypothèse de financer la construction de lieux de culte musulman par des fonds publics se heurte au respect de la loi de 1905, qui interdit de subventionner les cultes, le projet des Lilas, conforme à cette même loi, mérite explication.
Le nouvel édifice cultuel, qui aura coûté 4,6 millions d’euros à la mairie, a été construit pour se substituer à une église bâtie à la fin du 19e siècle et devenue vétuste. « L’ancienne église de la ville est un bâtiment communal, au même titre qu’une école ou une crèche », explique le maire des Lilas, Daniel Guiraud. « A ce titre, c’est à la ville de veiller à son entretien et à la sécurité des personnes qui l’utilisent ». Or, selon la mairie, la rénovation de l’église existante, la seule sur la commune, aurait coûté plus cher que la construction d’une nouvelle.
DES SOMMES QUI NE SONT PAS CONSIDÉRÉES COMME SUBVENTIONS
La loi de 1905 a donné un droit de propriété à l’Etat, aux départements et aux communes sur les édifices cultuels qui leur appartenaient avant 1905, et notamment les églises catholiques. Les autres cultes ayant accepté de se constituer en associations cultuelles, leurs bâtiments ont été mis à leur disposition, à charge pour eux d’en assurer les réparations. La religion catholique a refusé cette option mais les collectivités publiques ont néanmoins mis les églises à la disposition de l’institution catholique. La loi du 13 avril 1908 a permis à l’Etat, aux départements et aux communes d’engager les dépenses nécessaires à l’entretien et à la réparation des édifices du culte dont ils sont propriétaires. En 1942, un alinéa ajouté à la loi de 1905, a précisé que ces sommes ne sont pas considérées comme des subventions.
En vertu de ces textes, la réalisation d’une nouvelle église a été envisagée il y a une dizaine d’années par l’ancienne municipalité des Lilas. Aux commandes de la ville depuis 2001, le nouveau maire a entériné le projet. « On peut toujours se demander pourquoi une collectivité publique finance un tel investissement alors que la religion est une affaire privée. Mais c’est un héritage de l’histoire et du droit », ajoute l’édile qui ne souhaite pas s’interroger plus avant sur la pertinence de la loi centenaire.
« La loi de 1905 suppose que la République garantit l’exercice du culte, souligne le spécialiste de la laïcité Jean Baubérot. Si on considère l’esprit de la loi, on peut estimer que cette garantie se doit d’être effective. Si l’on s’en tient à la lettre, elle ne prévoit pas de constructions nouvelles ».
Stéphanie Le Bars
* LEMONDE.FR | 29.01.11 | 17h32.