Nous, organisations et mouvements sociaux, populaires et de
masses d’Asie et du Pacifique de diverses
origines sociales, culturelles et politiques, sommes
assemblés du 2 au 7 janvier 2003 au Forum social
d’Asie à Hyderabad [1], en Inde. Nous sommes réunis
pour échanger nos expériences et élever nos voix
contre la mondialisation néolibérale, l’impérialisme, le
militarisme, le patriarcat et le fondamentalisme.
Nous nous rencontrons à Hyderabad, ville dont on
proclame qu’elle est un symbole du cyber-monde en
Inde. Mais c’est aussi la capitale d’un État connu pour
les suicides tragiques de centaines de fermiers et de
tisserands, sans compter les morts par la faim, suite à
l’impact de la mondialisation néolibérale des années
récentes. L’histoire réelle de l’État est celle des luttes
de populations courageuses.
Aujourd’hui, en fait, l’ensemble de l’Asie est une fois
encore le centre de la pauvreté, de la guerre et de
l’intolérance, avec ses masses populaires confrontées à
la famine, à l’appauvrissement, au déplacement, à
l’endettement et à la destruction de leurs moyens
d’existence.
L’impérialisme a pris l’Asie pour cible par des offensives
militaristes et économiques pour obtenir des avancées
stratégiques qui révèlent un besoin avide de pétrole. La
menace imminente d’une guerre à l’Irak par les États-
Unis d’Amérique nous met tous en péril, nous qui avons
été les témoins de la guerre du Golfe, du
bombardement de l’Afghanistan et de l’occupation
continue de la Palestine. Les interventions politiques et
militaires américaines en Asie sous prétexte d’une
guerre au terrorisme - en particulier en Asie du Sud, du
Sud-Est et de l’Est - nous ont amenés au bord de la
guerre nucléaire. Pendant ce temps, dans toute la
région, les citoyens sont soumis et contrôlés par des
lois non démocratiques et draconiennes imposées par
des régimes complices. Cela a favorisé un discours
hypocrite sur le terrorisme et la sécurité tout en
marginalisant et attaquant les luttes populaires pour la
survie, les moyens d’existence, les droits, l’insertion et
l’autodétermination. Toutes ces pressions sont en train
d’engendrer les formes les plus virulentes du patriarcat
et de l’oppression des femmes asiatiques.
L’impact du capitalisme et de la mondialisation
néolibérale continue de se faire sentir dans toute la
région et d’affecter les vies de chaque femme, homme,
adolescent et enfant. Ces effets entraînent une
augmentation généralisée des taux de pauvreté et
l’élargissement du fossé entre riches et pauvres. Cela a
également provoqué une dégradation croissante de
l’environnement et de l’écologie qui a pour résultat
l’extension des maladies et de la mort, menaçant la
survie même de la planète. Les attaques contre les
économies de tous les pays de la région ont amené la
perte totale d’autosuffisance, la désindustrialisation, la
privatisation et la destruction des ressources naturelles
en terres, eaux et forêts, ainsi que le recul des
protections du travail. L’agriculture et les petites
industries de village s’effondrent en raison des
importations et des suppressions de subvention. La
promotion des droits capitalistes de la propriété et la
mécanisation sans discernement par les
gouvernements et les multinationales éradiquent les
connaissances, les savoir-faire et les moyens
d’existence de la population. Les activités combinées
de la Banque mondiale, du FMI, de la BAD (Banque
africaine pour le développement), des agences de
crédit à l’exportation, des AOD (Assistance officielle au
développement) [ODAs : Official Development
Assistance] et de l’OMC sapent volontairement et
délibérément notre souveraineté économique et
politique en détruisant les économies locales et
nationales. La dette continue d’être utilisée par les
institutions financières internationales et les pays
créditeurs pour maintenir nos pays dans un esclavage
financier et économique.
Le capitalisme et la mondialisation néolibérale mettent
aussi en danger les vies des populations et accentuent
les multiples formes d’exclusion des éléments
marginalisés. Les plus affectés sont les femmes, les
enfants, les populations indigènes, les intouchables, les
minorités ethniques, les populations tribales, les
travailleurs de secteurs non syndiqués ou saisonniers
et d’autres groupes socialement exclus. Tout cela a
causé une baisse des salaires, un chômage massif et
une augmentation des prix qui font croître l’indigence
en entraînant les terribles conséquences du travail des
enfants et du trafic des femmes et des enfants.
L’éducation, la protection infantile, la santé, les
transports, tout devient privatisé et les coupures de
subventions aboutissent pour les pauvres à une
absence de services et de sécurité alimentaire. En
même temps, les instances d’exclusion se manifestent
par la suppression des protections sociales et de la
discrimination positive, la montée de la violence et de la
discrimination contre les groupes vulnérables, éliminant
les diversités sociales, ce qui force encore davantage
les minorités à se conformer aux points de vue
dominants et accroît fortement les manigances qui font
s’opposer des groupes les uns contre les autres.
À mesure que s’installe la mondialisation néolibérale,
l’espace démocratique à l’intérieur des États-nations se
rétrécit, avec la montée en puissance d’affirmations
identitaires fondamentalistes, intolérantes et violentes
et l’augmentation des puissances répressives de l’État
et des élites, qui engendrent des violations flagrantes
des droits du citoyen et de la personne.
En conséquence, nous décidons de poursuivre et de
renforcer la solidarité pour résister à la domination
impérialiste. Dans les jours qui viennent, il faudra - et
nous nous y emploierons - intégrer de nombreux autres
mouvements sociaux dans cette dynamique de
résistance et développer des processus transparents et
démocratiques afin de coordonner les activités et les
actions.
Non seulement nous croyons qu’UN AUTRE MONDE
EST POSSIBLE mais qu’UN AUTRE MONDE EST
NÉCESSAIRE ! Nous affirmons notre foi dans des
solutions alternatives fondées sur l’équité, la justice
sociale, les droits de la personne et le socialisme !
Nous sommes déterminés, en particulier, à poursuivre
les campagnes et la lutte et à faire avancer des actions
communes dans les secteurs suivants :
– Résistance à l’impérialisme : l’attaque américaine
imminente de l’Irak, l’intensification de ses interventions
militaristes dans la région, sa possible déclaration
unilatérale de guerre contre n’importe quel pays. En
particulier, nous organiserons une journée commune
d’action de protestation contre la guerre à l’Irak. Nous
exigeons l’élimination totale de toutes les armes
nucléaires.
– Résistance aux politiques et aux structures non
démocratiques de la mondialisation. En particulier, faire
avorter la prochaine réunion ministérielle de l’OMC de
Cancun.
– Défense de la démocratie, des valeurs séculaires et
de la sécurité de la population.
– Opposition au fondamentalisme religieux et à la
violence communautaire, ethnique, de caste et celle
fondée sur la discrimination sexuelle.
– Revendication du droit du peuple au travail, à
l’énergie, à la nourriture, à l’eau, à la terre, aux autres
ressources naturelles, à l’instruction, à la santé et aux
transports publics.
– Opposition à la privatisation, au désinvestissement et
à l’attaque des droits du travail.
– Abandon du développement fondé sur le capital
étranger et mobilisation des ressources nationales pour
soutenir un développement durable et équitable des
économies intérieures et des modes de vie de la
population. Exiger l’annulation de la dette.
Note
1. Capitale de l’Andhra Pradesh, Deccan, 4 300 000 hab. (N.d.T.)