Majorité relative, mais équilibre instable. Après le vote de 3.550 militants (sur 6.000 revendiqués, mais pas tous « à jour de cotisation »), le NPA aborde son premier congrès, deux ans après sa fondation, dans une relative inconnue. Si la direction sortante autour d’Olivier Besancenot arrive en tête des votes militants (avec 40,8%), elle va devoir composer lors du congrès de ce week-end avec deux autres orientations au poids quasiment similaire : les « identitaires » (28,3%) partisans d’une ligne plus révolutionnaire, et les « unitaires » (27,2%) tenants d’un rapprochement avec le Front de gauche. Une dernière position, que l’on pourrait qualifier d’anarcho-syndicaliste (la « P4 »), recueille 3,4% [1].
« La principale inquiétude pour nous est dans la participation, bien plus faible que lors de la dernière consultation (en décembre 2009, avec 4.500 votants et « plus de 8.000 cartes » revendiquées), reconnaît Pierre-François Grond, proche de Besancenot. Cela montre qu’on est aujourd’hui dans un parti à plusieurs vitesses, qui a du mal à intégrer tout le monde dans le collectif, avec des niveaux d’engagement militant différents. Pour autant, la direction progresse en pourcentage et le texte de réponse à la crise [2] est largement majoritaire, ce qui nous laisse entrevoir une certaine stabilité. »
En 2009, le NPA était déjà tiraillé en trois, sur la stratégie électorale à adopter aux régionales [3]. Cette fois-ci, elle a un poil repris la main (40,8% contre 36% alors). Mais va toutefois devoir composer, au risque de continuer à ménager la chèvre unitaire et le chou identitaire. « C’est assez classique, tempère Grond, la LCR a longtemps fonctionné comme ça. En 2006 encore, la “majo” de la Ligue n’avait fait que 48%… »
Représentant au conseil politique national pour la « P2 », Gaël se félicite de « la vitalité de la discussion et du débat au sein du NPA, ce qui est bien pour un parti neuf ». Lui attend du congrès qui arrive qu’il « défini(sse) ce qu’on va dire et faire dans les luttes dès le 14 février, et pas en 2012. Pour cela, on aura une conférence en juin. Il sera bien assez tôt pour parler d’un candidat ». Il estime que « ce qui nous rassemble largement, c’est la volonté d’en découdre et d’arrêter de subir. Si on ajoute les contextes tunisien et égyptien, la question de la révolution n’a jamais été autant d’actualité, bien plus en tout cas que de savoir s’il faut Mélenchon ou un candidat du NPA à la présidentielle ! ».
Quelle volonté unitaire ?
Représentante du courant minoritaire Convergence & alternative (qui a soutenu la « P3 »), Danielle Obono estime que « la direction sortante est en partie sanctionnée sur son bilan contrasté, et pas qu’au point de vue électoral. Le NPA garde une capacité de mobilisation non négligeable, mais n’est pas LE parti des luttes, et n’est pas parvenu à être décisif dans une victoire sociale ».
Selon elle, les résultats traduisent « une certaine division qui perdure, conséquence des idées vagues et des formulations floues. Le parti navigue à vue depuis un an au moins ». Et d’interroger la direction, avant le congrès : « Il faut faire le choix d’un contenu et d’une orientation clairs, qui seraient menés jusqu’au bout. Arrêter le zig-zag entre la “P2” et la “P3”. Là, il faut un signal ! » Elle et ses camarades minoritaires espèrent désormais convaincre les délégués, lors des débats du congrès, de pencher vers un rapprochement du Front de gauche.
Plus mesuré, l’ancien candidat aux européennes Omar Slaouti (passé progressivement de la direction à la « P3 ») se dit « optimiste » pour le congrès : « On risquait de se regarder en chiens de faïence. Finalement, on va juste avoir une direction qui va devoir faire un choix entre deux lignes à légitimité égale, sans qu’aucun débat stratégique soit définitivement tranché non plus, car un événement social peut resurgir à tout moment. » Et d’après lui, les signes envoyés par Besancenot « ne sont pas si négatifs ».
Dans une interview donnée lundi à Libération, le porte-parole (qui n’a pas encore décidé s’il quittait son poste à l’issue du congrès) envisage de « proposer de fédérer les forces anticapitalistes qui s’activent au sein du mouvement social, et travailler à une candidature de rassemblement ». Tout en rejetant dans la foulée Jean-Luc Mélenchon (« Ce qu’il nous propose, c’est un ralliement, pas l’unité »).
Mélenchon et le Parti de gauche ont malgré tout saisi l’occasion du rassemblement anti-capitaliste, en envoyant une « adresse au NPA » ce mardi en début d’après-midi. Il y est notamment écrit : « Nous espérons que vous confirmerez vraiment cette volonté pour que nous puissions ouvrir les discussions. Mais soyons clairs entre nous : cette ouverture doit être une vraie ouverture et non un prétexte pour préparer un nouveau refus après celui des Européennes et des Régionales. Elle ne peut donc être assortie de l’exclusion par principe d’une candidature ou d’un type de candidature qui de facto reviendrait à éviter toute candidature de rassemblement sans le dire. »
Les « unitaires » du NPA espèrent de leur côté « sortir du congrès avec une réponse à cette adresse », sans être sûrs de parvenir à convaincre la majorité. Et il se pourrait qu’un appel à « une candidature de la gauche sociale ou altermondialiste » fasse office de point d’équilibre.
Féminisme et laïcité, puis huis clos...
Autre question qui pourrait agiter le congrès ce week-end, la résolution sur « religion, féminisme et laïcité », alors que les défenseurs de l’une des motions présentées, dites « d’Avignon » (parmi lesquels la candidate au foulard des dernières régionales Ilham Moussaïd), ont récemment quitté provisoirement le NPA. Objet de vifs déchirements internes, qui traversent toutes les tendances et générations du parti, le débat devrait surtout avoir lieu sur « la question de la représentation ». En clair : une militante musulmane et voilée qui aurait un discours clair sur la laïcité et le droit des femmes peut-elle être candidate ?
Selon une grosse moitié de bulletins dépouillés, le résultat des votes donnerait une majorité à la motion des « féministes historiques intransigeantes », mais une plus grande encore aux amendements soumis par « les Marseillais », prônant un peu d’ouverture, et notamment l’acceptation de la représentation politique pour les femmes voilées, assorties de conditions.
La question, que tous espèrent consensuelle mais que plus encore redoutent conflictuelle, aura lieu au deuxième jour du congrès, samedi matin. Ensuite, les votes et l’élection de la direction se passeront à huis clos. Contrairement au congrès de fondation, où toutes les sessions plénières étaient ouvertes à la presse. « C’est un moment où il faut que tout le monde puisse dire ce qu’il a envie de dire », explique Pierre-François Grond, qui espère « un congrès de sortie de crise ». En espérant ne pas endurer dimanche une crise de sortie de congrès.
Stéphane Alliès, le 9 février