Comme pour beaucoup de pays d’Afrique, les évolutions politiques parfois brusques d’aujourd’hui s’expliquent en partie par leur histoire coloniale. Au Soudan, le colonisateur britannique s’est appuyé sur une élite arabe et, lors du processus de décolonisation, c’est tout naturellement que les clefs du pouvoir lui ont été remises en refusant l’option fédérale qui pourtant correspondait mieux à la diversité du pays.
Ainsi, dès l’indépendance, le Soudan a connu une première guerre civile appelée Anyanya (venin de serpent) qui prit fin en 1972 avec les accords d’Addis-Abeba qui ont octroyé une large autonomie au Sud-Soudan où les populations sont chrétiennes mais surtout animistes. En 1983, le président Gaafar al-Nimeiri tente d’imposer la charia à tout le pays, ce qui déclenche la seconde guerre civile. Elle est menée par le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM en anglais) dirigé par John Garang, ancien combattant de la première guerre civile. L’ambition affichée de Garang est la construction d’un « Nouveau Soudan » où les citoyens auraient des droits identiques et les différentes régions seraient traitées à égalité. Ce projet remettait en cause le pouvoir de Khartoum détenu par les militaires islamistes, s’enrichissant des revenus pétroliers et marginalisant les populations du Sud mais aussi du Darfour. Mais certains courants du SPLM, comme celui de Salva Kiir, se prononçaient pour l’indépendance du Sud-Soudan.
En 1989, Omar El-Béchir fait un coup d’État soutenu par l’armée et le courant islamiste minoritaire dans le pays. Béchir accentue le pouvoir islamique et la charia. Il accueille Ben Laden et Al Quaida. Après l’attentat du World Trade Center en 2001, il offre des gages aux États-Unis pour éviter de se retrouver dans la ligne de mire de Bush et entame des pourparlers de paix avec le SPLM.
L’accord de paix du 9 janvier 2006 prévoit la tenue d’un référendum d’autodétermination pour le Sud-Soudan. La mort de Garang dans un accident d’hélicoptère quelques semaines après la signature permet à Kiir de prendre la direction du SPLM et de l’orienter vers la ligne de l’indépendance du Sud-Soudan. Cette perspective rencontre l’assentiment des populations fatiguées par le mépris et le harcèlement de Khartoum et des États-Unis qui entendent faire contrepoids à la Chine très présente dans le pays et affaiblir Omar El Béchir, jugé peu fiable.
Le nouvel État risque d’être rapidement confronté à de terribles difficultés par manque d’infrastructures, d’hôpitaux, d’écoles mais aussi de personnels qualifiés, conséquence des décennies de marginalisation. Les populations restent très divisées du fait des guerres meurtrières qu’elles se sont mené. La gestion de la manne pétrolière continuera en grande partie de dépendre de Khartoum car le pipeline traverse le Soudan. Les frontières ne sont toujours pas négociées et la direction du SPLM, à la tête du nouvel État, est extrêmement corrompue, mais la liberté retrouvée et les dynamiques de révolution dans les pays arabes peuvent changer bien des choses…
Paul Martial