Des enjeux importants pour la Chine
La zone en question a attiré l’attention depuis plus d’un an car le changement de contexte y est notable. Les tensions se sont ravivées tout au long de l’année 2009, l’armée chinoise ayant remilitarisé le conflit par des attaques répétées de bateaux vietnamiens principalement des bateaux de pêcheurs.
Ces îles sont inhabitées et du point de vue juridique et historique, elles devraient être en territoire vietnamien. Mais trois guerres en 56, 74 et 88 ont conduit à l’occupation de ces cailloux par les militaires chinois. Ils occupent maintenant la totalité des îles Paracelles et une partie des îles Spratley, ces îles étant toutes ou en partie revendiquées par le Vietnam, les Philippines, la Malaisie et même Taiwan et Brunei…
Les îles sont sur les voies d’acheminement des hydrocarbures et près des voies maritimes les plus empruntées au monde. 90% du pétrole acheminé en Chine, en Corée du Sud et au Japon passe par le détroit de Malacca. Le premier problème est donc pour la Chine d’assurer la sécurité des pétroliers qui le fournisse.
La possession des îlots permet à la Chine d’étendre sa zone de contrôle en mer de Chine du sud.
Les sous sols pourraient eux-mêmes contenir du pétrole en plus des ressources marines importantes comme le poisson.
Enfin, notons que la Chine se sert de ce type de conflits à des fins de politique intérieur. Elle utilise les supposées « atteintes à la souveraineté nationale » pour exacerber le sentiment nationaliste, nouveau ciment de l’unité nationale dans une Chine devenue capitaliste et au développement social plein de contradictions.
Des changements sensibles
Durant une grande partie de la décennie, la Chine a cherché à convaincre ses voisins que sa montée en puissance économique était une opportunité, que la Chine n’avait pas de volonté hégémonique sur la région. La devise de Deng Xiaoping « faire profil bas et rester en retrait » était le fil directeur de la diplomatie chinoise. Dans ce cadre, la RPC a rejoint tous les forums multilatéraux de la région. Elle a développé des accords économiques bilatéraux et multilatéraux favorisant le renforcement de l’intégration économique régionale. La Chine apparaissait pour beaucoup de voisins comme un atout ayant favorisé la sortie de crise après 1997, et tous souhaitaient clairement obtenir des avantages économiques en ayant accès au formidable marché intérieur chinois.
Sur le plan de la sécurité la Chine a soldé 17 des 23 conflits territoriaux qui l’opposent à des pays d’Asie du Nord-est, d’Asie du Sud-est ou à l’Inde. Les conflits non réglés avaient été plus ou moins mis en veilleuse.
Cette période a aussi coïncidé avec un relatif désengagement des États-Unis dans la région, l’administration Bush étant polarisée par les guerres en Afghanistan et en Irak, et par sa « guerre au terrorisme ». Cela ne déplaisait pas à la Chine qui dans le même temps, concentrait ses efforts sur son développement économique.
Parallèlement à sa montée en puissance économique, la Chine a développé et modernisé son armée, forte de 2 millions d’hommes. Au plan naval, les changements de la décennie ont été spectaculaires au point d’effrayer des voisins qui s’interrogeaient sur le sens de cette expansion navale. En 10 ans, la marine chinoise s’est imposée dans la région avec 66 sous marins dont 5 sous marins nucléaires, des destroyers, des frégates, des bateaux amphibies, des patrouilleurs. Selon des observateurs, la marine chinoise devrait avoir son premier porte avion militaire à l’horizon 2012. Cela devrait lui assurer la maîtrise des airs sur l’ensemble de la région. Les USA pensent que la Chine a développé un missile balistique qui lui permet de viser des portes avions et donc menacerait le déploiement des porte avions américains dans le pacifique occidental. Les missiles chinois auraient la capacité d’atteindre toutes les bases militaires américaines dans le pacifique, y compris les bases de Guam et Okinawa. Enfin, la marine chinoise a développé tout un système de matériels électroniques, radio, radars, etc. qui lui permet de surveiller ce qui se passe dans le pacifique.
Quelles tendances émergent à travers ce conflit ?
Jusqu’à récemment, la Chine a mis en avant le slogan de « développement harmonieux » pour rassurer ses voisins inquiets par le développement de sa puissance militaire et économique. Aujourd’hui, la devise de Deng Xiaoping « faire profil bas, rester en retrait » ne semble plus d’actualité. A mesure que la pénétration économique s’est accrue, la politique de la RPC s’est faite de plus en plus agressive tant du point de vue économique que militaire : La Chine utilise sa puissance économique comme levier pour défendre ses propres intérêts. Sur le plan militaire, la marine chinoise se fait aussi plus agressive comme le montre le conflit des îles Paracelles et Spratley.
La Chine se conduit comme une puissance impérialiste. Elle utilise tous les instruments d’un État capitaliste pour défendre ses propres intérêts. Ainsi, on ne peut pas se satisfaire de la montée en puissance de la Chine, même pas au niveau économique, en arguant que cela contrebalance l’hégémonie politique américaine dans la région.
Sur le plan militaire, la Chine ne cherche pas à rivaliser avec la puissance militaire américaine qui reste incontestablement et de très loin la première puissance mondiale. Pour donner un ordre d’idée, en 2008, les dépenses militaires des USA ont représenté 48% des dépenses militaires mondiales totales. Si l’on compare pour l’année 2009, Les USA ont dépensé environ 719 milliards de dollars soit 4% de son PIB contre 100 à 150 milliards de dollars pour la Chine (les chiffres officiels chinois sont inférieurs), ce qui représente environ 1,4% de son PIB. La puissance militaire de la Chine reste très inférieure à celle des États-Unis. Mais elle a développé une force navale qui lui permet de rivaliser en Asie dans une guerre asymétrique. Cela lui a permit de développer sa puissance sans se ruiner et mettre en danger son développement économique.
Le premier objectif du développement de la marine militaire chinoise est de lui-permettre d’assurer sa sécurité et ses intérêts et en particulier la protection des navires commerciaux qui transitent par le détroit de Malacca, une zone de piraterie à haut risque. Pour autant, de nombreux observateurs pensent que son objectif n’est pas de cantonner ses navires le long des côtes chinoises mais bien d’avoir une marine qui opère du Moyen orient à la seconde chaine d’îles dans le Pacifique qui se déploie du Japon à la Papouasie occidentale en passant par l’île de Guam au delà des Philippines, c’est-à-dire dans une zone directement sous domination américaine.
Cela n’est pas sans conséquence sur les rapports entre la Chine et les USA dans la région. Certains experts doutent de la puissance de la marine chinoise mais elle a atteint un objectif important : les USA regardent maintenant à deux fois avant de s’approcher des côtes chinoises et leur hégémonie sur la région est remise en cause.
La Chine considère toute la zone allant de la mer Jaune au détroit de Malacca comme son arrière cours et elle entend y faire sa loi. Ceci est étayé par l’importance qu’a pris le conflit autour des îles Paracelles et Spratley. La RPC a fait savoir qu’elle considérait ce conflit d’égale importance à la question de Taiwan, du Tibet ou du Xinjiang. En termes diplomatiques, cela signifie qu’elle ne laissera personne entraver ses intérêts sur le sujet.
Les pays de la région sont évidemment très inquiets de cette politique de plus en plus agressive, combinaison de soft et de hard power. L’équation qu’ils ont à résoudre est compliquée. Ils aimeraient à la fois garantir les bénéfices qu’ils tirent de la coopération économique avec la Chine mais dans le même temps une grande partie aimerait garantir sa sécurité par la présence politique et militaire américaine dans la région. Ils marchent sur des œufs à la fois pour ne pas fâcher la Chine et parce que dans de nombreux pays de la zone, les gouvernements ont à faire face à une opinion anti-américaine.
Malgré cela, beaucoup ont salué la diplomatie déployée par la nouvelle administration Obama qui a fait savoir rapidement qu’elle était de retour dans la région. Depuis un an, cela s’est matérialisé par la signature de toute une série d’accords sur le plan militaire, un réengagement avec les forces spéciales KOPASSUS indonésiennes responsables des massacres au Timor, le développement d’une coopération militaire avec le Vietnam, des déploiements de force à travers des exercices militaires en Thaïlande et en Corée du sud, un redéploiement de la flotte américaine dans le pacifique. Enfin, citons la signature d’un accord avec le Vietnam pour le développement du nucléaire civil dans ce pays.
Parallèlement, la militarisation de la région est renforcée par la politique de plusieurs pays qui se dotent de bateaux militaires et de sous marins (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Singapour). Le Vietnam a fait appel à l’Inde qui devrait venir patrouiller près des eaux territoriales vietnamiennes à l’avenir. Cette situation peut devenir source de nouveaux conflits et de tensions importantes à deux titres. D’abord, les évènements au Moyen orient montrent la fragilité des régimes despotiques. La Corée du nord est dans une période de transition. Il est difficile de dire quel serait la réaction des deux grandes puissances Chine et Usa si des bouleversements secouaient le pays. D’un autre côté, la présence de tous ces navires de guerre peut s’avérer explosive car comme le dit le proverbe chinois « un tigre qui ne montre pas sa férocité est traité comme un chat malade ».