Qu’elle est réjouissante, cette vague de fond venue d‘en bas qui secoue le monde arabe !
Elle démontre que ce qui hier encore était considéré comme immuable ne l’est pas forcément. Si les peuples s’en mêlent. De Tunis au Caire, d’Amman à Sanaa, ils se rapproprient leur devenir : ils dessinent des possibles dans un monde qu’on disait ne pas tolérer d’alternatives.
Après Ben Ali, Moubarak ! A l’heure où les rats quittent le navire, ils sont lâchés par leurs anciens protecteurs. C’est Mme Clinton qui fait ses remontrances au raïs égyptien. C’est Sarkozy qui en appelle à la loi et à la démocratie !
Comme s’ils n’avaient pas pu le faire avant ! Tout en cynisme, Jo Biden, le vice président des Etats-Unis résume : « Moubarak a été notre allié pour normaliser les relations avec Israël, je ne le qualifierais pas de dictateur ». Pour sa part, la veille du départ de Ben Ali, Michèle Alliot-Marie, ministre de Sarkozy, lui proposait les services de la France pour l’aider à rétablir l’ordre !
Ce sont les plus fidèles pions de l’impérialisme nord américain et européen que les peuples renversent ces jours. C’est le rêve du Grand Moyen Orient, cet immense nouveau marché fantasmé par l’establishement US, que, de Tunis au Caire, la rue balaye.
L’invasion de l’Irak avait été une des pièces maîtresses de ce projet : les soulèvements de ces jours sont aussi la réponse à cette invasion. Et elles le sont, réponse, à cet autre affront aux peuples qu’est l’existence de l’Etat confessionnel sioniste, avant-garde impériale dans le monde arabe.
C’est par hélicoptère que l’ambassadeur israélien au Caire s’est fait évacuer en lieu sûr, chez lui. Fuite sans gloire devant la montée en force des masses des pauvres et des opprimés, ce départ est un signal pour les peuples de la région, les Palestiniens en premiers.
Mais, les impérialistes ne vont pas rester les bras croisés. Déjà ils cherchent les solutions pour empêcher l’embrasement et retarder les échéances. Ainsi, Vodaphone, ce chantre mondial de la libre communication, a admis « s’être inclinée de bonne grâce » devant le blocage par Moubarak des communications électroniques !
Ces peuples qui se soulèvent montrent la voie. Mais ils ont besoin de soutien. En Egypte, 23% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ce qui n’a pas empêché Moubarak de rembourser en trente ans plus de 68 milliards de dollars pour la dette extérieure. Aujourd’hui encore elle est de 33 milliards de dollars !
En Egypte, en Tunisie, la dette extérieure contractée par les dictatures n’a rien de légitime. Elle doit être abolie. A ce titre, la responsabilité de la Suisse est engagée : membre du Directoire du Fonds monétaire international elle se doit de l’exiger.
Car il ne suffira pas de bloquer les fonds des dictateurs -et, encore, après qu’ils aient été vidés- pour faire oublier les accolades entre Pascal Couchepin et Hosni Moubarak, par exemple…
Paolo Gilardi