Ainsi que nous l’indiquions dès samedi, les conditions météorologiques sont désormais très défavorables
pour la population japonaise. Les rejets radioactifs de la centrale de FUKUSHIMA DAIICHI sont dirigés
vers l’intérieur des terres et non plus vers le Pacifique.
• ELEVATION DU NIVEAU DE RAYONNEMENT SUR LA PREFECTURE D’IBARAKI
A environ 100 km au sud de FUKUSHIMA DAIICHI, les débits de dose sont en nette augmentation sur la
préfecture d’IBARAKI : depuis le 17 mars, ils se situaient entre 0,1 et 1 µSv/h.
[Voir carte non reproduite ici]
A TAKAHAGI, l’augmentation a commencé ce lundi 21 mars vers 9 h heure locale (soit 1h en France).
Le débit de dose a été multiplié par 10 entre 11h30 et 14h : de 0,37 µSv/h à 3,7 µSv/h.
Evolution des niveaux de rayonnement dans le temps : voir pdf ci-joint
Il n’y a toujours aucune donnée sur la contamination de l’air. On ne peut donc rien dire de précis sur le
niveau de risque sanitaire. Si ce n’est répéter que des mesures de l’activité volumique de l’air sont
indispensables. Si les autorités japonaises n’ont pas l’équipement nécessaire, la communauté inter-
nationale doit y remédier immédiatement. Cela aurait déjà dû être fait. Ces informations ne pourront pas
être reconstituées.
• CONTAMINATION DE L’AIR A TOKYO
La contamination de l’air à Tokyo est passée pour l’iode 131, de 0,1 Bq/m3 d’air le dimanche 20 mars sur la
période 00h à 8h (16h à 0h00 Heure France) à 15,6 Bq/m3 le lundi 21 mars entre 8h et 10h. Les niveaux ont
légèrement décru depuis : 8 Bq/m3 entre 14h et 16h (soit 6h-8h HF). Il est cependant peu probable que la
baisse soit significative au cours des prochaines heures vu les simulations météorologiques.
Source d’information : le Tokyo Metropolitan Industrial Technology Research Institute (municipalité de Tokyo).
Heures de Tokyo | Activités en Bq/m3 | Heures de Paris | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Date | Début | Fin | Iodes 131 | Césium 137 | Date | Début | Fin | |
20-mars-11 | 00:00 | 08:00 | 0,1 | - | 19-mars-11 | 16:00 | 00:00 | |
20-mars-11 | 08:00 | 16:00 | 0,2 | - | 20-mars-11 | 00:00 | 08:00 | |
20-mars-11 | 16:00 | 23:00 | 1,3 | 0,5 | 20-mars-11 | 08:00 | 15:00 | |
21-mars-11 | 00:00 | 03:00 | 4,4 | 2,2 | 20-mars-11 | 15:00 | 19:00 | |
21-mars-11 | 03:00 | 08:00 | 8,4 | 4,3 | 20-mars-11 | 19:00 | 00:00 | |
21-mars-11 | 08:00 | 10:00 | 15,6 | 6,6 | 21-mars-11 | 00:00 | 02:00 | |
21-mars-11 | 10:00 | 12:00 | 11,9 | 5,6 | 21-mars-11 | 02:00 | 04:00 | |
21-mars-11 | 12:00 | 14:00 | 8,5 | 3,1 | 21-mars-11 | 04:00 | 06:00 | |
21-mars-11 | 14:00 | 16:00 | 8 | 3 | 21-mars-11 | 06:00 | 08:00 | |
21-mars-11 | 16:00 | 23:00 | ? | ? | 21-mars-11 | 08:00 | 15:00 |
Le laboratoire de la CRIIRAD réitère sa mise en garde du 17 mars dernier : les activités en iode radioactif
sont sous-évaluées car les analyses portent sur des filtres à poussières qui ne retiennent que les aérosols,
pas les gaz. Or les iodes radioactifs (iode 131, 132 et 133) sont principalement présents sous forme
gazeuse. Il est assez probable qu’il faille multiplier les activités par 10 pour avoir une meilleure
appréciation du niveau de risque.
Précision importante : l’air contient également des gaz rares radioactifs (du krypton 85, du xénon 133 ..) Il
faudrait déterminer l’activité du tritium, des isotopes du ruthénium, du tellure, du strontium. Il faudrait
également savoir s’il contient des transuraniens, des émetteurs alpha très radiotoxiques comme les
plutoniums 238,239 ou 240 ou encore l’américium 241. Déjà demandé par la CRIIRAD il y a une semaine !
POUR RAPPEL : sur la période du mardi 15 mars minuit au mercredi 16 mars 18h (heures locales), soit 42
heures de suivi, les activités étaient les suivantes :
– Iode 131 : 14,9 Bq/m3
– Iode 132 : 14,5 Bq/m3
– Césium 134 : 3,4 Bq/m3
– Césium 137 : 3,2 Bq/m3
L’augmentation était maximale le 15 mars, entre 10h et 12h, avec un pic de radioactivité sur les
poussières prélevées à 11h :
– Iode 131 : 241 Bq/m3
– Iode 132 : 281 Bq/m3
– Césium 134 : 64 Bq/m3
– Césium 137 : 60 Bq/m3 (soit plus de 10 millions de fois le niveau antérieur aux accidents nucléaires)
Pour l’instant, l’activité de l’air à Tokyo reste inférieure à ces valeurs (qui fort heureusement ont rapi-
dement décru). Il faut souhaiter que la situation ne se dégrade pas. Rappelons que le risque encouru pas
la population doit être évalué en cumulant les expositions dans la durée et l’ensemble des contributions
(irradiation externe, inhalation et ingestion).
• LA SITUATION DOIT ETRE SUIVIE EN TEMPS REEL
Il faut suivre la situation heure par heure. Le niveau d’exposition des personnes dépend :
1/ de l’intensité des émissions radioactives qui ne sont pas contrôlées et pour lesquels aucun chiffre n’a
été publié depuis 10 jours !
2/ de la direction et de la force des vents qui déterminent les zones affectées par le passage des masses
d’air contaminé. L’exposition des personnes dépend alors de la quantité de rayonnements émis par le
panache radioactif (mesurée en µSv/h) et de la nature et de l’activité des produits radioactifs présents et
donc inhalés par les habitants (activité de chaque radionucléide mesurée en Bq/m3 d’air).
3/ de la survenue des pluies ou de la neige qui intensifient les dépôts au sol. Ceux-ci vont augmenter
l’exposition externe : augmentation du rayonnement émis par les particules radioactives et les gaz dissous
accumulés au sol et surtout augmentation de la contamination de la chaîne alimentaire (déjà très élevée
dans les produits à risque voir ci-dessous).
• LA CONTAMINATION DES ALIMENTS
Cela fait plus d’une semaine que la centrale nucléaire de FUKUSHIMA DAIICHI rejette des produits
radioactifs dans l’atmosphère. Les analyses de produits alimentaires révèlent des niveaux de
radioactivité extrêmement élevés dans des épinards et dans du lait (chiffres officiels).
Les normes sont largement dépassées et les produits concernés doivent impérativement être retirés du
marché. Les informations qui nous parviennent indiquent que des mesures de retrait sont effectivement
prises par les autorités japonaises. Il est important de conseiller aux habitants des zones affectées de ne
pas consommer les produits à risque (légumes à large feuilles, lait et fromages frais notamment). Si
certains de ces produits sont indispensables (lait pour les enfants par exemple), il faut organiser des
approvisionnements en aliments non contaminés (selon les zones, l’évacuation est probablement plus
appropriée).
Les résultats relatifs aux épinards sont d’autant plus inquiétants que la zone de prélèvement (nord de la
préfecture d’IBARAKI) est située entre 80 et 120 km au sud de la centrale nucléaire. Les informations
diffusées dimanche matin par la CRIIRAD faisaient état de niveaux de contamination pouvant atteindre
15 000 Bq/kg en iode 131, soit plus de 7 fois la limite de contamination de 2 000 Bq/kg.
Sur des échantillons collectés le 18 mars 2011 à Hitachi (préfecture d’IBARAKI), l’activité de l’iode 131 est
de 54 100 Bq/kg soit des niveaux de contamination 27 fois supérieurs à la limite en vigueur au Japon .
Les activités mesurées dans ces épinards sont suffisamment élevées pour que l’ingestion de quantités
limitées de produits conduise au dépassement de la limite de dose maximum admissible de 1 mSv/an
(limite de dose pour la population).
Dans le tableau ci-dessous, nous avons calculé, sur la base des coefficients de dose efficace reconnus au
niveau international, l’activité d’iode 131 (en Bq) qui, si elle est ingérée, délivre à l’organisme une dose
égale à la limite de dose maximum admissible de 1 mSv/an.
Les valeurs sont plus basses pour les enfants, notamment du fait des particularités anatomiques : une
même activité ingérée délivre une dose supérieure étant donné que la dose correspond à l’énergie délivrée
par unité de volume et que leurs organes sont plus petits. Il suffit qu’un enfant en bas âge ingère 5 000 Bq
d’iode radioactif pour qu’il reçoive une dose de 1 mSv ; pour un adulte, la quantité nécessaire est 8 fois
supérieure (45 500 Bq).
Tranches d’âges | Coefficients de dose en Sv/Bq | Activité d’iode 131 ingéré pour 1 mSv | Quantité d’épinards à 54 100 Bq/kg pour atteindre 1 mSv |
---|---|---|---|
Moins de 1 an | 1,80E-07 | 5.556Bq | 0,103Kg |
1 à 2 ans | 1,80E-07 | 5.556Bq | 0,103Kg |
2 à 7 ans | 1,00E-07 | 10.000Bq | 0,185Kg |
7 à 12 ans | 5,20E-08 | 19.231Bq | 0,355Kg |
12 à 17 ans | 3,40E-08 | 29.412Bq | 0,544Kg |
Plus de 17 ans | 2,20E-08 | 45.455Bq | 0,840Kg |
Si une famille de la circonscription d’IBARAKI consomme des épinards à 54 100 Bq/kg, il suffira qu’un jeune
enfant en ingère 103 g, un enfant de 5 ans 185 grammes et un adulte 840 grammes pour atteindre en
quelques repas, quelques jours la limite annuelle. Sans compter les doses accumulées du fait de
l’inhalation, de l’ingestion d’autres aliments et de l’exposition par la radioactivité des sols contaminés, etc.
CRIIRAD
Communiqué du 21 mars – 11 h00
Tel : 04 75 41 82 50
contact criirad.org