Petit lexique du nucléaire
Sélection des termes qu’il faut connaître pour comprendre l’accident nucléaire à la centrale de Fukushima.
Becquerel : Unité de mesure internationale de la radioactivité. Le Becquerel (Bq) mesure l’activité d’une source radioactive, c’est-à-dire le nombre de transformations ou désintégrations d’atomes qui s’y produisent en une seconde. Par exemple, un corps dont l’activité est de 12 000 becquerels signifie que 12 000 atomes s’y désintègrent à chaque seconde.
Bore : Présent dans l’eau du circuit primaire sous forme d’acide borique dissous, il permet, par sa capacité à absorber les neutrons, de modérer la réaction en chaîne.
Césium : Métal rare et toxique. L’un de ses isotopes, le césium 137, est un produit de fission radioactif que l’on trouve dans les différents circuits de la zone nucléaire.
Contamination : Dépôt en surface de poussières ou de liquides radioactifs. La contamination pour l’homme peut être externe (sur la peau) ou interne (par ingestion ou respiration).
Enceinte de confinement : Egalement appelée bâtiment du réacteur, l’enceinte de confinement est un bâtiment en béton à l’intérieur duquel se trouvent la cuve, le cœur du réacteur ainsi que les générateurs de vapeur. Elle constitue la troisième des barrières qui permettent d’isoler les produits radioactifs contenus dans le cœur du réacteur de l’environnement, après la gaine du combustible et le circuit primaire. Elle doit donc être étanche pour retenir les produits radioactifs qui seraient libérés lors d’une rupture du circuit primaire, après un accident.
Fission nucléaire : Eclatement d’un noyau lourd, par exemple d’uranium ou de plutonium, en deux parties sous l’effet d’un bombardement de neutrons. Cette fission s’accompagne d’un important dégagement d’énergie et l’émission d’autres rayonnements, y compris de neutrons qui peuvent entretenir la réaction. Cette réaction est à la base de la production d’énergie nucléaire.
Fusion nucléaire : Formation d’un noyau lourd à partir de deux noyaux légers, par exemple du deuterium et du tritium, qui sont des isotopes de l’hydrogène. L’intérêt de la fusion est qu’elle pourrait potentiellement produire beaucoup plus d’énergie, à masse de combustible égale, que la fission.
Mais en dépit des recherches menées dans le monde entier depuis 50 ans, en dehors du domaine militaire avec la bombe H, aucune application effective de la fusion à la production d’énergie n’a encore vu le jour. C’est le but du projet de recherche international ITER.
Fusion du réacteur nucléaire : Lorsqu’un réacteur nucléaire cesse d’être correctement refroidi, les crayons de combustible nucléaire (qui contiennent l’uranium ou le plutonium ainsi que des produits de fission hautement radioactifs) commencent à surchauffer puis à fondre à l’intérieur du réacteur. Ils passent de l’état solide à l’état liquide.
La fusion du cœur est considérée comme un accident nucléaire grave en raison de la probabilité que des matières radioactives puissent franchir l’enceinte de confinement. A ne pas confondre avec la fusion nucléaire.
Gray : Unité de mesure (Gy) de la quantité de rayonnements absorbés par un organisme ou un objet. Pour exemple, une radiographie dentaire correspond à une dose absorbée de 0,2 mGy, un cliché thoracique, 1 mGy, une séance de radiothérapie, 2 Gy.
INES : Echelle internationale des événements nucléaires et radiologiques. Cette échelle logarithmique compte huit niveaux, notés de 0 à 7, afin de mesurer la gravité d’un accident nucléaire. Conçue par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), elle a été adoptée par une cinquantaine de pays en 1991.
Iode : Elément dont des isotopes radioactifs, comme l’iode 131, sont massivement présents dans les produits de fission de l’industrie nucléaire. Lors d’un accident, l’émission d’iode 131 est un facteur de cancer ou de troubles graves de la thyroïde. La thyroïde fixe en effet une grande partie de l’iode absorbé via l’alimentation, l’eau ou l’inhalation.
La distribution d’iode stable permet de saturer la thyroïde pour éviter que ses isotopes radioactifs ne s’y fixent.
Mox : Combustible nucléaire qui mélange de l’oxyde d’uranium appauvri et de l’oxyde de plutonium issus du retraitement. Il est utilisé dans les réacteurs de la génération actuelle (à eau légère, bouillante ou pressurisée).
Piscine : La piscine de stockage du combustible a deux fonctions : elle reçoit l’ensemble des assemblages du cœur du réacteur pendant les arrêts pour rechargement et elle sert au stockage des assemblages usés dans l’attente — souvent de plusieurs années — de leur envoi vers une usine de retraitement. Le refroidissement de la piscine est nécessaire pour évacuer la puissance émise par le combustible.
Radioactivité : Emission de rayonnements alpha, bêta et gamma accompagnant la désintégration d’un élément instable ou la fission. La radioactivité existe à l’état naturel et artificiel. Dans ce dernier cas, les noyaux émetteurs sont produits en laboratoire ou dans les réacteurs nucléaires. La radioactivité se mesure en Becquerels.
Réacteur nucléaire : Installation permettant d’amorcer et d’entretenir une réaction de fission en chaîne. Dans une centrale nucléaire, c’est lui qui fournit la chaleur permettant la production de vapeur. Différents types de réacteurs fonctionnent dans le monde : réacteur à eau sous pression (REP), comme en France, réacteurs à eau bouillante, comme au Japon, ou encore des réacteurs à neutrons rapides.
Réaction nucléaire : Transformation d’un ou plusieurs noyaux atomiques. Les deux principales sont la fusion et la fission.
Sievert : Unité de mesure (Sv) des effets de la radioactivité sur les organismes vivants exposés. On l’obtient en multipliant la dose de radioactivité absorbée par unité de masse par un facteur de correction sans unité qui prend en compte la dangerosité du rayonnement. La dose normale reçue par l’organisme est d’un millisievert par an. On considère qu’à partir de 100 millisieverts (mSv) on risque de développer des cancers.
* LEMONDE.FR | 16.03.11 | 15h11 • Mis à jour le 17.03.11 | 13h57.
Comment classe-t-on un accident nucléaire ?
La catastrophe nucléaire s’aggrave d’heure en heure au Japon. Deux brèches de huit mètres de large sont apparues dans l’enceinte de confinement du réacteur n°4 de la centrale atomique de Fukushima Dai-Ichi, touché par un incendie. Une grave explosion s’est par ailleurs produite dans le réacteur 2, endommageant aussi son enceinte de confinement. Conséquence : les mesures de radioactivité ont rapidement relevé des niveaux “considérables”. Des événements qui ont conduit l’autorité de sûreté nucléaire française à classer la catastrophe au niveau 6 sur 7 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques (INES). L’agence de sûreté nucléaire japonaise a de son côté maintenu le classement en niveau 4, qu’elle avait annoncé samedi. Olivier Dreser, en charge de la sûreté à la direction des applications militaires du Centre de l’énergie atomique (CEA), explique le fonctionnement de cette échelle de classement, utilisée depuis 1991, après la catastrophe de Tchernobyl.
Qui procède au classement d’un accident nucléaire ?
Olivier Dreser : Lorsqu’un accident nucléaire survient, l’exploitant propose à son autorité de sûreté un classement sur l’échelle INES. Cette échelle logarithmique compte huit niveaux de gravité notés de 0 à 7. Pour les incidents de niveau 1 à 2, les informations restent au niveau de l’autorité de sûreté du pays, qui valide le classement. Mais lorsque les accidents dépassent le niveau 2, l’autorité de sûreté doit en informer l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), qui valide en dernier recours le classement sur l’échelle INES.
Dans le cas japonais, l’entreprise Tepco a proposé à l’autorité de sûreté japonaise un classement en niveau 4, samedi. Le directeur de l’autorité de sûreté nucléaire française peut donner son opinion quant à l’état de la catastrophe - et estimer qu’elle est de niveau 6 - mais en aucun cas décider du classement d’un événement qui ne se déroule pas sur le territoire français. Ce sera donc l’AIEA qui se prononcera en dernier recours sur le classement définitif de l’accident.
En fonction de quels paramètres ce classement est-il effectué ?
Le classement dépend tout d’abord du niveau de retombées radioactives dans l’environnement. Il s’agit d’examiner l’exposition des individus, qui se mesure en millisieverts par heure, ainsi que l’impact sur l’environnement, que l’on compte en Becquerels par grammes. Ensuite, l’on observe aussi la proportion de la population impactée, et la surface géographique touchée.
Pourquoi les autorités de sûreté nucléaire française et japonaise divergent sur le classement de l’accident de Fukushima ?
Malgré l’ampleur de l’accident, il est normal qu’il y ait des discussions. Des valeurs de contamination doivent encore être mesurées et affinées et l’événement n’est pas terminé. Une fois que la situation n’évoluera plus, il ne devrait plus y avoir d’incertitude quant au niveau de contamination ambiant ni d’ambiguïté sur le classement. Et l’on sait d’ores et déjà que l’on s’oriente vers un classement supérieur au niveau 4, qui correspond à un accident n’impliquant pas de risque important à l’extérieur du site. Les niveaux 5, 6 et 7, eux, impliquent un risque à l’extérieur du site, limité, majeur ou important.
* Le Monde.fr, Mardi 15 mars 2011.
Les rayonnements ionisants, matière à confusion
Entre les becquerels, les millisieverts par heure, les grays et autres curies, il est parfois difficile de s’y retrouver.
Activité. Cette grandeur représente le nombre de désintégrations par seconde au sein d’une matière radioactive. La désintégration est la destruction du noyau d’un élément chimique qui se transforme en d’autres éléments de masse atomique plus faible, avec libération d’énergie sous forme de radiations.
L’activité peut être exprimée en curie (Ci), mais l’unité la plus communément utilisée est le becquerel (Bq). Equivalence : 1 Bq=27 picocuries (27 millionième de millionième de curie). Pour déterminer un niveau de contamination interne, on rapporte l’activité à la masse ou au volume considéré (Bq/kg ou Bq/l). Par exemple, au Japon, la limite autorisée d’iode 131 dans l’eau de boisson est de 100 Bq/kg (ou par litre, puisque un litre d’eau a une masse de un kg).
Dose absorbée. C’est la quantité d’énergie communiquée à la matière par unité de masse, exprimée en gray (Gy) ou en rad. Equivalence : 1 Gy=1 joule/kg=100 rad. Cette grandeur ne prend pas en compte l’effet biologique, qui est différent selon le type de rayonnement ionisant.
Ainsi, les particules alpha et bêta ont un pouvoir de pénétration très faible dans l’air – une feuille de papier peut stopper des noyaux d’hélium, une feuille d’aluminium des électrons – mais ils peuvent avoir un impact au contact des cellules en cas d’ingestion ou d’inhalation. Les rayonnements X et gamma se propagent à plusieurs centaines de mètres et il faut de fortes épaisseurs de plomb et de béton pour s’en protéger.
Equivalent de dose. Pour la protection des personnes (radioprotection), c’est la grandeur utilisée pour tenir compte de la différence d’effet biologique des divers rayonnements, évoquée ci-dessus. Il est exprimé en sievert (Sv) et plus rarement en rem (1 Sv=100 rem).
En pratique, on s’exprime en débit d’équivalent de dose (en sievert par heure, par exemple) pour définir des limites d’exposition. Ainsi en France, pour le public, la limite est fixée à un millième de sievert par an (un millisievert par an, 1 mSv/an), tandis qu’elle est de 20 mSv/an pour les travailleurs sous rayonnement ionisant (industrie nucléaire, radiologie médicale…). A Fukushima, un débit d’équivalent de dose de 400 mSv/h a été enregistré sur le site.
Demi-vie ou période. Cela désigne la durée nécessaire pour qu’un radioélément perde la moitié de sa radioactivité. Pour l’iode 131, elle est de 8 jours, et de 30,2 ans pour le césium 137, principaux corps radioactifs émis dans le panache de Fukushima à ce jour. Le plutonium 239 a une demi-vie de 24 110 ans. On estime généralement qu’il faut dix périodes pour que la concentration devienne négligeable – cela correspond à une division par 1024 de la radioactivité.
Il faut bien sûr tenir compte, dans cette appréciation, de la concentration initiale. Pour l’iode, la contamination peut avoir quasiment disparu en 80 jours, mais il faut attendre 300 ans pour le césium et 24 000 ans pour le plutonium 239. Chez l’animal, la période peut être plus courte, car certains radioéléments peuvent être éliminés par les voies naturelles. Dans le bétail, la concentration en césium décroît de moitié en 70 jours, il en subsiste donc 1000 fois moins en environ deux ans.
Rappel sur les facteurs multiplicateurs : 1 kilo (k) = 1000 000 milli (m) = 1 000 000 000 micro (µ).
Hervé Morin
Accident nucléaire : de l’iode pour prévenir le cancer de la thyroïde
En cas d’accident nucléaire majeur, les risques d’être atteint par les rayonnements qu’émettent les particules radioactives sont de deux ordres. Premièrement, un risque d’irradiation à proximité de la source de rayonnement, qui concerne en premier lieu le personnel des installations nucléaires ou les sauveteurs. Deuxièmement, un risque de contamination des populations voisines ou plus lointaines, si les vents s’en mêlent, par des poussières ou des gaz radioactifs.
Cette contamination est externe lorsque des poussières sont déposées sur la peau. Elle est interne lorsque les éléments radioactifs pénètrent dans le corps par la respiration, l’absorption d’aliments ou de boissons contaminés, ou par une plaie.
Les conséquences dépendent de la dose absorbée, laquelle est elle-même fonction de l’intensité de la source radioactive, de sa proximité, de la nature des rayonnements émis et du temps d’exposition.
Lorsqu’un très grave accident survient, plusieurs éléments radioactifs très nocifs (césium, strontium, gaz rares tels le krypton et le xénon) sont susceptibles d’être rejetés dans l’atmosphère. Tous ces produits augmentant la possibilité de mutations dans les cellules qu’ils irradient, le risque principal en cas de contamination est de développer un cancer. A cet égard, le danger le plus grand est sans conteste celui d’une contamination par de l’iode radioactif.
DISTRIBUTION DE PASTILLES
Emis sous forme gazeuse, l’iode inhalé a la propriété de se fixer très rapidement sur la thyroïde, provoquant son irradiation. Lorsque la population menacée n’a pas pu être évacuée, hormis le confinement, le moyen de prévention le plus efficace est la distribution de pastille d’iode en priorité aux bébés, aux jeunes et aux femmes enceintes.
Les autorités japonaises ont commencé cette distribution. En effet, pour éviter ou limiter la fixation de l’iode radioactif, il convient d’absorber, dans l’heure qui précède ou l’heure qui suit l’inhalation, de l’iode stable (non radioactif). Celui-ci sature la thyroïde, et empêche une fixation ultérieure de l’élément radioactif.
Faute de cette mesure préventive, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl (Ukraine), survenue le 26avril 1986, a entraîné, à partir de 1990, une progression importante des cancers de la thyroïde chez les enfants qui avaient été soumis aux émanations radioactives de la centrale. Prédite dès l’accident par nombre d’experts mais longtemps niée par les autorités soviétiques, cette épidémie de cancers a été officiellement confirmée par l’Organisation mondiale de la santé en 1995.
Catherine Vincent
* Article paru dans Le Monde, édition du 15.03.11. | 14.03.11 | 12h20 • Mis à jour le 15.03.11 | 11h34