On attribue généralement aux frères américains Wright le mérite d’avoir procédé au premier vol, le 17 décembre 1903. Prodige de
l’esprit humain. Mais aussi terrifiante logique : immédiatement, certains se sont interrogés : et si cette invention pouvait être utilisée
pour acquérir un ascendant à la guerre ? De nombreux hommes politiques et militaires imaginèrent que cette invention pouvait
devenir une arme – de reconnaissance et / ou de bombardement.
Quand cette idée fut-elle pour la première fois mise en pratique ?
Pour la quasi totalité des études historiques, la première guerre aérienne fut celle de 1914-1918 [1]. C’est vrai, si l’on retient comme
critère le combat dans le ciel entre militaires, en quelque sorte à armes égales. Mais c’est oublier une autre forme : le
bombardement aérien. L’utilisation de l’aviation fut vite perçue par les stratèges militaires comme un moyen radical, de terrasser
l’ennemi – les fantassins au sol ou… les populations civiles – qui, lui, évidemment, ne pouvait riposter.
Et c’est aux colonies que ce type de terrorisme – au sens premier du terme : usage de la terreur pour obtenir un avantage – fut,
pour la première fois, appliqué.
Dans cette course au déshonneur, les militaires italiens arrivèrent « bons » premiers. Et ce en Tripolitaine, appelée aujourd’hui… la
Lybie. Le pays était alors sous la coupe de l’Empire Ottoman, qui avait – miraculeusement – conservé cette parcelle de son
ancien immense domaine. L’Italie, jeune nation, furieuse d’être partie trop tard dans la course aux colonies, devancée par exemple
par la France en Tunisie, manifesta ses appétits de conquête dans cette partie de la côte septentrionale de l’Afrique.
La guerre commença le 29 septembre 1911. Dès le 22 octobre, le capitaine italien Carlo Piazza effectua le premier vol militaire
– une reconnaissance – au-dessus des lignes turques ; dès novembre, des largages de bombes par avions sont attestés sur le
même front [2].
Les Français ne voulaient certes pas être les derniers à envisager cette hypothèse. Dès septembre 1910, une mission avait été
chargée d’étudier la mise en place d’une station d‘aviation dans le sud algérien. Signe qui ne trompe pas, ce fut le ministère de la
Guerre qui en fut chargé [3].
L’armée française arriva seconde de ce palmarès, coiffée sur le fil par les frères latins d’Italie : dès 1912 – donc l’année de
l’établissement du protectorat –, au Maroc [4], il fut procédé à des bombardements aériens.
Une suggestion à nos croisés – dixit Guéant – de l’Occident en Lybie : si la guerre dure toujours en novembre, pour le centenaire
du premier largage aérien de bombes de l’histoire de l’humanité, organisez une petite fête… mais soyez discrets.
Alain Ruscio